À propos d une image inspirée d Hénoch - article ; n°1 ; vol.146, pg 363-386
25 pages
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Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres - Année 2002 - Volume 146 - Numéro 1 - Pages 363-386
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2002
Nombre de lectures 25
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Monsieur Claude Lepage
À propos d'une image inspirée d'Hénoch
In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 146e année, N. 1, 2002. pp. 363-
386.
Citer ce document / Cite this document :
Lepage Claude. À propos d'une image inspirée d'Hénoch. In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et
Belles-Lettres, 146e année, N. 1, 2002. pp. 363-386.
doi : 10.3406/crai.2002.22438
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_2002_num_146_1_22438) \
COMMUNICATION
À PROPOS D'UNE IMAGE ÉTHIOPIENNE INSPIRÉE D'HÉNOCH,
PAR M. CLAUDE LEPAGE, CORRESPONDANT DE L'ACADÉMIE
Le propos de cette communication est double : faire connaître
et expliquer une image éthiopienne chrétienne, unique non seu
lement dans l'art éthiopien, mais pour l'ensemble de l'imagerie
chrétienne, et d'autre part, en contrepoint d'un rattachement
inattendu de cette image à Hénoch, tenter de préciser des zones
floues de l'iconographie de l'une des plus importantes créations
de l'imaginaire humain : la représentation de dieu. Les observa
tions rassemblées esquisseront une théorie susceptible de susciter
des études complémentaires et de contribuer à l'histoire de ce
thème.
Un hapax éthiopien (fig. 1)
Dans les manuscrits illustrés du tétraévangile éthiopien des
XIIIe et XIVe siècles, la dernière image des cycles est presque
toujours une représentation identifiée au premier abord comme
une ascension. Mais en réalité elle est constituée d'une vision du
Christ trônant dans le ciel, entourée de quatre créatures célestes à
tête d'homme, de lion, d'aigle et de bœuf (fig. 2). On les nomme
souvent, surtout lorsqu'ils tiennent en mains un livre, « symboles
des évangélistes », mais les Éthiopiens chrétiens les nomment
« Arba'etu ensesa » : les « Quatre Animaux ». Au registre inférieur
de notre illustration, comme dans les représentations de l'Ascen
sion des autres arts chrétiens, se tiennent les douze apôtres, les
témoins de l'ascension, et la Vierge, dont la présence n'est pas
canonique. Peu nous importera ici ce fait.
Or, première surprise, ces témoins qui font de la vision une
ascension n'apparaissent pas dans l'image éthiopienne qui nous
intéresse (fig. 1). Elle appartient à un manuscrit datable du pre- "
\
364 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
Fig. 1. - Image hapax du tétraévangile du monastère Dabra Estifanos du lac Hayq,
conservé à la Ribliothèque nationale d'Addis Abeba. IMAGE ÉTHIOPIENNE INSPIRÉE D'HÉNOCH 365
Fie. 2. - Image habituelle de l'Ascension en fin de cycle illustré en frontispice des
tetraévangiles éthiopiens ; ici peinture pleine page du manuscrit de 'Arasaw. 366 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
mier quart du XIVe siècle1, connu2, mais jamais étudié ; il est
conservé depuis 1958, à la Bibliothèque nationale d'Addis Abeba,
mais provient d'un monastère Dabra-Estifanos, établi dans une île
du lac Hayq au XIIIe siècle.
Les illustrations de ce manuscrit, comme beaucoup de manusc
rits chrétiens, reproduisent des images anciennes. Le cycle
d'illustrations est exceptionnellement riche et contient de nomb
reuses représentations inhabituelles, dont plusieurs tirées
d'apocryphes.
Curieusement, sur la seule image que nous étudierons, la pré
tention à une représentation d'Ascension est maintenue par une
inscription « Ascension de Notre Seigneur », légende courante
sous une autre forme dans les manuscrits éthiopiens anciens, où
elle est d'habitude réduite au seul verbe sans sujet « (il) est monté »
ou au substantif « Ascension ». Autour de la gloire, d'une forme
hexagonale curieuse et rare, prennent place six créatures angéli-
ques dont les Quatre Animaux. Des légendes les désignent
commeyàce d'homme, face d'aigle, face de bœuf face de lion - comme
ailleurs3, mais offrent, en plus, des noms mystérieux : Màlit'o,
Agramat'a, Surityon, Bâraméra, respectivement.
Ces mots sont en première étape rétrospective des déformations
de noms d'anges venus de l'angélologie copte de l'Egypte du
premier millénaire4 que l'on a observées aussi dans les peintures
murales de Nubie des Xe-XIIIe siècles5. On précisera plus tard
l'origine grecque de ces noms.
1. La séquence d'illustrations à pleine page commence par une image offrant quatre
personnages, dont trois abbés du monastère : le fondateur, Iyyâsus Mo'a (f 1292),
Zâ-Iyyâsus (f 1292), et Krestos Tâsfanâ, en poste en 1316/1317, qui lui succédèrent : T.
Tamrat, « The Abbots of Dâbrâ Hayq 1248-1535 ^Journal ofEthiopianStudies VIII/1, 1970,
p. 87-117.
2. P. Sadua, « Un manoscritto etiopico degli Evangeli », Rassegna di Studi etiopici 11,
1952, p. 9-28 ; depuis qu'il a quitté le monastère et rejoint la Bibliothèque de la capitale,
ce manuscrit a été présenté à plusieurs expositions, à Gondar : J. Leroy, Ethiopie.
Manuscrits à peintures, collection UNESCO de l'art mondial, 1961, reproduction en
couleurs, pi. 5 ; et à une exposition d'art copte, d'abord tenue à Essen, en 1963 ; puis à
Paris, au Petit- Palais, catalogue Z, 'art copte, Paris, 1964, n° 355, ill..
3. Autres manuscrits éthiopiens avec véritable représentation d'Ascension, en pré
sence de la Vierge et des Apôtres, avec Christ en gloire entourée des Quatre Animaux.
4. Sur l'angélogie copte, d'après le témoignage des textes, voir C. D. G. Mûller, Die
Engellehre der koptischen Kirche, Vienne, 1959.
5. Nubie, principalement dans des peintures murales des xe-xne siècles ; ils appa
raissent notamment autour d'un Christ associé à sa croix triomphale : K. Michalowski,
Faras. Wall Paintings in the Collection of the National Muséum in Warsaw, Varsovie, 1974,
p. 234-235, pi coul. 54-55, détails en n. et bl. pi 54 ; à Faras les Quatre Animaux portent
des noms, écrits en caractères grecs, très voisins de ceux de notre miniature : Agramatap
(pour la face d'aigle), Meliton (pour la face d'homme), Paramyra (pour la face de lion),
Peiouruthion (un nom connu sous les variantes Zotothiel et Zorotion), pour la face de
bœuf). IMAGE ÉTHIOPIENNE INSPIRÉE D'HÉNOCH 367
Le nom des deux autres anges de la mandorle n'est pas clair,
mais leur fonction de gardiens est sûre, affirmé par le mot lisible
« 'aqâbt » pluriel de « garde, gardien » ; quelques autres mots sont
lisibles mais leur commentaire nous entraînerait dans des déve
loppements philologiques et historiques difficiles et longs.
Concluons provisoirement qu'il s'agit de créatures célestes qui
gardent le souverain représenté. Pour les distinguer de Mâlit'o,
l'ange à « face d'homme », le peintre a doté les gardes d'une
barbe ! que l'on retrouve sur de multiples personnages des illu
strations de ce manuscrit.
Les trois archanges du registre inférieur sont accompagnés
d'une légende inattendue : « Kirubél comment [ils] portent (verbe
au pluriel) son trône » (Kirubél zâkâmâ t'aru mânbâro). Jus
qu'alors cette image n'a pas reçu d'explication. J'en ai suggéré une
jadis6 ; je la précise aujourd'hui.
A mon avis, cette inscription résulte d'une confusion du peintre
(ou du scribe), celui de notre manuscrit ou celui d'une copie plus
ancienne, éthiopienne ou non. Ce peintre ou copiste applique à la
trinité d'anges du registre inférieur l'appellation de Chérubin,
habituellement réservée aux Quatre Animaux en quatre person
nages indépendants ou, dans quelques cas, réunis dans une figure
tétramorphe, car le Chérubin en Ethiopie, comme dans d'autres
communautés chrétiennes, a pour fonction de porter le Trône de
Dieu : liturgie et poésie le répètent, à la suite de l'Ancien Testa
ment7. Les bras levés des personnages ont contribué à suggérer au
scribe que ces trois anges portaient le Trône de Dieu. D'ailleurs, il
existe en Ethiopie, dans le sanctuaire principal de Lalibâla, taillé
vers 1200, un exemple sculpté des Quatre Animaux

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