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45 secondes de la vie d'un homme ... Primordiales !

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Publié le 16 juin 2011
Nombre de lectures 304
Langue Français

Extrait

La nuit était claire et douce, propice aux songes ou au désespoir …
Les fenêtres des immeubles alentours brillaient comme autant d’étoiles
répondant à la lune. Une symphonie de lumières assemblées par un compositeur
devenu fou.
Je marchais sur ce toit comme un funambule sur son fil, a la fois précis et
concentré. Mais moi, je savais ce que j’allais faire. Ce qu’aucun funambule
n’imagine, même lors de ses pires cauchemars
.
Un pas encore, ne pas réfléchir, avancer, aller vers cet inconnu qui nous aspire
tel un trou noir terrestre.
3,4, ou 10 secondes peut être, qui sait combien peut prendre ce voyage vers
l’infini, ce rêve d’Icare des temps modernes.
Un pas …
C’est totalement secondaire, mais la première chose que je ressens est l’air tiède
dans mes cheveux. Un vent violent serait plus proche de la réalité, comme si
l’on avait ouvert une fenêtre dans la voiture de ma vie.
Je venais de sauter du haut de ce gratte ciel new-yorkais, dont la pointe fait
penser aux écailles d’un poisson géant, et la seule chose à laquelle je pense est la
sensation de vent dans mes cheveux. Futilité de la pensée humaine …
Je n’arrive pas à me concentrer sur la sensation de liberté censée m’envahir,
asphyxié que je suis par l’air entrant violemment dans mes poumons.
Face à moi, cette grosse femme noire sanglée dans son uniforme de je ne sais
qu’elle obscure société de nettoyage de Brooklyn, termine certainement son
énième bureau de la nuit. Elle tourne la tête, ses yeux ont à peine le temps
d’imprimer sur leur rétine l’image de mon passage. Sa bouche s’ouvre en grand,
preuve s’il en est de la rapidité de la transmission électrique dans le cerveau
humain. Elle ne peut croire ce qu’elle voit, ou du moins ce qu’elle a vu.
Moi, je sais ce que j’ai vu. Une infime parcelle de la misère humaine. Un
échantillon de ce que notre société peut produire comme injustice, et qui n’est
qu’un prémice de son déclin programmé.
Cette femme noire dans un monde de blanc. Tout juste tolérée quand la race
supérieure s’en va reposer ses neurones fatigués à générer du cash flow.
Vision incongrue, le Bronx pénètre le Lower East Side. Mais le chiffon et le
balai à la main.
Ne pas m’attarder sur cette pensée, ne pas monopoliser les quelques secondes
qui me restent.
Les étages du milieu sont parait il moins prisés, est ce la raison pour laquelle
cette réunion a l’air si triste ? Que font encore ces cadres au bureau à minuit
passé ? Quel rachat d’entreprise, quel business plan justifient ces mines si
grises ? Et ce pauvre directeur, sanglé dans un costume ridiculement cintré sur
ses déjeuners d’affaires, assénant ses vérités à grand renfort de doigts pointés sur
des courbes multicolores. La fierté de sa journée, le PowerPoint imparable qui
démontrera au comité de direction sa capacité de synthèse à nulle autre pareille.
Je tiens à remercier Papa, Maman et la Harvard Business School … Ridicule !
Plus que quelques secondes, surtout ne pas se disperser.
Je repense à mes professeurs qui soulignaient tout aussi immanquablement mon
imagination, que mon incapacité à me concentrer plus de quelques secondes.
Leur prouver qu’ils avaient tort.
Cette fois, c’est moi qui ait failli ne pas comprendre. Cette femme, le visage
collé à la vitre. Les traits déformés par je ne sais quel sentiment. Et cet homme
juste derrière elle. Ses mains posées sur les hanches ce qui pourrait bien être son
assistante, ou sa juriste ou …
Sans la jupe légèrement relevée, sans ce détail apparemment sans importance, je
n’aurai pas compris. Pas compris, que l’homme peut être exploité ou exploiteur,
il n’en reste pas moins prévisible …
Cela me fit sourire et faillit donner raison à mes professeurs.
Plus qu’une seconde.
Brutalement, le harnais s’incrusta dans mes chairs et j’eu le sentiment que ma
vie reprenait le cours normal des choses.
La Chrysler noire et blanche du NYPD m’attendait quelques dizaines de mètres
plus bas. Sens de l’humour bien involontaire de la police new-yorkaise !
La justice condamne le Base Jump.
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