Les chiffres symboliques 7 et 9 chez les Turcs non musulmans - article ; n°1 ; vol.168, pg 29-53
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Description

Revue de l'histoire des religions - Année 1965 - Volume 168 - Numéro 1 - Pages 29-53
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1965
Nombre de lectures 21
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean-Paul Roux
Les chiffres symboliques 7 et 9 chez les Turcs non musulmans
In: Revue de l'histoire des religions, tome 168 n°1, 1965. pp. 29-53.
Citer ce document / Cite this document :
Roux Jean-Paul. Les chiffres symboliques 7 et 9 chez les Turcs non musulmans. In: Revue de l'histoire des religions, tome 168
n°1, 1965. pp. 29-53.
doi : 10.3406/rhr.1965.8206
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1965_num_168_1_8206Les chiiïres symboliques 7 et Í)
chez les Turcs non musulmans
Dans la dernière décennie, les nombres symboliques
employés par les Turcs ont retenu l'attention de plusieurs
turcologues français. En 1956, notre regretté maître Jean Deny
publiait un article consacré aux nombres 70 et 721. En 1960,
René Giraud, dans sa thèse de doctorat es lettres, consacrait
un court paragraphe à ce qu'il nommait « les nombres fat
idiques », essentiellement au chiffre 7 et à ses composés, 17,
27, 47, 702. En 1962, Mme Mélikofï se penchait sur l'emploi
de 17 et de 72 dans la littérature épico-religieuse des Turcs
d'Anatolie3. Auparavant, en 1951, Claude Cahen soulignait
déjà le rôle joué par 17 dans le Seldjoukname anonyme de la
Bibliothèque Nationale4. La question étant donc à la mode en
France, il nous a paru intéressant de compléter ces travaux
par l'examen des chiffres 7 et 9 dont l'emploi symbolique est
à la fois extrêmement fréquent, extrêmement significatif
(et qui ne sont pas sans rapport avec les nombres ci-dessus
évoqués : 17, 27, 70 et 72), non seulement chez les premiers
Turcs historiques (Tiiruk), connus en général sous le nom
T'ou-kiue (transcription chinoise), mais encore dans le folklore
et l'ethnographie des populations turques modernes qui ne
sont pas converties à l'islam ou qui n'ont été que superfi
ciellement touchées par lui.
1) Jean Deny, 70-72 chez les Turcs, Mélanges Loiiis-Mussignnn, Damas, 1956,
pp. .495-416.
2) René Giraud, Les régnes ďEllerich, Oapghan et Bilga (680-734), Paris,
1960, pp. 126-127.
.'{) Irène Mélikokf, Nombres symboliques dans la littérature èpico-reH<rieuse
des Turcs d'Anatolie, Journal asiatique, 1962, vol. CCL, pp. 435-445.
4) (Uaude (Iahen, Seljukides de Rûm, Byzantins et Francs d'après le Seljuk-
nameh anonyme, dans Mélanges Henri-Grégoire, III, Bruxelles, 1951, p. 105. 30 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS
II ne saurait être question de reprendre ici les très nom
breux exemples de l'emploi des nombres 17, 70, 72, donnés
par Jean Deny et par Mme Mélikoff. Contentons-nous de
rappeler les conclusions de ces savants quant à l'origine de
leur utilisation par les Turcs.
Jean Deny, après avoir noté que 72 « était vénéré dans le
culte zoroastrien et en Orient chrétien в1, que 70 et 72 avaient
joué un rôle important en Chine2, en Egypte, dans la Bible
et dans les textes judaïques postérieurs3, concluait que « le
prestige de 7 et de 70 passa du judaïsme à l'islam », mais
non par le Coran4, que 72 « était solidaire » de 706 et que
« c'est par la voie de l'islam que les échos en sont parvenus
aux Turcs »5 : tous les exemples qu'il donne lui permettent
évidemment cette conclusion, puisqu'il examine essentie
llement les textes musulmans. J'avais, à la lecture de cet
article, fait remarquer à mon maître que 70 n'était pas
inconnu des Turcs avant l'islam. Par une lettre du 2 avril 1957,
il convenait du bien-fondé de mes remarques et me disait : « II
me sera possible sans doute de rattraper ces oublis indirect
ement dans mon article sous presse pour Anadolu. » A ma
connaissance du moins, cet article n'a pas paru. Je ne sais
si M. Deny a pu mettre ses projets à jour, ou si l'on conserve
quelque note sur ce sujet dans les riches archives qu'il a
laissées.
Mme Mélikoff de son côté affirmait : « L'importance
accordée au nombre 17 n'est cependant pas un fait turc.
Chez les Turcs... son extension est due à l'influence du chiisme » ;
puis elle disait comment on le trouvait employé dans le
folklore persan7. Allant plus loin, elle pensait avoir « trouvé
la solution au problème posé par ce nombre symbolique »
1) J. Deny, о. с, р. 396.
2) Cf. Granet, l.a pensée chinoise, Paris, 1934, pp. 149-299.
3) J. Deny, о. с, pp. 398-399.
4) Id., ibid., p. 399.
5) Id., p. 395.
6} Id., ibid., p. 414.
7) Irène Mélikoff, о. с, р. 441. LES CHIFFRES SYMBOLIQUES 7 ET 9 CHEZ LES TURCS 31
dans la théorie de la Balance formulée par Djabir ibn Hayyan,
théorie qui, on le sait, dérivait de l'Antiquité grecque et plus
particulièrement des Pythagoriciens1. Cela lui permettait
de conclure : « Une importance quasi magique est accordée
au nombre 17. Ce fait est dû à l'expansion du chiisme et a
pour origine l'Antiquité grecque »2.
Il n'est évidemment pas douteux que la Grèce antique,
l'Iran préislamique, la Bible, l'islam et plus particulièrement
le chiisme aient eu une influence culturelle considérable sur
les Turcs émigrés dans le bassin oriental de la Méditerranée et
aient contribué à maintenir pendant de longs siècles, voire à
développer, les symboles qui s'attachaient aux nombres fat
idiques. Il reste à savoir si ces symboles, ou d'autres semblables,
n'existaient pas déjà chez les Turcs avant leur émigration
hors de l'Asie centrale, avant leur conversion à l'islamisme.
S'ils existaient, comme nous le pensons et comme nous
allons le montrer, cela ne voudrait pas dire qu'ils n'aient
pas été empruntés à quelque grande civilisation voisine ;
mais cela remonterait assez loin dans le passé la date de
l'emprunt, rendrait celui-ci beaucoup moins certain et nous
serions obligés, actuellement au moins, de renoncer à le
chercher. Toutes les quêtes d'origine nous paraissent un
exercice prématuré et peut-être assez vain quand il s'agit de
faits attestés depuis une époque très reculée au sein d'une
civilisation, et surtout quand ces faits apparaissent dans les
premiers documents écrits que cette civilisation nous livre.
Il est impossible, ainsi que le reconnaissait Jean Deny,
de considérer 70 autrement que comme un décuple de 7.
C'est seulement en tant que tel qu'il jouit de son prestige3.
Bien que « solidaire de 70 », 72 a par lui-même de riches
significations que notre maître a soulignées : c'est une
demi-douzaine de douzaines, c'est 8 neuvaines, « et, sur
tout, c'est le cinquième de 360, c'est-à-dire un quinaire de
1) Id., ibid., p. 442.
2) Id., та., p. 44J. 443.
3) Jean Deny, о. с. с, р. 395. 'Л2 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS
zodiaque A 72 n'apparaissant pour ainsi dire jamais dans les
textes turcs archaïques et dans le folklore non musulman,
nous pouvons admettre que son introduction en Anatolie
provient d'un emprunt relativement récent. Il ne semble pas
en aller de même avec 17 et 70, même si nous considérons
ces deux nombres en eux-mêmes et non comme des dérivés ou
des échos du chiffre 7. En les relevant dans les textes, nous
saurons résister à la crainte qu'éprouvait R. Giraud quand il se
demandait « si nous n'étions pas victimes de notre imaginat
ion »2. Délaissant provisoirement 70 qui apparaîtra clair
ement dans la série commençant par 7, nous nous contenterons
de relever d'abord quelques attestations archaïques de 17.
Auparavant, il importe pourtant de rappeler que nous
ne possédons qu'un nombre réduit de textes turcs anciens ne
relevant pas d'une grande religion internationale et que ces
textes donnent quelques dizaines de notations chiffrées.
En dehors de nombres isolés divers, nous ren
controns 7, 9 et leurs dérivés ; 3, dont nous parlerons plus
bas ; 40 ; 10 000 ou 100 000 employés pour désigner une mul
titude. C'est ainsi que nous trouvons dans Irq Biiig (Livre
de présages) l'allégorie suivante : « une spirée est devenue
100; 100 spirées sont devenues 1000; 1000 spirêes sont
devenues 10 000 »3. Dans l'inscription de Tonyuquq, on apprend
que « dans la plaine de Yarich 100 000 soldats étaient rassemb
lés »4. De la même façon, à l'époque des Gengiskhanides, les
religieux qui prient pour la vie du prince «

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