Insécurité de l emploi : le rôle protecteur de l ancienneté a-t-il baissé en France ?
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L'insécurité de l'emploi, mesurée par le taux de transition annuel des hommes de l'emploi vers le non-emploi, a considérablement augmenté entre 1975 et 2000 en France. Mais au contraire de ce qui a été observé aux États-Unis, les salariés anciens d'âge médian ont été remarquablement épargnés. La hausse de l'insécurité s'est concentrée sur les salariés de moins de dix ans d'ancienneté et sur les salariés de plus de 55 ans. Ces résultats ne peuvent s'interpréter uniquement par des chocs technologiques, par la hausse de l'incertitude ou par l'évolution de la protection de l'emploi. L'hypothèse d'un déclin des contrats de long terme sans rupture des contrats existants est compatible avec les principaux faits observés ; elle permet en particulier d'interpréter la différence constatée avec les États-Unis et offre une piste d'explication du maintien des préretraites sur la période en France.

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Langue Français

Extrait

EMPLOI
Insécurité de l’emploi :
le rôle protecteur de l’ancienneté
a-t-il baissé en France ?
Luc Behaghel*
L’insécurité de l’emploi, mesurée par le taux de transition annuel des hommes de
l’emploi vers le non-emploi, a considérablement augmenté entre 1975 et 2000 en France.
Mais au contraire de ce qui a été observé aux États-Unis, les salariés anciens d’âge
médian ont été remarquablement épargnés. La hausse de l’insécurité s’est concentrée sur
les salariés de moins de dix ans d’ancienneté et sur les salariés de plus de 55 ans.
Ces résultats ne peuvent s’interpréter uniquement par des chocs technologiques, par la
hausse de l’incertitude ou par l’évolution de la protection de l’emploi. L’hypothèse d’un
déclin des contrats de long terme sans rupture des contrats existants est compatible avec
les principaux faits observés ; elle permet en particulier d’interpréter la différence
constatée avec les États-Unis et offre une piste d’explication du maintien des préretraites
sur la période en France.
* Luc Behaghel appartient à l’Université de Marne-la-Vallée, au Centre d’études de l’emploi et au Crest-Insee.
Les noms et dates entre parenthèses renvoient à la bibliographie en fin d’article.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 366, 2003 3es années 1980 au début des années 1990, Hausse de l’insécurité
les États-Unis ont connu une forte hausseD et maintien du rôle protecteur de l’insécurité de l’emploi des salariés anciens
de l’anciennetédans leur entreprise. Entre 1976 et 1992, le rôle
protecteur de l’ancienneté (1) face au risque de
départ involontaire de l’emploi aurait baissé en
e diagnostic empirique est établi à partir
moyenne de 60 % et cela rendrait compte de
des données de l’Enquête Emploi, entreLl’essentiel de la hausse de l’insécurité consta-
1975 et 2000, en restreignant l’échantillon aux
tée sur cette période dans ce pays (Valletta,
hommes salariés de 30 à 58 ans (les principales
1999). Cette baisse du rôle protecteur de
caractéristiques de l’échantillon sont données
l’ancienneté peut s’expliquer, au moins en par-
en annexe). L’insécurité de l’emploi est mesu-
tie, par la rupture de contrats implicites de long
rée par le taux de transition annuel entre emploi
terme qui liaient certains salariés à leur
et non-emploi (cf. encadré 2 pour les avantages
employeur : aux États-Unis, de telles ruptures
et les limites de cette mesure).
ont été mises en évidence dans les secteurs
industriels en déclin ou dans les entreprises
changeant de direction à la suite d’une prise de Le cas de la France s’oppose au cas américain à
contrôle hostile (OPA). en juger par l’évolution entre 1975 et 2000 du
risque de perte d’emploi pour les hommes sala-
riés de 30 à 49 ans en fonction de leur ancien-
Le rôle protecteur de l’ancienneté a-t-il aussi neté dans l’entreprise (cf. graphique I et
baissé en France ? Plusieurs études ont montré tableau 1). Au-delà des fluctuations cycliques,
la hausse de l’insécurité parmi les salariés ce risque moyen est resté remarquablement sta-
récents dans leur emploi et établi le lien avec le ble pour les salariés de plus de cinq ans
développement des contrats à durée déterminée d’ancienneté, alors qu’il a connu une nette ten-
(Cahuc et Postel-Vinay, 2002 ; Goux et al., dance à la hausse pour les salariés de moins de
2001 ; Blanchard et Landier, 2000). Des travaux cinq ans d’ancienneté. (1)
plus récents montrent que cette insécurité crois-
sante touche aussi les salariés de plus d’un an
On va tester la robustesse de ce résultat brut. Ond’ancienneté (Germe, 2003 ; Givord et Maurin,
vérifie d’abord qu’un tel résultat agrégé ne2003). Cependant, on constate aussi que la part
résulte pas de simples effets de composition. Onde salariés atteignant 30 ans d’ancienneté a crû
regarde ensuite si ce résultat moyen ne masqueentre 1982-1985 et 1998-2001, passant de 1,8 %
pas des disparités significatives : il se peut queà 2,5 % parmi les actifs de plus de 30 ans de car-
le rôle de l’ancienneté soit resté stable enrière, ce qui pourrait indiquer une certaine pré-
moyenne, mais ait décliné pour certaines caté-gnance du rôle protecteur de l’ancienneté
gories de travailleurs (les ouvriers de l’indus-(Amossé, 2003).
trie, comme aux États-Unis, par exemple). Pour
ces analyses désagrégées, on envisage successi-
L’étude sur longue période (1975-2000) du pro- vement deux groupes dont les évolutions sont
fil d’insécurité de l’emploi selon l’ancienneté clairement distinctes : les salariés d’âge médian
permet de concilier ces résultats et d’engager la (30-49 ans) et les salariés âgés (plus de
comparaison avec les États-Unis. On montre 50 ans) (2).
d’abord que, contrairement au marché améri-
cain, la hausse globale de l’insécurité s’est
accompagnée d’un remarquable maintien du
rôle protecteur de l’ancienneté pour les salariés
d’âge médian. Cela contraste avec la forte
hausse des transitions vers le non-emploi pour
1. Il s’agit toujours dans ce qui suit de l’ancienneté dans l’entre-les salariés anciens de moins de cinq ans ou âgés
prise. L’ancienneté sur le marché du travail est plutôt appelée
de plus de 55 ans. Ces résultats sont ensuite con- expérience. Par ailleurs, par facilité de langage et dans tout ce qui
suit, on utilise le terme « rôle protecteur de l’ancienneté » sansfrontés aux différentes explications théoriques
préjuger d’une relation causale entre ancienneté et taux de perte
de la hausse de l’insécurité de l’emploi. L’hypo- d’emploi : il faut entendre simplement par là une relation négative
entre ancienneté et risque de perte d’emploi. Enfin, pour la défi-thèse d’un déclin des contrats de long terme,
nition théorique et la mesure empirique de l’insécurité desans rupture des contrats existants contraire- l'emploi, voir l’encadré 2.
ment aux États-Unis, constitue le scénario le 2. Les salariés de 50-54 ans connaissent une évolution intermé-
diaire. Les rattacher aux 55-58 ans permet de simplifier l’exposi-plus directement compatible avec les évolutions
tion des résultats. Cependant, ces deux catégories d’âge seront
observées (cf. encadré 1). souvent distinguées dans la présentation détaillée des résultats.
4 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 366, 2003de contrôler ces effets de compositionLa stabilité du rôle protecteur
(cf. encadré 3).de l’ancienneté ne tient pas
à des effets de composition
Les profils des transitions de l’emploi vers le
non-emploi sont donnés pour deux périodesOn peut s’attendre à des effets de composition
(1976-1980 et 1997-1999) (3), nets des effets dedans quatre dimensions en particulier : le capital
humain du travailleur (niveau de formation ini-
tiale), le secteur et la taille de l’entreprise, et les
3. Les périodes choisies correspondent à des périodes decaractéristiques de l’emploi (catégorie socio-
reprise économique, afin de limiter l’impact de fluctuations cycli-
professionnelle). Un modèle logit est utilisé afin ques sur la comparaison.
Graphique I
Taux de transition annuel de l’emploi vers le non-emploi selon l’ancienneté (ensemble des hommes
salariés de 30 à 49 ans)
En %
16
14
12
10
8
6
4
2
0
75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99
Année
< 2 ans 2-5 ans 5-10 ans > 10 ans Total
Source : Enquêtes Emploi, Insee.
Tableau 1
Taux de transition de l’emploi vers le non-emploi selon l’ancienneté et la période (hommes salariés
de 30 à 49 ans)
En %
Ancienneté dans l’entreprise Croissance annuelle
Période
moyenne du PIB réel
Moins de 2 ans 2 à 5 ans 5 à 10 ans Plus de 10 ans
1976-1981 4,5 2,5 1,6 1,1 3,1
1981-1985 8,4 3,9 2,5 1,3 1,7
1985-1988 11,2 4,1 2,7 1,7 2,1
1988-1991 10,4 3,4 1,9 1,2 3,8
1991-1994 13,6 5,4 2,4 1,6 0,5
1994-1997 13,4 4,9 2,5 1,2 1,6
1997-2000 12,4 4,4 2,2 1,0 2,7
Lecture : en 1976-1981, un salarié de moins de 2 ans d’ancienneté avait en moyenne chaque année 4,5 % de risque de se retrouver sans
emploi l’année suivante.
Source : Enquêtes Emploi, Insee, calculs de l’auteur.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 366, 2003 5
Taux de transition vers le non-emploicomposition (cf. graphiques II-A à II-D). Plus ge

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