Les origines de l espérance des droits de l homme (I) - article ; n°1 ; vol.11, pg 22-39
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Description

Autres Temps. Les cahiers du christianisme social - Année 1986 - Volume 11 - Numéro 1 - Pages 22-39
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 13
Langue Français
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Extrait

Olivier Abel
Les origines de l'espérance des droits de l'homme (I)
In: Autres Temps. Les cahiers du christianisme social. N°11, 1986. pp. 22-39.
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Abel Olivier. Les origines de l'espérance des droits de l'homme (I). In: Autres Temps. Les cahiers du christianisme social. N°11,
1986. pp. 22-39.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/chris_0753-2776_1986_num_11_1_1095LES ORIGINES DE
L'ESPÉRANCE DES
DROITS DE L'HOMME a)
Olivier Abel
I. Le problème des droits de l'homme aujourd'hui
Les travaux récents sur les DH ont eu pour effet de clarifier remarqua
blement le problème sur des points importants, et de rappeler des exigen
ces incontournables1. Si cela n'a pas arrêté l'effritement du langage par
quoi les DH sont invoqués et révoqués à tort et à travers, si cela n'a pas
beaucoup servi à « éclairer » le désordre intellectuel, si cela enfin n'a pas
trop modifié le cours des décisions politiques, c'est qu'il faut du temps.
Répéter inlassablement ces exigences, reprendre les travaux jusqu'à ce
qu'on puisse tenir ensemble2 leurs orientations parfois contradictoires et
respecter la largeur du paysage des DH, aujourd'hui, telles sont les tâches
de la pensée. Ce faisant nous ne bondissons pas seulement sous l'événe
ment, nous tentons d'augmenter la responsabilité et la communication,
d'augmenter la différenciation du langage.
Car le problème des DH est aussi un problème de langage : il faut
recréer un réseau de contraintes dans notre emploi des termes, et ne plus
nous résigner à une déréglementation aussi éhontée du débat politique et
moral. La revendication impérieuse et dogmatique des DH pour la justif
ication de pratiques et de positions opposées ne conduit qu'au scepticisme.
Scepticisme politique à l'égard de DH excessivement moraux, inefficaces
parce qu'ils ne tiennent pas compte des contraintes « physiques » des
problèmes (démographiques, économiques, militaires, géographiques);
Cette étude sur les « Droits de l'homme » (désignés ici comme on le fait souvent désor
mais par les initiales DH) procède du plus philosophique vers le plus théologique, selon
les cinq moments suivants :
I. Le problème des DH, aujourd'hui.
II. Les origines de l'idée de DH.
III. DH : éthique ou politique ?
IV. DH : universalité ou singularité ?
V. Les DH selon l'espérance.
La première partie (I, II, III) publiée ici ne se comprend pas vraiment sans la seconde part
ie (IV, V), plus théologique, à paraître dans le prochain numéro d'Autres Temps.
22 pire : DH trompeurs parce qu'ils se prétendent au-dessus des rapports de
force qui sont aussi des conflits de droits, où aucun droit n'est juste à lui
tout seul. Mais, d'autre part, scepticisme moral à l'égard d'une concep
tion trop politique des DH; car la multiplication des appels aux DH est
proportionnelle à leurs violations, comme s'il y avait une machiavélique
loi interne : plus il y a de « violences » et plus il faut de « mensonges »
pour les couvrir, le comble de l'efficacité étant de faire appel au droit
même que l'on est en train de violer. Le doute ne porte malheureusement
plus alors sur l'efficacité des DH, mais sur la légitimité de ces grands prin
cipes qui justifient n'importe quoi. Comment s'indigner devant les nou
veaux procédés d'expulsion et la remise en cause du code de la nationalité
en France, si les moyens et les critères nous tombent des mains ?
Je donnerai tout de suite trois indications. D'abord il faut s'attaquer au
trop commode divorce entre un droit idéal que l'on déclare et que l'on
invoque, et un droit instrumental que l'on pratique à l'ombre du premier.
Cela suppose d'une part d'accepter que le véritable droit est toujours déjà
un conflit entre plusieurs droits; l'impossibilité d'une société sans contra
diction oblige aussi à reconnaître que ces contradictions opposent des
droits non moins valables les uns que les autres, et à ne pas tenter de liqui
der le conflit selon la règle du jeu d'un de ces droits à l'exclusion de
l'autre3. J'appellerai même violence toute solution d'un conflit qui cons
iste à le supprimer; et droit toute procédure qui consiste à le respecter, à
l'honorer, à en soigner la régulation4. Cela suppose, d'autre part,
d'accepter qu|il n'y a pas d'instance extérieure et supérieure au conflit qui
puisse garantir le droit5. Les DH n'ont finalement pas d'autre force que la
« parole » des protagonistes, et c'est pourquoi le mépris du langage est si
grave. Nous définissons ainsi les conditions et les limites de l'efficacité des
DH.
On objectera à cette notion purement conflictuelle du droit que la réfé
rence aux DH doit bien transcender quelque part les droits particuliers et
être l'objet d'un consensus universel. Mais quel contenu donner à se con
sensus transcendant ? Aussitôt le conflit reprend, et d'autant plus violem
ment que l'on a négligé la question des règles. Le conflit dogmatique de
ces références ne pouvant être tranché sur le fond, il faut bien que la
modestie nous amène à accepter au moins un rapport où le consentement
au droit de l'autre fasse fonction de transcendance. A partir de là ma
deuxième indication porte sur la crise de légitimité des DH. C'est précis
ément parce qu'on a prétendu identifier les DH à une norme extérieure,
inscrite au fronton des étoiles ou révélée dans des textes saints6, que l'on
se retrouve au terme d'un nihilisme où la « référence » a cédé la place à la
« performance », l'efficacité tenant lieu de légitimité. Le dogmatisme et
le scepticisme sont sur la même diagonale. Mais quand bien même il n'y
aurait pas de règles contraignantes parce que venant d'ailleurs, cela ne
signifie pas qu'il n'y ait pas de règle du tout : on peut vouloir de soi-même
suivre une règle7. La règle est alors une capacité à se tenir et à tenir ce
23 qu'on promet, une manière d'être et pour dire bref : un style. On peut
d'ailleurs mettre l'accent sur cette différence entre l'Ancien et le Nouveau
Testament : si, dans le premier, les règles viennent d'ailleurs et sous la
forme de commandements finis, dans le second ces règles, sans être dis
soutes ni aboulies, sont intériorisées et rapportées à leur intention, une
exigence infinie. Le prochain n'est plus une catégorie de la population, je
suis le prochain de. La transcendance passe dans le cœur même : c'est, en
moi, la possibilité du point de vue d' autrui.
Ma troisième indication concerne le cheminement de cette méditation.
Si le langage des DH est en crise, c'est que le sens de la notion tend vers
zéro. Or pour ressaisir ce sens, il faut en ressaisir l'histoire. Comprendre
d'où il vient, et à quoi il « aspire ». C'est un des résultats probants de
l'herméneutique de Ricœur8 : les messages ou les événements prennent du
sens en prenant du temps. Il faut traverser les contextes et les controverses
où l'idée de DH a été saisie pour la comprendre à notre tour9. L'enquête
n'est donc pas à proprement parler historique : il ne s'agit pas de com
prendre les auteurs abordés pour eux-mêmes, mais de les convoquer dans
une mise en scène; ils sont comme les acteurs d'une intrique qui nous
donne à voir les problématiques10. D'autre part, l'intention n'est pas de
découvrir la source historique très pure où s'originent les DH, bien au
contraire : je veux embrouiller au maximum ces sources. Mais l'idée de
DH vient de loin. Et qui vient de loin seul peut aller loin, sans du tout pré
tendre aller jusqu'au bout. En effet, l'histoire des DH ne fait que com
mencer, et de toute façon cette histoire est tenue en haleine par une espé
rance plus vaste que nos histoires.
II. Les origines de l'idée de droits de l'homme
L'idée de DH est apparue au confluent de deux traditions, celle de la
Renaissance avec le Droit Naturel, et celle de la Réforme avec les Droits
de Dieu. Je voudrais insister sur cette origine mixte et non « pure &

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