Elle est belle.
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Nouvelle sur une jeune fille que la vie n'a pas épargnée.

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Publié le 04 janvier 2013
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Langue Français

Extrait

                                                        Elle est belle.
Elle est belle. Voilà ce qu'on pourrait dire d'elle. Voilà ce que tout le monde dit à 
propos d'elle. On ne dit pas "Elle est sympa, elle a de la conversation, elle est 
intelligente...". Non, rien de tout cela. On dit juste "Elle est belle". Comme si elle 
n'avait que ça. La pauvre. Elle le sait bien, elle, qu'on lui fait des sourires et 
qu'on traîne avec elle seulement parce qu'elle est belle. Mais elle laisse faire, elle 
ne dit rien, jamais rien. Mais on continue à rester avec elle pendant les 
récrés...Parce qu'elle est belle, et que "ça fait bien". Et puis, quand on le lui 
demande, elle secoue ses longs cheveux roux aux multiples éclats. Tout le monde 
l'aime, parce qu'elle est belle. Au début, elle appréciait cette popularité mais tous 
ces gens l'ont vite lassée. Ce qu'elle aimerait, elle, ce sont des vrais amis. Des 
vrais amis qui ne l'aiment pas pour sa beauté ou pour sa popularité. Non, elle 
voudrait des amis qui l'aiment pour ce qu'elle est. Des vrais amis à qui elle 
pourrait faire entendre sa voix car cette magnifique poupée, contrairement à ce 
que tout le monde pense, a une voix. Mais elle ne veut pas l'utiliser. Parce qu'elle 
est moche. Pas comme elle, qui est si belle. Non, sa voix est moche, criarde, aigue. 
"C'est celle de ta mère" lui disent les animatrices de l'orphelinat où elle vit. Je 
vous l'avais dit, elle est belle et elle n'a que ça. Elle n'a pas de parents, pas de 
famille, pas de vrais amis. Que des amis superficiels. Son souhait le plus cher 
n’est pas de revoir ses parents qui l’ont abandonnée, non, elle veut des vrais amis 
! Aussi, elle pourrait décrocher la lune rien que pour une parole de ce garçon 
qu'elle aimerait connaître. Et pourquoi pas devenir Amie (avec un grand A) avec 
lui. Ce garçon qui ne s'intéresse pas à elle. Le seul qui ne l'ai jamais abordée, 
jamais regardée, et pourtant le seul à qui elle voudrait parler.
Ce garçon qui, il faut bien le dire, n'était pas si beau que ça. Il était même très 
moche. Avec pleins de boutons partout, des grosses lunettes qui lui couvraient la 
figure et des cheveux noirs et filasses qui lui retombaient sur les yeux. Oui, il 
était vraiment très moche. Mais c'est lui qu'elle aimait. C'est avec lui qu'elle 
voulait être. La belle aimait le moche. Mais le moche n'était pas intéressé par la 
belle. Voilà qui n'était pas commun. Elle aurait pu, si elle avait voulu, sortir avec 
les plus beaux garçons de son lycée. Mais à chacune des demandes, elle secouait 
la tête sans jamais dire un mot.
Je vous l’avais déjà dit, qu’elle ne décrochait jamais un mot, jamais. Il est vrai 
que ça lui posait quelques problèmes, lorsqu'elle était en cours notamment. Alors 
ce jour­là, pourquoi celui­là plutôt qu'un autre, son professeur était bien décidé à 
la faire parler. Mais elle ne lâcherait rien. Elle ne voulait pas faire entendre sa 
maudite voix. Elle refusa tant et tant que son professeur se fâcha. Et la classe se 
marra. On rigolait d'elle. Tout le monde rigolait. Tout le monde sauf LE moche, 
qui semblait ne prêter nul attention à ce qui se passait dans cette classe. Elle 
était plus qu'humiliée. Et elle ne pouvait plus supporter ça. Alors elle quitta sa 
salle de classe et se précipita dehors. La belle avait le visage barbouillé de 
larmes. Elle était folle de rage. Alors elle courait encore et encore, pour pouvoir s'enfermer dans sa chambre. 
Elle courait tellement qu'elle n'a pas vu cette voiture. Cette voiture qui ne l'avait 
pas vu non plus. Cette voiture qui percuta notre belle.
Non, vous ne rêvez pas. La belle s'était bel et bien fait percuter par une voiture. 
Elle n'avait pas eu de chance. La pauvre. Non seulement, elle n'a pas de parents, 
pas de vrais amis mais en plus elle n'a pas de chance. Elle est belle et elle n'a que 
ça.
La belle avait été percutée si fort par la voiture qu'elle avait fait un vol de cinq 
mètres. On aurait dit une magnifique poupée rousse désarticulée. Lors de ce vol 
plané, ses longs cheveux avait virevolté, semblant projeter des petits diamants, 
son petit corps blanc si fragile avait décrit une parfaite courbe, le temps avait 
semblé s’être arrêté et son visage avait gardé ces traits paisibles et calme. C’était  
une magnifique poupée sans cerveau, sans vie. Et pourtant, sa vie, la belle 
poupée avait failli la perdre. Oui, heureusement, notre belle n'est pas morte. Elle 
est juste un peu amochée. En fait, je dirai même qu'elle est sacrément amochée, 
la belle. Si amochée qu'on ne peut plus l'appeler belle, puisque elle est moche. 
Elle est devenue moche, à cause de cette voiture. A cause de cette voiture, son 
beau visage fin a râpé le sol. Ses petites mains qui ont 

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