Liberté, égalité, fraternité, démocratie - article ; n°1 ; vol.33, pg 97-108
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Description

Autres Temps. Les cahiers du christianisme social - Année 1992 - Volume 33 - Numéro 1 - Pages 97-108
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 14
Langue Français

Extrait

Philibert Secretan
Liberté, égalité, fraternité, démocratie
In: Autres Temps. Les cahiers du christianisme social. N°33-34, 1992. pp. 97-108.
Citer ce document / Cite this document :
Secretan Philibert. Liberté, égalité, fraternité, démocratie. In: Autres Temps. Les cahiers du christianisme social. N°33-34, 1992.
pp. 97-108.
doi : 10.3406/chris.1992.1509
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/chris_0753-2776_1992_num_33_1_1509OUVERTURES
LIBERTE - EGALITE
FRATERNITÉ
DÉMOCRATIE
Un regard chrétien
Philibert Secretan
INTRODUCTION
Au moment du Bicentenaire 1789-1989, des milliers de pages ont été
écrites sur la Révolution française, sur ses idéaux, ses réalisations et ses
méfaits, sur la rupture qu'elle représente et sur les lumières qu'elle jette
encore sur le monde. Et l'on pourrait penser qu'à défaut d'avoir tout dit,
pour le moins on en a assez dit.
Nous osons pourtant, de Suisse, avec un certain recul sur l'événement
français, nous interroger une nouvelle fois sur les concepts qui, venant de
la Révolution, mobilisent encore les esprits : Liberté, Égalité, Fraternité.
Cette trilogie n'est-elle plus que l'ornement des édifices publics ? Ses
contenus en ont-ils tant changé que nous ne pouvons plus nous reconnaît
re dans ces Lumières là ? Sont-ils si imprégnés de rationalisme, ou de
radicalisme, ou de socialisme, que celui qui n'épouse aucune de ces
idéologies se trouve retranché des valeurs qui s'y proclament ? Toutes
ces questions ont fait lever trois textes de « réflexions » sur la Liberté,
sur l'Égalité, sur la Fraternité, chacun étant lui-même subdivisé en trois
sections. Si la Révolution nous imposait le triptyque désormais classique
comme thème de méditation, l'organisation du discours et précisément
Philibert Secretan est professeur de philosophie à l'Université Catholique de Fribourg
(Suisse). Faisant suite au présent article consacré à la liberté, l'égalité, la fraternité et la
démocratie seront abordées dans un prochain numéro.
97 ces triptyques internes sont d'inspiration pascalienne. L'ordre des corps,
des esprits et du cœur constituent à nos yeux une hiérarchie d'instances à
laquelle nous avons soumis, sans fausses allégeances, les concepts de
Liberté, d'Égalité et de Fraternité. A chaque fois une démarche ascen
dante fait monter vers le plus spirituel, et vers le spirituel chrétien, ce qui
d'abord se formule au plus près des puissances instinctives, puis se
rationalise dans les exigences de la raison pratique et de la vie sociale,
pour enfin retenir, transformé, dans l'espace de la foi.
Cette confrontation entre l'idéal révolutionnaire, en tant que traduc
tion politique des idéaux des Lumières, la spiritualité incarnée du chris
tianisme, et les réalités de l'histoire proche nous a portée à quelques
réflexions sur la Démocratie. Si la démocratie - à l'image de la Justice,
qui selon Platon synthétise les vertus de tempérance, de courge et de
sagesse - ramasse en soi liberté, égalité et fraternité, c'est ce qui en elle
fait autorité parmi d'autres régimes politiques, ce qui indissolublement en
fait une forme de l'organisation et de l'exercice du pouvoir et ce qui la
confronte aux puissances - avant tout économiques - qui nous est apparu
comme un écho et un reflet des méditations précédentes.
La construction de l'Europe, les bouleversements récents en Europe
centrale et à l'Est, la Guerre du Golfe, la guerre civile yougoslave, la
crise algérienne et tant d'autres événements posent à la conscience poli
tique quelques questions fondamentales. Elles conduisent à diagnosti
quer dans la démocratie un certain nombre de paradoxes inévitables et
ineffaçables avec lesquels il faut apprendre à vivre et à penser si l'on ne
veut pas désespérer de voir la raison non pas triompher, mais mobiliser
des volontés suffisamment fortes pour résister à des fanatismes aussi
immortels que les valeurs dont ils se réclament ; non pas remporter des
victoires définitives, mais porter suffisamment de lumière pour que se
fasse un discernement des esprits dont la démocratie est aujourd'hui
comptable.
Chacune de ces méditations sur la liberté, l'égalité, la fraternité et la
démocratie demeure libre de ton, c'est-à-dire ne se réfère pas nécessair
ement aux écrits des philosophes ou des publicistes même les plus
classiques. La modernité du thème de la liberté le fait aborder à partir du
sens du tragique, et non à partir des droits de l'individu. Le sens de
l'égalité, en revanche, est puisé dans la littérature babouviste, où elle
atteint à son comble ; la fraternité est tout entière centrée sur la figure du
père, reconnue ou au contraire reniée en vue de fonder les relations
contrastées aux frères, amis ou ennemis. Cette liberté de ton est
maintenue dans la partie consacrée à la démocratie. Rien ici ne prétend
faire autorité, mais rien non plus ne cède à l'arbitraire.
98 RÉFLEXIONS SUR LA LIBERTÉ
Émancipation - Indépendance - Obéissance
La liberté est sans doute l'une des postulations les plus fondamentales
de l'homme moderne. Non seulement la liberté se pose comme le pre
mier des droits de l'homme ; c'est l'histoire mondiale elle-même qui
apparaît comme chargée du sens du « devenir libre » de l'Humanité, et
c'est par la liberté qu'aujourd'hui l'homme se définit et se comprend ;
c'est pour la qu'il est le plus immédiatement prêt à mourir.
Cette vue générale permet de développer une première conséquence.
Il y a deux antithèses dans lesquelles la conscience moderne vit le plus
essentiel de la condition humaine : l'antithèse de la liberté et du détermi
nisme - que nous appellerons « théorique » -, et l'antithèse
« pratique » de la liberté et de la servitude. C'est parce qu'elle est cons
cience de l'ensemble des déterminismes qui pèsent sur l'homme qu'elle
est une conscience malheureuse ; et parfois si malheureuse qu'elle en
oublie qu'il y a plus de bonheur à se « déterminer », donc à se couper de
certains choix, que d'être en constant état de choisir. Et c'est parce
qu'elle fait l'expérience, en soi ou par autrui, de la servitude, qu'elle est
une conscience révoltée.
Ce constat, dont le raccourci ressemble fort à un bilan spirituel, ouvre
pourtant sur une interrogation. L'appétit de bonheur, qui ne s'est jamais
démenti en humanité, peut-il s'articuler à une semblable postulation de
liberté, si celle-ci est de soi porteur du tragique de l'existence ? Effect
ivement, de deux choses l'une. Ou bien il faut reconnaître au tragique qui
signale la liberté un étrange goût de bonheur - celui qu'Albert Camus
attribuait à Sisyphe, ou que Sartre convertissait en ironie mordante. Ou
alors, il faut que la liberté, par quelqu' aspect de sa réalité, touche aux
conditions d'un bonheur de joie ou d'abandon, sans pourtant se démentir
comme liberté.
C'est à ces questions, et à la conquête d'une liberté heureuse, que nous
vouons cette première série de réflexions.
1. De l'émancipation
Dire avec Rousseau que l'homme est né libre, c'est affirmer que la
liberté est constitutive de l'homme. « Libre » signifie alors qu'étant un
esprit, ou un être spirituel, il n'est pas l'esclave ou la simple résultante de
99 cosmo-biologiques - que reproduiraient diversement les déterminismes
formes irrationnelles, ou de pure motivation de puissance, les déterminis
mes socio-politiques ultérieurs. Autant dire que l'homme est toujours
déjà, ontologiquement - ce que signifie né, dans la formule de Rousseau
- émancipé de la nature en tant que système de déterminismes nécessi
tants. Ce n'est que dans la liberté que l'homme peut avoir à la Nature une
relation elle-même spirituelle, la relation dont Rousseau parle comme
d'un retour à une vérité essentielle.


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