La société contemporaine : éclairage évangélique - article ; n°1 ; vol.3, pg 27-37
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Autres Temps. Les cahiers du christianisme social - Année 1984 - Volume 3 - Numéro 1 - Pages 27-37
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 17
Langue Français

Extrait

Serge Guilmin
La société contemporaine : éclairage évangélique
In: Autres Temps. Les cahiers du christianisme social. N°3, 1984. pp. 27-37.
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Guilmin Serge. La société contemporaine : éclairage évangélique. In: Autres Temps. Les cahiers du christianisme social. N°3,
1984. pp. 27-37.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/chris_0753-2776_1984_num_3_1_951Serge Guilmin
Singulière situation : comment envisager une société pluriculturelle
alors qu'en tant que chrétien je me trouve être témoin d'une tradition qui
n'a cessé au cours des siècles de se prendre pour universelle en cherchant à
imposer ses propres modèles ? Le christianisme, c'est pour tant de peu
ples la marche forcée contre les cultures qui leur étaient propres, l'igno
rance des autres, leur négation, la violence, l'inquisition, le pouvoir
blanc, l'intégrisme. Modèle de violence et d'inculture, telle est la tradition
chrétienne en nos déserts et nous n'en finirons pas de faire le bilan de ce
qui fut bénéfique aux peuples du monde et ce qui fut l'extension d'un
ensemble culturel négateur des autres.
Mais il est un autre discours que celui de la dogmatique des princes et
c'est celui de l'Evangile. Discrète parole toujours inentendue, poème ina
chevé de la tendresse et du souci de l'existence de l'autre.
C'est ce discours qui est premier et qui rend caduques toutes les réduc
tions effectuées par les pouvoirs et leurs stratégies.
C'est un fait de culture : nous savons beaucoup de nos textes bibliques
mais ceux-ci sont comme des oiseaux multicolores des îles lointaines que
nous aurions enfermés dans des cages et c'est à travers les structures éta
blies de nos langages, à travers les articles de nos catéchismes, en contre
point avec les comportements hérités des classes dominantes que nous les
percevons désormais ; à tel point que nous ne savons plus très bien ce qui
appartient à l'Evangile, au stoïcisme, à l'enseignement médiéval. Aristote
habite en nos esprits et l'idéalisme de Platon et des néo-platoniciens, et
cela quand bien même nous n'aurions jamais lu une ligne de philosophie.
La doctrine sans doute mal comprise enseignée par Averroès, de la double
vérité (vérité de principe et vérité de circonstance) a peut-être ajouté à la
confusion d'un christianisme qui a conservé une perception réductrice de
l'Islam, un manque fondamental d'estime pour une culture qui a si forte
ment contribué à restaurer la nôtre : c'était vers le XIIe siècle.
27 convient de souligner ici — pour éviter tout privilège accordé à une Il
culture quelconque — que toutes sont traversées de part en part par le
conflit qui oppose culture dominante et culture dominée. L'Evangile c'est
le texte de la Passion, mais en même temps c'est de la passion du texte
dont il est question. Toute expression écrite associée à la libération d'un
peuple connaît à brève échéance l'injustice de son usage. La prophétie
(qui n'est pas annonce de l'Evangile, mais analyse politique et poétique
d'une situation) connaît très vite l'enfermement dans les liturgies et les
rituels, eux-mêmes contrôlés par des appareils d'Etat au service des clas
ses dominantes (à l'époque apostolique hérodiens et sadducéens en Pales
tine, soumis à l'Empire romain).
« Evangile » (en grec : eu-angelion) : c'est un mot technique qui dési
gne, au premier siècle, « l'amnistie générale » accordée au moment de
l'accession au pouvoir d'un nouvel empereur. Les auteurs apostoliques
procèdent au détournement de ce terme et de quelques autres pour dési
gner l'événement permanent de la libération des captifs, la fin de toute
fascination devant les pouvoirs, la non-fatalité, le non-conditionnement,
la non-permanence des structures ou institutions que chacun trouve en
venant à l'existence : empires, systèmes ecclésiastiques, réseaux culturels
et jusqu'au langage et sa syntaxe surveillée.
Thèse I : La théologie, le « discours sur l'Imprononçable », n'est pas
l'œuvre des seuls docteurs ou responsables ecclésiastiques : elle
se construit indéfiniment dans le peuple et avec le peuple.
C'est le sens du récit qui circule parmi les paysans exploités de
l'ancienne Palestine et qui révèle à chacun la possibilité d'une existence
autre. La pratique messianique prolifère ainsi depuis les chemins de Gali
lée jusqu'aux confins de l'Empire romain.
C'est le cri émerveillé de la femme samaritaine :« II m 'a dit ce qu'il en
est de ma vie ! » C'est la réflexion douloureuse de ceux qui dans l'histoire
se retrouvent traîtres et méprisés : Judas et Pierre. C'est l'aveu de non-
compréhension des auteurs évangéliques, l'heureux abandon de la préten
tion de tout savoir sous le feu de l'Esprit qui donne à chacun la clé de son
existence tout autrement que les savants de l'écriture l'auraient fait.
Parmi les autorités et les puissances contemporaines de l'Empire romain,
une autre autorité a pris place qui n'est ni d'oppression ni de persuasion
ni de séduction. Et nous en sommes à chercher en nos luttes et nos di
scours la présence inouïe qui nous fait renoncer aux procès d'exclusion, la
puissance innommée qui nous fait accueillir l'autre, non plus selon les
seuls canons esthétiques d'une culture issue de l'élite gréco-romaine mais
pourvus de ce qu'il y a d'hébraïque et de refoulé en nos théologies : la
beauté de l'autre c'est sa justice, la justice dont il est revêtu quand bien
même la classe ou l'ethnie ou la religion ou l'absence de religion ou son
28 ou ses rythmes ou ses habitudes de cuisine, ou ses odeurs comportement,
ou son accent en feraient le plus étrange, le plus éloigné de tout ce à quoi
je puis volontairement ou non appartenir. Nous avons été rendus justes,
des possibles s'ouvrent que ne peuvent dicter aucune tradition, aucun dis
cours savant, aucun héritage culturel.
Etonnante découverte du peuple du Nicaragua apprenant à renoncer au
jugement de ses propres traîtres, apprenant le mystère de la violence de
l'Etat et de l'injustice faite aux indiens Misquitos. Etonnant recyclage
théologique et politique des peuples d'Amérique latine qui aujourd'hui
vivent conjointement dans l'épreuve de la violence de l'occident et dans la
relecture des textes évangéliques qui, issus du peuple, reviennent au peu
ple comme une source jaillissante de création nouvelle et de courage.
Et ce n'est point là de fanatisme religieux dont il est question.
Thèse II : La libération première consiste peut-être à accomplir une crit
ique du sacré qui ne laisse aucun recours aux retours de l'aber
ration religieuse, sectarisme, fanatisme, prétention de possé
der le savoir et la vérité dernière.
La critique du sacré n'est pas seulement l'œuvre récente de notre siècle
des siècles des Lumières (XVIIIe siècle). Elle commence dès les premiers
textes bibliques avec un récit de création qui attribue la fondation de
l'univers à celui que l'on ne peut normer sous peine d'en faire à nouveau
une idole, une représentation achevée, un objet parmi le monde de nos
objets. Dès les premiers textes bibliques le lecteur est arraché à la fascina
tion des cieux et des princes, des choses et des mystères et commence une
réflexion sur sa condition. Le récit de création est en tous les sens du
terme une ouverture et non un récit pseudo-scientifique dont le mal
entendu a produit tant de non-sens. Encore une fois c'est l'Islam, dont les
textes ne comportent pas de récit de la création, qui a su au long de son
histoire s'émerveiller de la moindre découverte comme de la connaissance
parachevée de l'œuvre créatrice. « II crée chaque jour quelque chose de
nouveau » — Qor'ân 45,2 — Kûlla-yûmin hûwa fi sanin — . L'injustice
s'est étalée depuis l'homme de Galilée jusqu'à Galilée, depuis la science
des étoiles jusqu'à celle de l'atome nous n'avons su surmonter

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