Commentaires du projet de loi sur la transition énergétique: - Les objectifs, - Le soutien aux ENR, - Les concessions hydroélectriques, - La fermeture de Fessenheim
Energie Dès lors, pourquoi cette distinction? Le projet de loi de Pourquoi ne pas fusionner tous ces programmation pour la objectifs dans un corpus cohérent ? transition énergétique Cette fusion est d’autant plus pertinente qu’elle pourrait permettre d’éviter Le 18 juin 2014, la ministre de l’écologie, d’éventuelles contradictions. du développement durable et de l’énergie a Ainsi, est-ce que la baisse de la part de présenté en conseil des ministres les production nucléaire dans la production grands axes d’un projet de loi intitulée loi de programmation pour la transitiond’électricité à 50% à l’horizon 2025 qui devrait être prévue à l’article L.104-5° énergétique–nouveau modèle Un est conciliable avec l’objectif de maintien énergétique français. d’un prix de l’énergie compétitif ? Ce projet a circulé de manière officieuse sous forme de document informel.Cette question se pose d’autant plus que l’un des moyens pour atteindre ces A ce stade, quatre points seront objectifs est «d’assurer la transparence commentés : et l’information de tous, notamment sur les coûts et les prix de l’énergie». •Les objectifs de la politique énergétique ; Il est au demeurant étrange que le raisonnement pour des outils de •Le soutien des ENR ; production soit fondé sur la production •Le renouvellement des concessions d’électricité pour le nucléaire et sur la hydroélectriques ; consommation finale brute d’énergie pour les ENR ! •La fermeture de centrales nucléaires. Il convient enfin de s’interroger sur le Naturellement, ces commentaires sontcaractère de long terme des objectifs de formulés sous réserve de l’lévolution du’article 2. texte en vue de sa soumission aux En effet, ce même article 2 prévoit commissions parlementaires. l’insertion d’un nouvel article L.100-5 qui disposeraitque l’atteinte des objectifs fait l’objet d’un rapport au Parlement au A.Les objectifs de la politique énergétiquemoins une fois tous les cinq ans et que cela peut conduire à la révision des La première interrogation porte sur la objectifs de long terme. distinction entre les objectifs énoncés à er l’article 1et ceux énoncés à l’Ainsi, larticle 2.’article 2 prévoit une possible remise en cause des objectifs–pourtant En effet, les premiers sont les objectifs de long terme–tous les cinq ans. de la politique énergétique de la France et les seconds sont les objectifs à longCette contradiction est d’autant plus terme. graveque des mesures irréversibles pourraient être prises en application Or, il est évident que les premiers sont d’objectifs supposés être de long terme, aussi de long terme que les seconds. tel que cela est le cas de la fermeture de La seule différence réside dans lecentrales nucléaires. caractère qualitatif des premiers qui Enfin, il est probable que, suite à un sont au demeurant une reprise des éventuel changement de majorité dispositions existantes et le caractère parlementaire, un tel rapport aboutirait quantitatif des seconds. à une révision des objectifs susvisés.
ENERGIE-LEGAL.1406181.1
B.Le soutien des énergies renouvelables
Un système de complément de prix est introduit par le projet de loi.
Ainsi, les installations ENR dans le cadre ou hors appels d’offres pourront bénéficier soit d’un contrat d’achat avec un tarif tel que cela est actuellement le cas, soit d’un contrat d’achat offrant un complément de rémunération.
S’il est naturel qu’une loi ne détaille pas les dispositions d’application et renvoie pour cela à la réglementation, il aurait été pertinent de préciser les cadres respectifs dans lesquels le contrat d’achat à tarif et le contrat d’achat à complément de prix seront retenus.
Le projet de loi détaille en revanche les éléments pris en compte dans l’établissement des conditions de la rémunération.
Dans ce cadre, il est prévu que les conditions de rémunération seront révisées périodiquement pour tenir compte de la baisse des coûts des installations.
Une application de cette disposition à des projets en cours d’exploitation est de nature à constituer un facteur de risque pour le financement de projets sous contrat à complément de prix.
Sous réserve des dispositions réglementaires le régissant, l’introduction d’un complément de prix permet une intégration progressive des ENR dans le marché de l’électricité et est à ce titre conforme aux lignes directrices sur les aides d’Etat pour l’énergie et l’environnement de la Commission européenne en date du 9 avril 2014.
Toutefois, alors qu’il annonce des objectifs de long terme, il est regrettable que le projet de loi n’ait pas prévu d’ores et déjà l’échéance de 2017 prévues par les lignes directrices susvisées, à compter de laquelle les appels d’offres deviennent
ENERGIE-LEGAL.1406181.1
Juin 2014
systématiques à l’exception des petites installations et de certains parcs éoliens.
Le projet de loi aurait pu également organiser la période transitoire de 2015 à 2017.
Par ailleurs, à l’exception du complément de prix et, dans un autre cadre, de la participation des habitants à des projets ENR, il est regrettable que le projet de loi ne prévoie pas de dispositifs innovants en matière soutien aux ENR.
Certes la ministre de l’énergie a évoqué dans sa conférence de presse le doublement du fonds chaleur, la création par les banques des « green bonds », le doublement de lignes de crédit et un fléchage de certains financements.
Toutefois, ces dispositifs ne résultent pas des dispositions législatives présentées ce jour et doivent être dès lors traduites sur le terrain par des décisions qui pour certaines ne relèvent pas de l’Etat et qui nécessitent la disponibilité des crédits annoncés.
Dès lors, le principal véhicule demeure la CSPE. Certes, l’introduction du complément de prix permet de soulager la CSPE mais compte tenu de l’objectif de l’article 2 de porter la part des ENR à 32 %de la consommation finale brute d’énergie, la question du niveau, du périmètre et de la viabilité de la CSPE demeure poser.
A cet égard, la modification de l’article L.121-13 du code de l’énergie ne répond pas à ces questions.
De plus, cette modification permet en tout état de cause au ministre de fixer un montant de la CSPE inférieur à celui proposé par la CRE, donc inférieur au montant de nature à couvrir l’ensemble des charges.
Enfin, la création du comité de gestion de le CSPE est inexplicable et témoigne d’une défiance à l’égard de la CRE et de la DGEC.
C.Le renouvellement des concessions hydroélectriques Le projet de loi retient la méthode de barycentres. Toutefois, la loi ne précise pas si toutes les concessions seront concernées par cette méthode ou non. Cela ne devrait pas être le cas dans la mesure où toutes les concessions ne font pas partie d’une chaîne d’aménagements. Dès lors, quid des concessions non concernées par cette méthode? Est-ce que la procédure du décret de 1994 sera appliquée ? Cette méthode présente principalement deux inconvénients. D’une part, elle aboutit mécaniquement à maintenir le concessionnaire en place pour des concessions échues ou à échoir prochainement. D’autre part, compte tenu de la taille des chaînes d’aménagements, la participation aux sociétés d’économie mixte hydroélectriques sera essentiellement réservée à certains très gros opérateurs et constitue par conséquent une barrière à l’entrée pour les autres.
Or, l’accès aux moyens de production est la clé de voute d’une véritable ouverture du marché de l’électricité.
Par ailleurs, le projet de loi prévoit la création de sociétés d’économie mixte hydroélectriques pour l’exécution des contrats de concession.
Cette création vise–l comme’a indiqué la ministre de l’énergie dans sa conférence de presse è à échapper à la «privatisation» des installations hydroélectriques françaises.
Or, il convient de rappeler que dans la mesure où il s’agit de concessions, l’Etat demeure propriétaire des installations quel que soit le concessionnaire.
ENERGIE-LEGAL.1406181.1
Juin 2014
Par ailleurs et surtout, la comptabilité de cette disposition avec le droit européen est incertaine.
En effet, ce montage vise à éviter de mettre en concurrence les concessions et à limiter la mise en concurrence au choix de l’actionnaire opérateur ayant vocation à faire partie de la SEMH et à exploiter l’installation
Or le seul cas où la Cour de justice de l’Union européenne admet l’exclusion de toute mise en concurrence pour confier l’aménagement ou l’exploitation d’une infrastructure ou d’un service relève des prestations dites «in-house».
Cette qualification suppose que le pouvoir adjudicateur exerce surl’entité attributaire un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services et que cette entité réalise l’essentiel de son activité avec le ou les pouvoirs adjudicateurs qui la détiennent.
A cet égard, la CJUE précise que «la participation, fût-elle minoritaire, d’une entreprise privée dans le capital d’une société à laquelle participe également le pouvoir adjudicateur en cause exclut en tout état de cause que ce pouvoir adjudicateur puisse exercer sur cette société un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services».
En l’espèce le projet de loi prévoit que la participation de l’opérateur actionnaire ne peut être inférieure à 34%.
En tout état de cause, les énergéticiens susceptibles de participer à ce type de montage devraient négocier à la hausse ce pourcentage pour devenir majoritaire.
A défaut, ils exploiteraient une concession sans être pour autant décisionnaire notamment en termes de choix d’investissement.
D.Fermeture de centrales nucléaires
Dans un article 55 portant sur le régime d’autorisation d’exploiter, il est prévu
l’insertion dans le code de l’énergie d’un article L.311-5-6 ainsi rédigé «Toute autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité d’origine nucléaire, délivrée en application de l’article L.311-5, respecte la limitation de la capacité totale de production de 63,2 GW. Le cas échéant, l’exploitant propose les mesures permettant de satisfaire cette condition. Lorsque la fermeture de capacités de production d’électricité d’origine nucléaire est nécessaire à la délivrance d’une autorisation d’exploiter pour satisfaire aux conditions de l’alinéa précédent, l’autorisation d’exploiter correspondante est abrogée par décret». Cette disposition relève d’une sorte de « chantage »dans la mesure où elle conditionne l’ouverture d’une nouvelle centrale nucléaire, soit l’EPR de Flamanville par la fermeture d’une centrale existante. Cette disposition soulève plusieurs remarques.
ENERGIE-LEGAL.1406181.1
Juin 2014
D’une part, l’Etat a d’ores-déjà autorisé la création de l’installation nucléaire de base dénommée Flamanville 3, comportant un réacteur nucléaire de type EPR, sur le site de Flamanville (Décret n° 2007-534 du 10 avril 2007).
Or, l’Etat ne peut autoriser la création de la centrale de Flamanville et refuser d’accorder l’autorisation d’exploitation de cette centrale, laquelle a été développé sous l’empire d’un cadre juridique antérieure ne prévoyant pas un plafonnement de la production nucléaire.
D’autre part, cette disposition crée de facto un monopole pour EDF en tant qu’opérateur de centrales nucléaires.
Ainsi, dans le cas où un autre opérateur tel que par exemple GDF SUEZ, souhaiterait développer et réaliser un autre type de réacteurs en raison du plafond de 63,2 GW.
Enfin, de manière factuelle, alors que le Président de la République, le Premier ministre, les ministres de l’énergie successifs se sont engagés à fermer la centrale de Fessenheim, cette disposition n’implique pas nécessairement la fermeture de cette centrale.
A propos d’Energie-legal
Créé en 2010, Energie-legal est un cabinet d’avocats dédié exclusivement au secteur de l’énergie.
Nos interventions portent sur l’ensemble des domaines relatifs au secteur de l’énergie, tant sur les aspects réglementaires que sur les aspects contractuels, de structuration et de financement de projets.
Contact
Mounir Meddeb Avocat au Barreau de Paris +33 (0)1 53 45 86 44 mounir.meddeb@energie-legal.com
ENERGIE-LEGAL.1406181.1
Juin 2014
Ces interventions s’adressent aux opérateurs, industriels, banques, fonds d’investissement et collectivités publiques, principalement en France ainsi qu’en Europe et en Afrique du Nord.