LUZ : LA LUMIERE INTERIEURE
15 pages
Français

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Description

Les yeux d’où la divine étincelle est partie,
Comme s’ils regardaient au loin, restent levés
au ciel ; on ne les voit jamais vers les pavés
pencher rêveusement leur tête appesantie.
…..Ils traversent ainsi le noir illimité…
…..ce frère du silence éternel……
Charles Baudelaire

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Publié par
Publié le 11 mars 2013
Nombre de lectures 31
Langue Français

Extrait

Luz : la lumière intérieure
- Comment sais-tu parler de couleurs et de  lumière, Luz ? Peux-tu me dire comment tu fais ?
- Les silhouettes préoccupantes des choses vivent dans ma mémoire comme un rituel ancien dont j’ urais gardé le sens… a Il n’y a point de magie en cela ! Souviens toi que je suis née dans la nuit, et pour moi le jour ne s’est jamais levé…je suis le berger et sa houlette….je suis la montagne et le ravin !
-Ta vie est intérieure Luz, et tu ne vois pas ma peine lorsque tes mains buttent sans cesse sur le pourtour des objets que ton regard ne peut atteindre !
-Hélas, ni ton amour, ni aucun soleil aussi flamboyant soit-il ne parviendront à inscrire leur lumière dans la rétine de mes yeux. Dans la nuit se révèlent toutes les créations, et si mon regard ne perçoit pas le grand édifice de la vie, dans l’obscurité, son architecture me devient familière !
-Luz, tu es de la race des anges, et j’ai compris que tes yeux inutiles étaient visionnaires. 
Ton pouvoir est immense pour capturer au-delà de la vie, son essence. Je vois dans ton regard, dans tes grands yeux noirs ouverts sur des nuits sans fin, la lueur vive d’un invisible incendie qui brûle dans ton cœur. Tes gestes amples semblent montrer des citadelles hérétiques. Les peuples de l’ombre, en marge du monde, comme des porte-flambeaux t’attirent !
***** Luz se leva soudain, contristée par mes propos et certainement mon admiration avouée pour elle, prit son bâton et se dirigea vers l’extérieur de la grotte d’un pas patent. Sa cape de velours battait l’air autour d’elle comme les ailes d’un oiseau merveilleux.
- Que fais-tu Luz,…ne t’éloignes pas, je t’en pris ! Tu sais bien qu’ils te cherchent partout dans le pays.
Tes dons de visionnaire et tes mains qui guérissent leur font perdre la tête.  Ils se sont juré de te capturer pour te jeter dans les flammes d’un bûcher avec la bénédiction de l’inquisition !
Luz se retourna vers moi :
- Ils ne peuvent rien car je ne suis pas une sorcière. Ma foi est immense et je ne crains pas ces hommes. Seule leur ignorance m’affecte !
-Luz, je t’en pris, attends ici jusqu’à la nouvelle lune, je me procurerai un cheval, et nous nous enfuirons. Nous quitterons ce pays de brutes et de gueux !
-Je vais seulement écouter ce que dit la forêt ! Les seuls conseils utiles sont inscrits dans les signaux que la nature nous envoie…tu sais qu’on ne peut pas se couper d’elle et que de nos décisions humaines dépendent celles de la nature vivante ! Je t’aime, mais la nature communique avec moi d’une manière très particulière. J’ai
besoin d’estimer toute seule l’audace de notre aventure. Les choses muettes ont un message à me transmettre. Je les entends sans cesse me murmurer leur science!
-Sois prudente, les cieux n’ont pas d’échelle, ne cherches pas à t’évader seule….une meute de barbares rôde. Ces hommes sont prêts à tout pour imposer leur croyance : tu le sais ! Ce soir la nuit sera claire….comment sera la tienne mon amour ?
Luz s’enfonçait déjà dans le sous-bois. Avait-elle seulement entendu ma question ?
***** La lune dansait lentement au dessus des plus hautes branches des arbres de la forêt, comme pour exorciser mes peurs. Je m’effaçais hors des sentiers pour ne laisser nulle trace de mon passage.
-Comment sera la tienne mon amour- : je ne songeais déjà plus à cette nuit. J’imaginais une vie différente, et Luz présente à mes cotés, parlant aux immenses coupoles de son imagination comme un ange s’adresserait à lhumanité.
Dans sa main, le bâton était le doigt de Dieu : le bâton frappait le sol et fouillait l’espace…il ouvrait la voie dans laquelle Luz s’engouffrait confiante. Elle marchait à pas légers sur l’envers des feuilles. La forêt l’engloutissait peu à peu. Le chemin tournait, la lune et le ciel changeaient de face. Il poussait là des structures d’un autre âge….ils peuvent s’acharner à te chercher Luz…tu es devenue invisible au monde…tout comme le monde l’est à ton regard.
*****
J’arrivais enfin aux quatre chemins. Les maisons brillaient sous le givre déjà bien formé. Le ciel était clair. Dans le village, des mères et des enfants dormaient, les animaux se léchaient le flanc dans les étables tièdes.
Des chiens remuaient leur chaîne, en aboyant, apeurés par la nuit. Quelques hommes battaient la lande l’arme au poing. Réquisitionnant tous les objets et ustensiles nécessaires pour notre improbable fortune, notre voyage sans retour, je pensais à celle à qui j’avais tout promis traversant la nuit comme un feu-follet. Je pensais à son regard, semblable à de dévorants soleils noirs.
Le village….poussière….l’église comme un immense navire de pierre endormie, et les énormes marronniers qui accostaient le clocher de leurs jeunes branches….le lavoir ne lançait plus ses crépitantes gerbes d’eau….il gelait trop fort à présent….la nuit était bleu-roi, elle était peuplée d’ombres démesurées, gigantesques….dantesques…les maisons craquaient sous l’effet du gel dans la lumière froide d’une lune impavide….une tempête glaciale fouettait les chaumes…les charrues d’acier grinçaient, tandis que j’attelais la mule. A ce moment me revint en mémoire ce que tu m’avais dit au début du printemps :
- La nature s’est réveillée, elle s’est habillée. Les jeunes pousses sont revenues, porteuses de
promesse et du renouveau fondamental : ce que j’aime en elles, c’est leur inévitable persévérance. Bientôt je pourrais allonger le pas pour traverser leur grande ombre, et supporter leur fraîcheur.
La nuit prochaine nous partirons Luz. Nous traverserons toutes les forêts, et leur ombre penchée sur ton corps t’embaumera de parfums d’humus. Nous marcherons sous les grandes futaies, jusqu’à la liberté promise.
*****
Cherchant à capter les bruits les plus légers dans la richesse étrange des contrastes, entre le craquement des bois morts, des feuilles sèches foulées, et les cris des animaux de la nuit, Luz perçut un bruit différent, un râle qu’elle traduisit immédiatement. C’était une voix de femme : une plainte solitaire égarée dans un environnement inadapté. Le chant humain de la souffrance, le chant de la dignité mêlé au désespoir. Et les chants de la
nuit, eux aussi brisés se turent soudain, évoquant brutalement une terre d’écueil ou s’isole le malheur. A cet instant même, Luz entendit l’ébauche étouffée d’un feulement de douleur. Elle s’approcha et comprit immédiatement. Une jeune fille enceinte était en travail. Elle épuisait ses dernières forces dans les convulsions de l’enfantement. Luz s’agenouilla auprès de la jeune fille et lui massa doucement le ventre. Puis elle entreprit d’extraire elle-même le petit corps qui voulait vivre. Mais de quel doigt toucher la femme qui entre dans la mort en donnant la vie ? Vêtue d’habits en guenilles, la jeune fille s’en était allée avec Dame La Mort, en laissant là Luz tenant dans ses bras un petit corps maculé de sang. Au dessus des futaies gonflait déjà l’aile flamboyante de l’aube. Pour Luz les voilures de ce matin nouveau apparurent un instant, sanguines comme l’étaient habituellement ses paupières sous les dards incisifs du soleil au zénith.
*****
Le soleil était déjà bien haut dans le ciel, et les hommes du village, après une courte nuit s’apprêtaient à repartir pour battre la campagne et les bois à la recherche de la « sorcière ».
Lorsque je fus enfin prêt, un doute m’étreignit…voulais-je réellement sauver Luz et m’enfuir avec elle, alors qu’une jeune fille du village qui était encore presqu’une enfant portait dans son ventre le fruit de notre amour ancien ? Le passé revenait par vagues dans mon esprit. Je confondais à présent le visage de Luz et celui d’Angélique….je confondais alors mes promesses.
*****
Dans un songe, Luz voyait des voiles de nuages suspendus sur les abîmes. Ma silhouette, qu’elle imaginait traçant les routes de notre exil, pareille à des larmes, pareille à ma voix et à mes caresses lui apparut, refusant de la reconnaître tout à fait. Elle possédait cette vision du monde, cette vue
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