L'actuel renouveau d'intérêt pour l'oeuvre de Troeltsch - article ; n°2 ; vol.214, pg 133-152

Trutz Rendtorff

Description

Revue de l'histoire des religions - Année 1997 - Volume 214 - Numéro 2 - Pages 133-152
Dès 1921, Edmond Vermeil voyait en Troeltsch la personnalité la plus marquante de la théologie protestante de l'époque. Plus récemment, Jean Séguy l'a caractérisé à la fois comme théologien, historien, philosophe, moraliste, sociologue et homme politique. Aussi, l'actuel renouveau d'intérêt pour son œuvre vise avant tout l'articulation interdisciplinaire des sciences de la culture. L'interrogation théologique de Troeltsch a porté d'emblée sur la compatibilité de la religion avec la science et la culture modernes. Au centre du débat se trouvait alors la question de l'absoluité du christianisme dans l'horizon de l'histoire des religions. Or pour Troeltsch, la réponse ne pouvait venir que d'une théorie générale de la culture.
The present renewal of interest for Troeltsch
In 1921 Edmond Vermeil described Troeltsch as the most striking personality in Protestant theology at the time. More recently, Jean Séguy caracterized Troeltsch as theologian, historian, moralist, sociologist and politician. In fact, the renewal of interest for his work addresses the interdisciplinary articulation of the cultural sciences. Troeltsch's theological interrogation raised the question of the compabitility of religion with modern science and culture. The question of the absoluteness of christianism in the perspective of the history of religions was crucial to this debate. The answer for Troeltsch was only to be found in a general theory of culture.
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Philosophie et théologie

Informations

• Publié par: REVUE_DE_L-HISTOIRE_DES_RELIGIONS0
• Publié le: 01 janvier 1997
• Nombre de lectures: 8
• Langue: Français
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Extrait

Trutz Rendtorff
L'actuel renouveau d'intérêt pour l'oeuvre de Troeltsch
In: Revue de l'histoire des religions, tome 214 n°2, 1997. pp. 133-152.
Résumé
Dès 1921, Edmond Vermeil voyait en Troeltsch la personnalité la plus marquante de la théologie protestante de l'époque. Plus
récemment, Jean Séguy l'a caractérisé à la fois comme théologien, historien, philosophe, moraliste, sociologue et homme
politique. Aussi, l'actuel renouveau d'intérêt pour son œuvre vise avant tout l'articulation interdisciplinaire des sciences de la
culture. L'interrogation théologique de Troeltsch a porté d'emblée sur la compatibilité de la religion avec la science et la culture
modernes. Au centre du débat se trouvait alors la question de l'absoluité du christianisme dans l'horizon de l'histoire des
religions. Or pour Troeltsch, la réponse ne pouvait venir que d'une théorie générale de la culture.
Abstract
The present renewal of interest for Troeltsch
In 1921 Edmond Vermeil described Troeltsch as the most striking personality in Protestant theology at the time. More recently,
Jean Séguy caracterized Troeltsch as theologian, historian, moralist, sociologist and politician. In fact, the renewal of interest for
his work addresses the interdisciplinary articulation of the cultural sciences. Troeltsch's theological interrogation raised the
question of the compabitility of religion with modern science and culture. The question of the absoluteness of christianism in the
perspective of the history of religions was crucial to this debate. The answer for Troeltsch was only to be found in a general
theory of culture.
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Rendtorff Trutz. L'actuel renouveau d'intérêt pour l'oeuvre de Troeltsch. In: Revue de l'histoire des religions, tome 214 n°2,
1997. pp. 133-152.
doi : 10.3406/rhr.1997.1181
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1997_num_214_2_1181TRUTZ RENDTORFF
Université de Munich
L'actuel renouveau d'intérêt
pour l'œuvre de Troeltsch
Dès 1921, Edmond Vermeil voyait en Troeltsch la personnalité la
plus marquante de la théologie protestante de l'époque. Plus récemment,
Jean Séguy l'a caractérisé à la fois comme théologien, historien, philo
sophe, moraliste, sociologue et homme politique. Aussi, l'actuel renou
veau d'intérêt pour son œuvre vise avant tout l'articulation interdiscipli
naire des sciences de la culture. L'interrogation théologique de
Troeltsch a porté d'emblée sur la compatibilité de la religion avec la
science et la culture modernes. Au centre du débat se trouvait alors la
question de l'absoluité du christianisme dans l'horizon de l'histoire des
religions. Or pour Troeltsch, la réponse ne pouvait venir que d'une théo
rie générale de la culture.
The present renewal of interest for Troeltsch
In 1921 Edmond Vermeil described Troeltsch as the most striking
personality in Protestant theology at the time. More recently, Jean
Séguy caracterized Troeltsch as theologian, historian, moralist, sociolo
gist and politician. In fact, the renewal of interest for his work addresses
the interdisciplinary articulation of the cultural sciences. Troeltsch 's
theological interrogation raised the question of the compabitility of rel
igion with modern science and culture. The question of the absoluteness
of christianism in the perspective of the history of religions was crucial
to this debate. The answer for Troeltsch was only to be found in a gene
ral theory of culture.
Revue de l'Histoire des Religions, 214-2/1997, p. 133 à 152 francophonie semble redécouvrir Troeltsch. » Cette «La
phrase sert de formule d'introduction à la postface écrite par
Pierre Giseî pour la réédition de l'étude d'Edmond Vermeil
sur La pensée religieuse de Troeltsch, publiée dès 1921, c'est-à-
dire deux ans seulement avant la mort prématurée ď Ernst
Troeltsch, dans la Revue d'histoire et de philosophie religieuse.
Selon le jugement émis par Hartmut Ruddies dans son intro
duction à la réédition de cette étude, celle-ci serait «restée le
seul livre francophone qui ait proposé une vue d'ensemble de
la théologie de la culture développée par le théologien all
emand » (p. 8) ; mais il ajoute aussitôt « que l'ouvrage de Ver
meil avait rencontré fort peu d'écho, en Allemagne comme en
France » (p. 9).
Il n'est donc pas étonnant que Jean Séguy ait commencé
son important essai intitulé Christianisme et société, paru
en 1980 comme une «Introduction à la sociologie d'Ernst
Troeltsch», par la remarque suivante: «Ernst Troeltsch est
peu connu en France » (p. 7).
La redécouverte d'Ernst Troeltsch dans le monde franco
phone n'est pas un fait isolé, mais doit être vue dans le contexte
du vif intérêt que son œuvre suscite depuis un certain temps
déjà dans les pays germaniques et anglo-saxons. Le début de
cette nouvelle vague d'intérêt peut être assez précisément daté.
Elle a commencé avec le colloque sur « Ernst Troeltsch and the
future of theology» organisé par John Clayton en 1973 à Lan
caster en Grande-Bretagne et s'est trouvée confirmée par la
fondation de la «Société des Amis d'Ernst Troeltsch» à
Augsburg en 1981. Depuis, sept volumes d'études sur Troeltsch
ont paru, témoignant de la curiosité intellectuelle d'un public
de plus en plus large. L'édition critique des œuvres complètes
chez l'éditeur allemand de Gruyter, mise en œuvre sous les aus
pices de la « Société des Amis de Troeltsch », répondra à cette
attente légitime. Jean Séguy, pour ne citer que lui, avait déjà
souligné que l'ouvrage principal de Troeltsch, les Doctrines
sociales des Églises chrétiennes, était, depuis la parution de la L'ACTUEL RENOUVEAU D'INTÉRÊT POUR TROELTSCH 135
version américaine en 1931, considéré comme un véritable
« manuel » de textes sur la matière, dont la lecture avait inspiré
des théologiens américains comme H. Richard Niebuhr, James
Luther Adams et d'autres.
L'histoire de la réception, tout comme celle de la non-récept
ion, de l'œuvre d'Ernst Troeltsch serait, à elle seule, un sujet
passionnant, qu'il n'y a cependant pas lieu d'approfondir ici.
La langue est, ici comme ailleurs, l'un des facteurs décisifs de la
réception. Dans son bel essai sur La diversité de l'Europe, Hans
Georg Gadamer a vanté la «variété linguistique» comme une
des ressources essentielles de la culture européenne, mais,
comme vous le savez, la langue peut aussi fonctionner comme
une barrière. A cet égard, le programme d'édition d'un Corpus
Troeltsch en français, mis en chantier par les Éditions du Cerf
(Paris) et Labor et Fides (Genève), est certainement l'une des
initiatives actuelles les plus importantes pour parvenir à su
rmonter cet obstacle.
I. LA DIVERSITE DES APPROCHES POSSIBLES
Le regain d'intérêt pour l'œuvre d'Ernst Troeltsch est dû à
plusieurs raisons. Jean Séguy avait présenté à ses lecteurs l'au
teur dont il traitait comme étant « à la fois théologien - luthé
rien et libéral -, historien, philosophe, moraliste, sociologue et
homme politique ».
Le théologien
Dès les débuts de sa carrière, le théologien Ernst Troeltsch
fut l'objet de controverses. On le combattait aussi bien dans le
camp des théologiens conservateurs que dans celui des libé
raux, car lui-même menait un vif combat contre la théologie
universitaire établie dont il était issu. «Luthérien et libéral»
- c'est une formule qui correspond parfaitement à la démarche 136 TRUTZ RENDTORFF
du théologien Troeltsch. Déjà, les thèses développées dans sa
dissertation de doctorat, soutenue en 1891 à Gôttingen, conte
naient matière à controverse. Mais, à l'époque, elles restèrent
largement inconnues du public académique. Elles n'ont été
publiées qu'en 1982, lors de leur redécouverte, qui fut aussi
causée par l'intérêt renouvelé que rencontrait son œuvre. On y
trouve par exemple la remarque suivante : « II est aussi difficile
pour l'Église de supporter la théologie q