Le petit prince pâle
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Description

"Il était une fois, dans un pays pas si lointain, un petit prince de huit ans, tout ce qu'il y a de plus charmant." Avec un prince comme héros, et comme antagoniste un Corbeau, cette nouvelle commence tout comme un Conte, mais n'en est sûrement pas un.
Originellement écrite en anglais, sous le titre 'The Pale Prince', cette nouvelle a été modifiée et adaptée au français. La version traduite s'inscrivait dans un projet plus large de recueil de nouvelles.

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Publié le 28 décembre 2016
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Langue Français

Extrait

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Le petit prince pâle
Morgane Russeil-Salvan
Le petit prince pâle
Il était une fois, dans un pays pas si lointain, un petit prince de huit ans, tout ce qu'il y a de plus charmant. De stature frêle et d'esprit délicat, ses yeux étaient du bleu le plus pur, et sa peau la plus pâle qui soit. De sorte que tous ceux qui l'avaient côtoyé avaient pour coutume de le surnommer « le petit prince pâle. » Le Roi et la Reine, ses parents, des gens ma foi fort occupés, disaient avec affection qu'il ne lui manquait plus que de belles boucles blondes pour être un ange. Car, il faut le dire, cet adorable enfant avait pour particularité de ne pas avoir le moindre cheveux sur le crâne. Le petit prince vivait dans un château immense, où toute chose était blanche. Les murs ? Blancs. Le plafond ? Blanc. Blanches étaient les portes, blanc était le sol, blanc encore l'escalier, jusqu'aux tenues des servantes et valets. Le petite prince aussi, était vêtu de blanc, et lorsqu'il se blottissait, le soir, dans son lit aux draps blancs, il s'y confondait totalement. Parce que ses parents avaient de lourdes responsabilités, ils ne pouvaient rester au château plus de quelques jours par mois. Trop jeune pour demeurer seul, le petit prince pâle avait à son service un bataillon de serviteurs, tous prêts à satisfaire le moindre de ses désirs. Sauf un. L'enfant se savait faible et malade : tous les soirs, il se voyait forcé d'avaler un remède au goût âcre, qui lui donnait la nausée, et affaiblissait ses membres. Mais lorsqu'il avait demandé à ses valets quel était le nom de cette maladie dont il souffrait, nul n'avait osé lui donner de réponse. La seule chose qu'on lui avait laissé entendre était que chaque serviteur avait reçu pour ordre de ne rien lui révéler. Le jeune prince avait un tempérament si calme et si tranquille qu'il n'insistait jamais. Mais tous les soirs, avant de s'endormir, il restait un instant debout devant sa fenêtre, et questionnait la Lune. Il la suppliait : « Dame d'argent, toi qui sait tout, donne moi s'il te plaît le nom de mon mal ... » Bien sûr, la Lune restait silencieuse. Or, près de la fenêtre du prince poussait un arbre. Et dans cet arbre vivait un corbeau, à l'esprit tordu, le plus vicieux de tous. Toutes les nuits, il était réveillé par les plaintes du petit garçon, et imaginait, chaque soir, divers moyens de le faire taire. À force d'élaborer ses stratégies, il lui vint à l'esprit l'idée d'utiliser la curiosité du petit prince à son avantage. Et un plan parfait lui apparu alors. Un soir, alors que le petit prince venait de finir sa curieuse prière, le Corbeau saisit sa chance, et s'envola dans la nuit. Dans un grand claquement d'ailes, il se posa sur le rebord de sa
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fenêtre, fit bouffer ses plumes et coassa : Alors c'est bien toi qui réveille ma maîtresse toutes les nuits … Je suis le messager de la Lune. Elle m'a envoyé à toi afin de répondre à ta prière. Ainsi, tu veux connaître le nom de cette maladie dont tu souffres ? Je te mets en garde à présent, mais je ne me répéterais pas : tu pourrais préférer ne pas le savoir. Et il se tut, observant l'enfant de son œil rond et jaune. Quelques belles paroles et le tour était joué. Comme il l'avait prévu, le petit prince était bien trop heureux d'avoir enfin sa chance pour écouter sa menace. Le Corbeau lui avait offert l'espoir sur un plateau. Hors de question de ne pas en profiter. Un coassement de satisfaction échappa au Corbeau. Ébouriffant un peu plus son manteau noir, il poursuivit : Demain soir, promènes-toi dans la roseraie, et cueilles-y la plus belle rose. Lorsque la nuit sera tombée, tu te rendras près de la mare, au fond du parc. Il y pousse un vieux saule, le plus vieux des arbres du jardin. Cet arbre possède toutes les connaissances dont tu puisses rêver. Pose sur ses racines, en guise d'offrande, la plus belle des roses. Tu pourras alors lui demander ce que tu souhaites, et il y répondra sûrement. Mais n'oublie-pas ! Seule la plus belle des roses est une offrande digne de lui. Sur ces mots, le Corbeau s'envola. Le petit prince pâle était incapable de dormir. Il avait bien trop peur de se rendre compte, au matin, que tout ceci n'était qu'un rêve. Lorsqu'elles lui rendirent visite au réveil, ses servantes jurèrent ne l'avoir jamais vu aussi joyeux. Tout le jour, le petit prince ne tint pas en place. En fin d'après-midi, il se rendit à la roseraie pour exécuter les instructions du Corbeau. Hélas, comment savoir laquelle de ces roses était la plus belle ? Les jardiniers du château en prenaient le plus grand soin, et aux yeux de l'enfant, elles étaient toutes plus belles les unes que les autres. Ne venait-il pas d'en choisir une qu'une autre attirait son regard, rivalisant de beauté avec la première. Lorsque le prince comprit qu'il était impossible de les départager, il décida d'en cueillir autant de possible. Puis il les arrangea toutes en un seul bouquet. Sur le nombre, se disait-il, il y en aurait bien une capable de plaire au Saule. La nuit commençait à tomber. Le petit prince pâle se cacha dans les fourrés afin que nul ne vienne le déranger. Lorsque le soleil bascula totalement derrière l'horizon, et que la Lune se leva, il quitta les buissons pour arpenter le parc. Dans la nuit bruissaient des ombres. Le prince frissonnait. Sa peau était si pâle qu'elle rayonnait dans le noir, et sa tunique blanche ne suffisait pas à le réchauffer. Il était frigorifié. Mais contre sa poitrine, il serrait le bouquet aux épines tranchantes, comme un talisman, une peluche d'enfant. Jamais il ne s'était aventuré aussi loin dans le jardin du palais. Une mare se trouvait là,
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presque parfaitement ronde, et l’œil tout aussi rond de la Lune s'y baignait. Interprétant cela comme un signe, le petit prince se dirigea courageusement vers l'arbre qui y abreuvait ses racines. Il s'agissait, comme le Corbeau l'avait dit, d'un vieux saule pleureur, ridé comme un vieillard, au tronc épais, avachi, courbé, et qui laissait traîner ses longues branches dans l'eau comme une très longue barbe. Le petit prince pâle posa une main sur l'écorce, et ouvrit de grands yeux : il lui semblait qu'un cœur battait au plus profond du bois. Alors le prince se courba jusqu'aux racines, pour y déposer son bouquet de roses. Il recula d'un pas, et posa sa question : Personne ne veut me le dire, peu importe le nombre de fois que je le demande. Je m'en remets donc à toi, vieux Saule. On m'a dit que tu savais tout. Peux-tu me dire de quelle maladie je souffre ? Sa voix réveilla le Saule, qui dormait depuis des années. Lorsqu'il vit cet enfant gracile, qui le regardait avec tout l'espoir du monde, l'émotion toucha son cœur dur et noueux. Mais il fallut que son regard tombe sur les roses gisant sur ses racines. Le dégoût agita ses branches. Son bois gémit et craqua, tout l'arbre trembla d'horreur et de rage. Une voix profonde, une voix sombre, sortit alors de l'arbre qui dominait l'enfant : Quel cauchemar est-ce donc ? Suis-je bien éveillé ? Il semblerait que je le sois, et pourtant, qu'est-ce que je vois ? Cadavres et corps mutilés ! Mes propres fils et filles, déposés à mes pieds ! Est-ce là ton offrande, fils des Hommes ? Ne pouvais-tu te contenter de cueillir une seule rose ? Votre avidité n'a donc pas d'âge ? Que ressentirais-tu si, sur tes genoux, je déposais les têtes de tes êtres aimés ? Ah ! Tu veux donc savoir le nom de ton mal ? « Tu aurais mieux fait de rester dans ton conte de fées, petit prince pâle ! Château et royauté, il n'y a rien de tel ! L'endroit où tu te trouves n'est rien qu'un hôpital. Les serviteurs que tu chéris tant ? Docteurs et infirmières, qui n'hésitent pas à te tromper ! Et ne me fais par rire en parlant de tes chers parents, car tout ceci est de leur fait ! Tout est théâtre, rien n'est vrai, un monde de carton pâte pour te cacher la vérité. Le remède que tu dois avaler tous les jours est un traitement contre le cancer. Ne t'es-tu jamais demandé pourquoi tu n'avais aucun cheveux sur le crâne ? Et si tes veines sont bleues, ce n'est pas le fait du sang royal, mais de la leucémie qui te ronge. Voilà la réponse que tu désirais tant. »
Le petit prince pâle ne réagissait pas. Comme frappé par la foudre. Ou changé en statue. Le Saule s'en retourna vers le monde du sommeil. Tout comme le Corbeau, qui avait épié la scène. Le petit prince pâle, qui n'était pas un prince, ne rejoignit pas son château, qui n'était pas un château. Au matin, l'une des infirmières le repéra et le ramena à sa chambre. Il se laissa entraîner
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sans émettre le moindre son. Depuis ce jour, aucune syllabe ne franchit ses lèvres. Il reste assis sans bouger, dans sa chambre d'hôpital. Personne, parmi les médecins, n'est capable d'expliquer ce qui lui est arrivé. Le seul personnage à être heureux, à la fin de ce conte, est le Corbeau, qui peut maintenant dormir tout son content.
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