Good Old Days
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Nouvelle liée au cinéma et réalisée dans le cadre d'un concours.

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Publié le 28 août 2011
Nombre de lectures 165
Langue Français

Extrait

-
Nous souhaitons racheter votre cinéma pour le détruire.
Ce sont les premiers mots que ce type a lancé à Marc, le propriétaire du cinéma du quartier et
ça a suffit pour mettre le patron en colère. Il a laissé un papier et est reparti. Un employé s’est
mis en travers de son chemin et lui a dit qu’il avait pas le droit de faire ça. Lui, il m’a juste
regardé et m’a lancé : « T’es qui toi ? T’es pas le patron que je sache, si ? Alors, fiche le camp
de là. »
Et il s’est poussé.
Je venais à peine de débarquer dans le cinéma pour voir un film, ça m’a intrigué alors je suis
allé voir un des employés :
-
Qu’est-ce qu’il se passe ?
-
Des exploitants cherchent à racheter le cinéma pour mettre un multiplexe à la place.
-
Quoi ? Mais ils ont pas le droit de faire ça ? Vous avez le droit de diffuser des films
quand même !
-
Si tu savais seulement, mon vieux… Le cinéma est dans la dèche intégrale niveau
finances.
-
Je suis sûr qu’on peut faire quelque chose. Il faut qu’on montre qu’on est derrière
vous.
-
Ecoute, mon pote, t’es sympa, t’es un client régulier, mais vous êtes pas des masses,
vous pourrez rien faire.
Je me disais que c’était stupide de partir vaincu d’avance. J’aimais bien ce cinéma. J’y avais
vécu plein de choses, en fait, la plupart de mes premières fois, mon premier baiser avec une
fille, c’était après avoir vu un film, mon premier rencart, c’était pour un film. Ma première
érection, c’était dans le cinéma. Enfin bref, vous avez compris.
En fait, plus que de l’aimer, ce petit cinéma de quartier fait partie de ma vie. Ça fait des
années que j’y viens, tous les films que je veux voir y sont diffusés, je connais tout le monde
dans ce cinéma, de la guichetière au projectionniste. J’avais envie de leur montrer qu’il y a
des gens qui les soutiennent et qui aiment le travail qu’ils fournissent.
Je suis retourné chez moi et j’ai commencé à faire une pétition sur Internet, j’ai créé des
groupes de soutien sur les réseaux sociaux. Le seul problème, c’est qu’au bout d’une journée,
je me suis rendu compte que ça servirait à rien. Tout le monde sur le net s’en foutait. Au total,
j’avais dû recueillir vingt signatures, dont une dizaine venant de gens que je connaissais et qui
fréquentait le cinéma, sur les réseaux sociaux, les groupes n’avaient aucun membre, à part
moi. Ça s’annonçait mal, très mal…
Je décidais de me secouer les puces. Au lieu de rester à glander chez moi et à tenter de faire
quelque chose, j’allais me remuer et aller voir les gens. Ce serait plus direct.
Mais avant ça, je voulais parler au directeur du cinéma, je me présentais au cinéma et on
m’amena devant lui.
-
Je veux vous aider pour que votre cinéma ne se fasse pas détruire. J’en veux pas de
leur multiplexe de merde ! Ce sera plus cher et en plus, on verra pas tous les films
qu’on voyait ici.
-
C’est pas dit. Ils détruiront le cinéma pour faire quelque chose de plus moderne à la
place. Ce bâtiment est trop vieux, j’ai besoin de l’argent qu’ils m’offrent pour pouvoir
finir ma vie tranquillement. J’ai plus de soixante ans, mon gars, j’aime le cinéma, mais
cet endroit, je peux plus le gérer désormais. Tout ça, c’était quelque chose de beau,
mais ça devait bien se finir.
-
Et vos employés, vous en faites quoi ? Ils auront plus de boulot.
-
On m’a promis qu’ils seraient réembauchés après. Je sais que c’est pas la panacée
mais c’est mieux que rien. Je sais qu’on manquera à certains mais les multiplexes,
c’est pas forcément le mal absolu, ils diffuseront du film d’auteur.
-
N’empêche, ça nous empêche de faire quelque chose. De montrer que vous comptiez
pour quelques uns. J’ai vécu plein de choses dans ce cinéma.
-
Fiston, tu t’accroches trop… M’enfin, si tu veux, on peut faire quelque chose. Une
soirée d’adieu, ça pourrait être bien. Mais je te laisse le soin de l’organiser. Après,
faudra que les choses suivent leur cours.
-
Ok, merci, monsieur.
Je sortais de son bureau. L’idée de faire une fête pour dire adieu à ce cinéma qu’on avait tant
aimé était excellente.
Je ne supportais pas l’idée que ce cinéma que j’avais tant aimé puisse fermer. Je ne supportais
de laisser filer toutes ces choses d’une telle manière.
A me rappeler ma vie, toutes les choses que j’ai pu vivre ont été en rapport avec le cinéma.
J’ai rencontré ma fiancée dans le vidéoclub où je bossais, à cette époque, je pensais encore
devenir un réalisateur, je sortais d’une école de cinéma, un scénario sous le bras, des
perspectives nouvelles plein la tête. C’est elle qui m’a fait comprendre le plus important :
dans la vie, on a besoin d’une passion et d’un amour.
Et là, j’essayais de me battre pour ma passion.
Je retournais chez moi. Je m’occupais à rédiger des flyers, pour pouvoir ensuite les distribuer
aux gens dans la rue ou les afficher à la vue de tous.
Je cherchais les mots justes, ceux qui auraient un impact sur les gens, ceux qui ne leur
donneraient pas envie de fuir. Je voulais quelque chose d’attractif pour les gens. Je trouvais
finalement ce qui me convenait.
« Venez célébrez le cinéma. »
Cependant, il me faudrait m’expliquer aux gens, discuter avec eux, leur faire comprendre
pourquoi cela serait important de venir.
J’imprimais mon travail en plusieurs exemplaires sur des feuilles aux couleurs simples, sans
excès.
Je ressortais de l’appartement vide, je humais son odeur et repartit, prêt à me battre, emplit de
son énergie.
De retour dans la rue, je me mis à interloquer les gens, je cherchais des personnes de tout âge.
Je trouvai un groupe de jeunes.
-
Excusez-moi, est-ce que je peux vous déranger quelques instants. Ce sera pas long, je
veux juste vous parler de quelque chose.
-
Attends, bonhomme, aujourd’hui, on a déjà vu les catho, les jéhovahs et je sais plus
qui d’autre. T’es qui, toi, un représentant d’une nouvelle secte ?
-
Non, vous connaissez peut-être le cinéma du quartier.
-
Ouais, on y va jamais, mais on le connait.
-
Pourquoi vous n’y allez jamais ?
-
Tu rigoles, il est tout pourri le cinéma du coin, s’énerva l’un d’entre eux. Sérieux, y a
que les vieux pour aller là-bas, au moins, ils peuvent dormir. Si on veut aller au
cinéma, faut qu’on se tape trente kilomètres de route et qu’on aille à la grande ville.
-
Hé, doucement. Je veux juste vous parler calmement. Ce cinéma là va être fermé dans
quelques temps. A la place va être construit un multiplexe. Avant que vous disiez
quoique ce soit, comprenez juste ça : vous n’aimez peut-être pas ce qui est diffusé ici,
mais tous les goûts sont dans la nature. Vous préférez peut-être allez voir un film où
des robots se bastonnent, moi, je préfère voir un film plus calme et surtout plus
intéressant visuellement. Je ne vous juge pas, c’est surement l’écart de générations
mais je suis sûr que si vous venez, le cinéma pourra faire l’effort de ressortir les vieux
films d’action qu’ils ont en stock pour vous montrer comment c’était avant. Alors,
vous en pensez quoi ?
-
Ouais, ben tant que c’est pas des films en noir et blanc, je suis pour. Donne moi ton
papier, je ferai tourner à mes potes.
-
Et les autres, vous en dites quoi ?
Les autres firent des « ouais » de la tête. Je repartis, fier de moi, j’allais chercher à convaincre
d’autres personnes.
Je fis des rencontres, je parlais à des gens, j’en convainquais certaines, j’en rendais
circonspectes d’autres. Je faisais ce que je croyais vrai.
Etait-ce pour oublier ?
Ou pour ne pas se rappeler ?
Il restait que j’avais convaincu des gens de venir montrer leur soutien à un petit cinéma. Je
voulais prouver que les gens aimaient le cinéma, qu’il soit minimaliste ou blockbuster, les
gens, tant qu’on leur donnerait de la qualité viendrait profiter des films qu’on leur proposait.
Des réalisateurs, des acteurs, des scénaristes naitront tandis que d’autres mourront et que
d’autres abreuveront le circuit cinématographique. Et rien ne s’arrêterait tant que des gens les
soutiendraient dans leur travail et que des cinémas se proposeraient de diffuser ces œuvres.
Je revenais vers le propriétaire du cinéma, histoire de lui montrer le résultat de mon travail.
Il semblait satisfait même si ses mots ne le transcrivaient pas.
La soirée arriva. Les choses avaient été faites sans fioriture, pour un simple au revoir.
Un buffet avait été préparé, chacun y avait mis du sien, chacun avait apporté quelque chose.
J’avais laissé le soin au personnel de préparer la programmation de la soirée. Il n’y avait pas
été de main morte, ils avaient préparé un échantillon varié de films, couvrant les grandes dates
du cinéma et qui, selon eux, avaient marqué leur temps.
Ils avaient regroupé en une seule soirée des films comme Citizen Kane ; 2001, A Space
Odyssey ; Die Hard ; Psychose ; Alien ; L’Empire Contre-Attaque (dans sa copie originale) ;
L’Exorciste,…
Du fait du nombre de films sélectionnés, c’était une soirée géante de près de vingt-quatre
heures auquel les invités allaient pouvoir assister.
« Bonjour, je suis le directeur de cet établissement. Je tenais à venir vous parler à tous pour
vous remercier d’être venus là. Je ne pensais pas que vous seriez si nombreux pour montrer
votre soutien.
Ce cinéma est un projet que peu de gens me pensaient capables de concrétiser, pourtant,
quand je me vois en train de vous parler, je pense pouvoir dire que j’ai réussi.
Cependant, il arrive un moment où certaines choses, aussi belles soient-elles doivent s’arrêter.
Mais, je peux vous dire qu’il est dur de laisser partir quelque chose qu’on aime.
Comme les américains aiment à le dire dans certains de leurs films, parfois, il faut laisser
partir ce qu’on aime.
Mais je sais que la diffusion de films ne s’arrêtera pas avec moi. Un multiplexe va prendre ma
place. Des films différents seront diffusés, un équipement de pointe vous sera offert. Je
regrette qu’on vous demande beaucoup plus que moi pour profiter de ça. Je regrette que la
projection de cinéma devienne un monopole détenu par quelques grands groupes, je regrette
qu’on profite de chaque innovation technologique pour tirer les tarifs d’entrée vers le haut.
Mais je regrette aussi que certains préfèrent voir un film dans une qualité médiocre, assis chez
eux.
Ce que je souhaitais en faisant ça, c’était projeter les films que j’aimais, ceux qui me faisaient
vibrer, car n’oubliez jamais qu’un bon film ne se mesure pas aux noms présents en tête
d’affiche mais à l’émotion que sa musique dégage, à la force que ses images sont capables de
déployer et aussi à la richesse de son histoire.
Je vais m’arrêter là pour vous permettre de profiter de la soirée et avant que quelqu’un ne
commence à me jeter une tomate ou deux en pleine figure.
Rappelez-vous ceci : défendez les films que vous aimez et parlez entre vous de ces films. Le
cinéma doit se partager. »
Et alors, les projections commencèrent, le cinéma n’avait pas été aussi rempli depuis des
années. La seule salle était remplie, certaines personnes furent obligées de se mettre sur les
marches afin de pouvoir voir les films.
Pendant des heures, la salle a vécu plus d’émotions que jamais dans toute son existence, des
rires, des larmes. Des humains étaient intensément connectés grâce à des films que certains
découvraient ou que d’autres revoyaient avec plaisir. Les gens riaient ensemble, ils avaient
peur ensemble, ils étaient émus ensemble, tout se faisait ensemble.
Je ne restai pas toute la durée de la fête. En me voyant partir, le directeur vint vers moi pour
me remercier. Je lui répondis que j’avais ce que je croyais important à ce moment-là, il me
regarda interloqué : « parce que ce n’est plus le cas, maintenant ? »
Son discours m’avait remis les pieds sur terre, c’est tout ce que je trouvais à lui répondre,
quoique ça puisse signifier pour lui.
J’avais des jours à vitesse grand v, je ne m’étais pas arrêté de courir, tout ça pour une raison
précise : oublier.
Oublier pendant quelques temps de quoi mon quotidien était désormais fait, un putain de
grand vide.
Je rentrais dans mon appartement, je le retrouvais comme je l’avais laissé : vide.
Comme si j’allais la retrouver dans l’entrée, à m’attendre, elle était partie loin, d’où elle ne
reviendrait jamais.
Je me raccrochais à tout ce qu’il me restait d’elle : son odeur.
Après avoir tenté de m’endormir, je décidais d’y retourner, la soirée devrait bientôt être finie.
Je voulais quand même remercier quelques personnes avant qu’elles partent.
Je reprenais ma route, désormais, mon cerveau ne fonctionnait plus à cent à l’heure, il
fonctionnait de manière normale, se rappelant.
J’arrivais au cinéma, je me dirigeais vers ce qui servait de bar pour commander à boire, un
peu de bière me redonnerait un peu d’aplomb.
Je commençais à boire lorsque quelqu’un vint me parler.
-
Tiens, je vous cherchais justement. Je voulais vous remercier de m’avoir invitée, c’est
vraiment super chouette comme soirée. Ça faisait longtemps que je m’étais pas
retrouvée avec des gens.
-
Pardon, je vous connais ?
-
Oui, on s’est parlés quand vous distribuiez vos flyers, vous m’avez parlé de
l’importance d’avoir un petit cinéma qui diffuse des films pas très connus et vous
m’avez convaincu de venir à la soirée.
-
Ah, oui, je me rappelle maintenant. Désolé de pas m’être souvenu de vous plus tôt.
Vous voulez que je vous offre un verre ?
-
Pourquoi pas ? Au fait, je m’appelle Verna.
-
Enchanté, je m’appelle…
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