Vie et mort selon le Yogavasistha - article ; n°2 ; vol.201, pg 139-170
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Description

Revue de l'histoire des religions - Année 1984 - Volume 201 - Numéro 2 - Pages 139-170
L'épopée philosophique du Yogavâsistha-Mahârâmayâna, dont la date demeure incertaine (du huitième au treizième siècle apr. J.-C), professe une philosophie originale située à la croisée du Vedânta non dualiste, du bouddhisme idéaliste et du sivaïsme du Cachemire. Elle contient notamment une série d'approches convergentes du phénomène de la mort et de méditations sur l'au-delà, à travers lesquelles se dessine une doctrine cohérente. Après avoir décrit le processus de la mort-transition, non sans une grande acuité phénoménologique, le YV établit que les conditions d'existence post mortem consistent dans un tissu de fictions projetées dont le mécanisme de production se révèle analogue à celui du rêve. L'article évoque alors l'interprétation indienne de l'état de rêve et montre ensuite comment le contenu d'expérience propre à l'existence intermédiaire se relie et s'articule aux phénomènes de la croyance et de la création mentale (bhâvanâ), avant d'élucider la signification métaphysique de l'opposilion de la vie et de la mort. L'expérience létale se révèle ainsi comme la pierre de touche de l'idéalité ultime du monde, en sorte que le YV offre un exemple limite de relativi- sation du schème de la transmigration (samsara).
32 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 12
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

François Chenet
Vie et mort selon le Yogavasistha
In: Revue de l'histoire des religions, tome 201 n°2, 1984. pp. 139-170.
Résumé
L'épopée philosophique du Yogavâsistha-Mahârâmayâna, dont la date demeure incertaine (du huitième au treizième siècle apr.
J.-C), professe une philosophie originale située à la croisée du Vedânta non dualiste, du bouddhisme idéaliste et du sivaïsme du
Cachemire. Elle contient notamment une série d'approches convergentes du phénomène de la mort et de méditations sur l'au-
delà, à travers lesquelles se dessine une doctrine cohérente. Après avoir décrit le processus de la mort-transition, non sans une
grande acuité phénoménologique, le "YV" établit que les conditions d'existence post mortem consistent dans un tissu de fictions
projetées dont le mécanisme de production se révèle analogue à celui du rêve. L'article évoque alors l'interprétation indienne de
l'état de rêve et montre ensuite comment le contenu d'expérience propre à l'existence intermédiaire se relie et s'articule aux
phénomènes de la croyance et de la création mentale ("bhâvanâ"), avant d'élucider la signification métaphysique de l'opposilion
de la vie et de la mort. L'expérience létale se révèle ainsi comme la pierre de touche de l'idéalité ultime du monde, en sorte que
le "YV" offre un exemple limite de relativi- sation du schème de la transmigration ("samsara").
Citer ce document / Cite this document :
Chenet François. Vie et mort selon le Yogavasistha. In: Revue de l'histoire des religions, tome 201 n°2, 1984. pp. 139-170.
doi : 10.3406/rhr.1984.4320
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1984_num_201_2_4320VIE ET MORT
SELON LE YOGAVÀSISTHA
L'épopée philosophique du Yogavâsistha-Mahârâmayâna,
dont la date demeure incertaine (du huitième au treizième
siècle apr. J.-C), professe une philosophie originale située à la
croisée du Vedânta non dualiste, du bouddhisme idéaliste et du
sivaïsme du Cachemire. Elle contient notamment une série
d'approches convergentes du phénomène de la mort et de médit
ations sur l'au-delà, à travers lesquelles se dessine une doctrine
cohérente. Après avoir décrit le processus de la mort-transition,
non sans une grande acuité phénoménologique, le YV établit
que les conditions d'existence post mortem consistent dans un
tissu de fictions projetées dont le mécanisme de production se
révèle analogue à celui du rêve. L'article évoque alors l'interpré
tation indienne de l'état de rêve et montre ensuite comment le
contenu d'expérience propre à l'existence intermédiaire se relie
et s'articule aux phénomènes de la croyance et de la création
mentale (bhâvanâ), avant d'élucider la signification métaphys
ique de Vopposilion de la vie et de la mort. Ù expérience létale
se révèle ainsi comme la pierre de louche de l'idéalité ultime du
monde, en sorte que le YV offre un exemple limite de relativi-
sation du scheme de la transmigration (samsara).
Situé au confluent des approches spéculatives du Vedânta
non dualiste et du bouddhisme idéaliste (Yogâcara-Vijnâ-
navâda) tout en étant ouvert aux suggestions du éivaïsme du
Cachemire, le Grand Râmaydna exposant l'enseignement du
Revue de l'Histoire des Religions, cci-2/1984 140 François Chenet
sage Vâsistha (Yogavâsislha-Mahârâmayâna) (YV) est une
épopée philosophique qui a toujours connu une grande for
tune dans la littérature religieuse hindoue, bien qu'il soit
difficile de lui assigner une date précise (du vme au xme siècle
apr. J.-C).
De tous les problèmes majeurs qu'élucide le YV, ce vaste
« thésaurus des philosophies indiennes »*, la question des modal
ités de l'expérience létale et de sa signification se recom
mande tout particulièrement à l'attention. L'intérêt des
réponses apportées par le YV apparaît double à cet égard.
Grâce au recours au pouvoir yoguique de l'œil divin (jnâ-
nanetra, divyacaksus ) ce pouvoir sinon surnaturel, du moins
praeternaturel de clairvoyance, largement répandu dans l'hi
ndouisme comme dans le bouddhisme, le FF prétend franchir
la frontière séparant l'ici-bas de l'au-delà à jamais impénét
rable et dissiper le mystère de la mort : d'une semblable
clairvoyance spirituelle, censée ouvrir l'accès à l'au-delà, pro
cède alors une description du voyage spirituel posthume de
l'âme faisant appel à l'imaginaire religieux pour donner forme
à l'inconnaissable et au nécessairement absent. Aussi le YV
présente-t-il d'abord l'intérêt d'être un document anthropo
logique situé à mi-chemin du logos et du muthos, qui déve
loppe l'impossible vision de ce qu'on ne peut voir sans mourir.
Mais outre son acuité phénoménologique, cette description
excessivement fine des modalités de la mort-transition et des
conditions d'existence post mortem se signale encore, même
en l'absence de toute rigueur démonstrative, par la cohérence
de la doctrine qui s'y dessine néanmoins. Dégager les él
éments de réponse qu'apporte le YV en vue d'élucider le
mystère ultime, analyser leur mode d'articulation aux divers
1. samastavijnânaéâstrakoêam. Texte édité avec le commentaire Tâtparga-
prakaéa d'Anandabodhendra Saravastï (xixe s.) par Laxman Sastri Pansikar,
Nirnaya Sagar Press, Bombay, 1918, 2 vol. (reprint : Munshiram Manoharlal,
Delhi, 1981) ; la traduction, assez défectueuse, de Vihâri Lâla Mitra (reprint :
Bharatiya Publishing House, 1976, 4 vol.), dont le mérite reste d'avoir été un
travail de pionnier, est ici amendée par nos soins. Le YV comprend 27 687 ver
sets .mais sa longueur peut varier selon les recensions (de 23 000 à 32 000). Vie et mort selon le Yogavâsisfha 141
thèmes sur lequel roulent les enseignements impartis à Râma
par Vâsistha, avant d'en méditer la signification, tel est donc
notre propos dans cette étude.
Bien, que maints passages du FF évoquent incidemment
la question de la mort2, c'est la narration de l'histoire de la
princesse Lîlâ qui fournit principalement à Vâsistha l'occa
sion d'exposer sa philosophie de la mort et de l'au-delà. Cet
apologue en effet, dont le procédé de la « mise en abyme »
complique encore la structure, n'occupe pas moins de 44 cha
pitres du IIIe livre consacré au surgissement du monde
(utpatti prakarana). Tous repères temporels effacés et comme
dissous dans la simultanéité polyphonique de Yaeternum
nunc, la princesse Lïlâ, douée de la « réalisation yoguique »
(siddhi)s de clairvoyance spirituelle, contemple ses incar
nations partagées avec son mari le roi Padma. Au moyen
de son corps spirituel4, elle est le témoin des fortunes diverses
de trois existences de Padma, dont maints chapitres aux
accents épiques amplifient et dramatisent alors les vicissi
tudes, puis elle se dédouble en une Lîlâ I et une Lïlâ II,
jusqu'au dénouement final où Sarasvatï permet la réunion
des deux Lïlâ et du roi dans leur présente incarnation.
Le roi Padma étant parvenu à l'article de la mort, ou du
moins à ce que le sens commun tient pour un instant spéci
fique, voici donc comment le YV décrit la phénoménologie
2. Par exemple, III, 122, 17-22 ; VI b, 18, 1 et VI b, 105, 29-30.
3. Cf. Yoga sûtra, III, 16 sq., trad. J. H. Woods, The Yoga-Sgstem of
Patanjali (HOS, n° 17), Cambridge, Mass., 1927.
4. akâéavapùsau sthite (III, 40, 62). François Chenet 142
de la transition. Expérience tout d'abord de la défaillance
et de l'intense désorientation propres à l'agonie : « La sphère
du ciel tourne devant lui et la vague marine l'emporte au
loin. Il se voit soulevé en l'air et précipité dans un état
de torpeur massive. Il se figure tantôt qu'il choit dans un
puits noir et tantôt qu'il gît dans la caverne d'une montagne5.
Il se voit tantôt tomber du ciel et tant

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