La geste du roi Sayf - article ; n°2 ; vol.171, pg 181-205
26 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

La geste du roi Sayf - article ; n°2 ; vol.171, pg 181-205

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
26 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Revue de l'histoire des religions - Année 1967 - Volume 171 - Numéro 2 - Pages 181-205
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1967
Nombre de lectures 36
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Joseph Chelhod
La geste du roi Sayf
In: Revue de l'histoire des religions, tome 171 n°2, 1967. pp. 181-205.
Citer ce document / Cite this document :
Chelhod Joseph. La geste du roi Sayf. In: Revue de l'histoire des religions, tome 171 n°2, 1967. pp. 181-205.
doi : 10.3406/rhr.1967.8485
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1967_num_171_2_8485La geste du roi Sayf
La littérature populaire arabe compte plusieurs grands
romans dont le plus célèbre est, sans conteste, le livre des
Mille cl une Nuils. Assurément, les contes passionnants de
Shéhérazad méritent l'engouement que leur manifeste le
lecteur occidental depuis plus de deux siècles1. Mais pour
l'ethnologie, l'histoire des religions et l'orientalisme, ils pré
senteraient moins d'intérêt que cet autre roman populaire,
inconnu du grand public, jamais traduit, à peine; analysé :
Le récit de Sayf ibn dhi Yazan2. On y trouve sans doute des
aventures fabuleuses qui figurent également dans les Mille el
une Nuils ; et les principaux motifs de ce dernier ouvrage
reviennent constamment à l'esprit de celui qui lit les exploits
extraordinaires du roi yéménite. L'atmosphère des deux livres
est saturée de merveilleux et peuplée de génies fantastiques
agissant pour leur propre compte ou obéissant aux ordres
d'un magicien. Bien qu'ils aient de nombreux points en
commun, on ne saurait pourtant les mettre sur un même
plan, en tant que manifestation de la pensée religieuse. En
eiïet, dans la Sîrat de Sayf, le rôle joué par le sacré et ses
1) Première traduction française par et européenne J. Galland, en 1704.
2) Siral nl-Malik Sayf ibn dhi Yazan, 4 vol., in-H°, Le Caire, s. d. La rédaction
de ce roman remonterait au xive siècle et son pays d'origine est l'Egypte. П. Paret
lui consacre un bon article dans Y Encyclopédie de V Islam (lrt> éd., t. IV, p. 71 <<[.}.
Il souligne le rôle de la magie dans le récit et estime que cette Sirat « présente une
image fidèle de l'Ame populaire musulmane en Egypte à la fin du Moyen Aire, et se
présente par là comme une source précieuse pour l'histnire de l'Islam dans son sens
le plus large » [op. cit., p. 75). Cette appréciation est sans doute, fondée ; mais elle
omet de rappeler les innombrables emprunts faits à la magie de l'Egypte antique.
Pour l'orientalisme cet aspect du problème est du plus haut intérêt car cet ouvrage
pourrait fournir des matériaux denses pour l'étude du merveilleux égyptien
(cf. infra, p. 183 sq.). 182 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS
agents est primordial, de. sorte que le monde surnaturel peut
être considéré comme le principal personnage de l'épopée. Le
thème de la prédestination y est poussé jusqu'à sa limite
extrême au point que les hommes ru; sont, en définitive, que
des pions sur l'échiquier de Dieu, servant uniquement à l'a
ccomplissement de sa volonté. Le héros lui-même en est l'in
strument le mieux forgé, car il lui fut assigné, de toute éternité
les trois missions suivantes :
— faire dévier le cours du Nil de l'Abyssinie en Egypte ;
— accomplir l'anathème prononcé par Noé contre; les descen
dants de Gham, en faisant d'eux les esclaves des fils de
Sam ;
— • et, par-dessus tout, propager et assurer le triomphe
d'une sorte d'islamisme avant la lettre : la religion
d'Abraham.
A cet effet, le ciel a doté son serviteur de toutes les qualités
nécessaires au succès de ses entreprises : beauté, éloquence,
intelligence, générosité, force, courage indomptable, longani
mité, résignation devant les épreuves et surtout droiture,
sincérité et confiance absolue en Allah. Malgré de telles res
sources physiques et morales, Sayf se heurte constamment à
d'innombrables dillicultés : elles sont suscitées par les forces
du mal. en l'occurrence les fidèles de Saturne et les adorateurs
du feu qui travaillent à sa perte et cherchent à contrecarrer
les desseins de Dieu. Les puissances du bien entrent alors en
action et croisent les armes avec les ennemis de Sayf. Elles
sont représentées : par quelques prophètes bibliques, notam
ment par Sam fils de Noé, Salomon et son secrétaire Açaf
fils de Berekhia, qui ont légué à leur champion des talismans
et des objets ensorcelés grâce auxquels il peut réduire à néant
la plupart des sortilèges et des machinations ; par plusieurs
grands magiciens convertis à l'Islam ; et. enfin, par certains
génies bienfaisants capables d'anéantir une ville ou de décimer
une armée. Et lorsque foutes с^<. forces amies sont tenues eu
échec par le pouvoir extraordinaire d'un sorcier, le fameux LA GESTE DU ROI SAYF 18.3
Khidr. le maître après Dieu du monde occulte, intervient en
personne, s'attaque au perturbateur et ne lui laisse d'autre
alternative que la conversion ou la mort.
Redisons-le cependant, presque tous les thèmes do ce
récit fabuleux ont leurs prototypes dans les Mille d une
Nuils, elles-mêmes bâties sur un fonds indo-iranien et méso-
potamien. Mais la Sirat de Sayf s'en distingue par le role
écrasant de la mairie : le lecteur est ébloui par une fantas
magorie étourdissante d'images spectrales aux mille couleurs.
La pensé»1 fabulatrice qui se laisse aller la bride sur le cou ne
connaît pas de terme à ses fantaisies. Elle multiplie les dilïi-
cultés, invente des êtres chthoniens de plus en plus forts et
donne aux géomancions et aux devins la puissance d'un dieu,
(les derniers, avec l'aide de leurs acolytes, peuvent pétrifier
les habitants d'une cité, la détruire ou en créer une autre
artificiellement, transporter une montagne, dessécher un
fleuve, faire surgir une mer. édifier un palais en un clin d'oeil,
découvrir dos trésors cachés, assujettir les djinns rebelles,
donner la maladie ou la mort à distance, métamorphoser les
gens... Ils se livrent, entre eux à des combats meurtriers, avec
comme unique arme leur grimoire;. Pour qui s'intéresse à la
pensée magique, à ses structures et à ses lois, ce livre otï're
une mine de renseignements. Mais ce qui frappe, le plus
l'attention, c'est la minutie avec laquelle sont parfois décrits
les talismans ou exposées certaines opérations de sorcellerie.
A lire les procédés grâce auxquels la devineresse "Aqila par
vient à induire en erreur ses ennemis1, ou le mécanisme
compliqué imaginé par les sages de la ville des Amazones pour
protéger ces dernières contre la gent masculine2, on ne peut
s'empêcher de penser que, les rédacteurs du roman les ont
copiés ou traduits de quelques écrits, plutôt qu'inventés.
L'oiseau en cuivre, aux ailes déployées, qui joue le role de
guetteur et pousse un cri à l'approche d'un étranger3, la
l) Sirnl ni- Malik Suijf, t. I, p. 78-*:*.
•J; Siral, t. II, p. "i sij.
:î; sîrni, t. и, р. ч^. 184 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS
colonne ensorcelée qui met en fuite les crocodiles1, l'appareil
à mesurer le niveau du Nil2, le trésor de la pyramide et bien
d'autres merveilles semblent appartenir à la civilisation pha
raonique. Certains épisodes des exploits fantastiques de Sayf
découleraient plus ou moins directement de quelque conte
populaire de l'Egypte antique3. En tout cas, l'atmosphère du
récit, son merveilleux, ses talismans, ses idées et ses supers
titions seraient aiithentiquement égyptiens. De ce point de
vue, le roman en question devrait s'imposer à l'attention des
spécialistes au même titre que Г Abrégé des Merveilles*. Malheu
reusement et à notre grand regret, nous ne sommes pas
suffisamment familiarisé avec l'égyptologie pour nous per
mettre une incursion dans ce domaine5. D'ailleurs, si passion
nant soit le sujet, ce n'est point ici le lieu de le traiter. Et c'est
d'un point de vue plus en conformité avec, l'histoire des
religions que nous abordons la Sîral ni- Malik Sayf, à savoir
le côté mythique qui y est hautement représenté. En effet,
soucieux de frapper l'imagination, les narrateurs de ce roman,
à force de surenchère, ont fini par faire de leur héros une sorte
de demi-dieu, digne de toutes les épopées.
Malgré son co

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents