ETHIQUE, MORALE ET VALEURS Essai de définitions notionnelles30 asymétrique ,des orientations et des modalités d’accompagnement négatrices de la liberté de l’autre. Malgré les différents gardefous auxquels nous avons fait référence au début de ce chapitre – droit, institution, morale, déontologie – et qui constituent une toile de fond à l’action sociale, celleci sera toujours façonnée par le professionnel au gré du niveau de son engagement dans la situation. Comme cet élève qui, en vain, est venu trouver Sartre pour qu’il l’aide à choisir entre le dévouement à sa mère ou l’engagement dans les Forces Françaises Libres, l’éducateur aura parfois à gérer l’absence d’indications explicites sur la conduite à adopter : il aura alors, lui aussi, à « inventersa loi luimême». C’est ce choix, qu’il fera d’après la lecture qu’il a des différents paramètres de la situation, mais aussi des valeurs qu’il convoque dans son jugement, qui va orienter son intervention et fonder sa responsabilité. Cette responsabilité, nous l’avons déjà indiqué, est la conséquence immédiate de son autonomie et de sa liberté ; le professionnel aura à faire un choix : « ce qui n’est pas possible, c’est de ne pas choisir. Je peux toujours choisir, mais je dois savoir que si je 31 ne choisis pas, je choisis encore.» C’estcette contrainte de choisir, de se positionner, pour paradoxal que cela puisse paraître, qui fonde la liberté et l’éthique. Même si j’étais soumis à l’emprise de circonstances extérieures, du pouvoir de quelqu’un, d’une injonction réglementaire, légale ou morale qui conditionneraient mon action, il me serait toujours possible de m’en soustraire, d’y déroger, de m’y opposer, si je considérais que mon action irait contre mon éthique, mes valeurs, mes choix. En effet, l’action sociale et éducative confronte les professionnels à des situations pour lesquelles l’application de l’arsenal juridique et moral disponible ne suffit pas pour décanter leur intervention. Des illustrations de ces dilemmes sont 32 présentées dans la première partie du rapport par le CSTSà la ministre de l’emploi 33 et de la solidarité, et relatif à une réflexion sur l’éthique des pratiques en Travail social. Ainsi va des situations concrètes telles que celles de la confrontation à des pratiques culturelles bannies du droit français, de la demande d’aide pour une IVG après les délais légaux, du positionnement à adopter lors d’un conflit d’intérêts entre un élu et les usagers d’une cantine scolaire, de la question du placement d’enfants ou de leur maintien au domicile familial, enfin, d’une divergence des références axiologiques et théoriques des intervenants dans une même situation.
30 Nousqualifions d’ « asymétrique » toute relation dont la différentiation des rôles et des statuts implique un rapport d’influence ou de pouvoir. 31 JeanPaul Sartre, L’existentialisme est un humanisme, Ed. Nagel, 1970, p. 73. 32 Conseil Supérieur du Travail Social. 33 Ethique des pratiques sociales et déontologie des travailleurs sociaux, Ed. ENSP, coll. « Rapports du CSRS », 2001.