Un Château sans fenêtre
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Description

UN CHÂTEAU SANS FENÊTRE 1er jour De l'extrémité de ses doigts, il caressa doucement, délicatement, la furieuse femme qui se dressait face à lui toute noire d'ombre. Elle se raidit plus encore sur ses frêles longues jambes fragiles avec un soupir presque animal. La pluie se dispersait dehors, derrière la vitre, puis ruissellait dans un écoulement diffus. Et il regardait attendri ces frêles longues jambes fragiles, les doigts toujours occupés alors que la pluie cessait laissant place aux rayons purs du soleil, légèr comme un parfum. La chute des rayons continua des heures encore, puis enfin cessa brutalement avec la disparition du matin. De gauche à droite l'obscurité se répandit puis s'immobilisa, faisant frémir les murs. Il entendit la respiration de la femme toute noire d'ombre. -Eh bien es-tu contente? dit-il confusément avec une rage qui le surprit. Il tira ses épais rideaux et instinctivement se replia au fond d'un profond fauteuil. Les nuages dures se frottaient aux fenêtres closes, faisant remonter l'obscurité vers le plafond. Il cracha par terre par dégout. D'ailleurs les soupirs de la femme toute noire d'ombre cessèrent soudainement, disparaissant d'un mur à l'autre, puis la pluie revint et devint plus dense avant de disparaitre comme elle était apparue grave, simple, matérielle et pourtant si morte.

Informations

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Publié le 20 décembre 2013
Nombre de lectures 81
Langue Français

Extrait

UN CHÂTEAU SANS FENÊTRE
1er jour
De l'extrémité de ses doigts, il caressa doucement, délicatement, la furieuse femme qui se dressait face à lui toute noire d'ombre. Elle se raidit plus encore sur ses frêles longues jambes fragiles avec un soupir presque animal. La pluie se dispersait dehors, derrière la vitre, puis ruissellait dans un écoulement diffus. Et il regardait attendri ces frêles longues jambes fragiles, les doigts toujours occupés alors que la pluie cessait laissant place aux rayons purs du soleil, légèr comme un parfum.
La chute des rayons continua des heures encore, puis enfin cessa brutalement avec la disparition du matin.
De gauche à droite l'obscurité se répandit puis s'immobilisa, faisant frémir les murs. Il entendit la respiration de la femme toute noire d'ombre.
-Eh bien es-tu contente? dit-il confusément avec une rage qui le surprit.
Il tira ses épais rideaux et instinctivement se replia au fond d'un profond fauteuil. Les
nuages dures se frottaient aux fenêtres closes, faisant remonter l'obscurité vers le plafond. Il cracha par terre par dégout.
D'ailleurs les soupirs de la femme toute noire d'ombre cessèrent soudainement, disparaissant d'un mur à l'autre, puis la pluie revint et devint plus dense avant de disparaitre comme elle était apparue grave, simple, matérielle et pourtant si morte. Des nuages blancs et vaporeux, vidés de toute forme de vie, gonflés cà et là de petits traits colorés et de minuscules fleurs chastes d'où s'échappait une sorte de sable léger, emplirent la pièce passant par-delà l'épaisseur des rideaux. Immobilisant ses jambes, il entendit blanchir la surface de ses murs qu'il avait eu tant de mal à obscurcir et les nuages blancs s'immobilisèrent avec lenteur. Il était sûr que le matin s'élevait du sol mais il ne semblait pas que la nuit tombât du ciel, de haut en bas.
Le matin pure s'établit lui même comme il avait disparu, au point qu'il eut du matin qu'un goût plus apaisée et plus suave, parfois brutalement acide, des nuages déchainés. La tiédeur était égale, absente, réductible. Il resta dans un silence qu'il garda peu de temps face à ce matin qui s'était installé dans sa chambre.
Si tout était vacame et épuisement dans les villes, tout, ici, au contraire, était silence et apaisement jusqu'à ce que du plafond lisse dont il vut l'immense surélèvement aérien, tomba une aile grise de soleil de la taille d'un bras entier. L'oiseau de feu apparut, couleur de flamme, assis sur deux pattes crochues, avec une insolente rapidité. Après lui d'autres arrivèrent, en désordre, agitant leurs ailes et leurs majestueux becs lisses. Emerveillé, il voulut en attraper un au hasard, de ses doigts effilés. Ils s'envolèrent comme happés par le ciel désert.
-Egoiste ciel, dit-il en s'asseyant.
Ses genoux trop relachés dissimulaient une vivacité minimum et une indifférence presque spirituelle. La froideur du sol avait fini par le meurtrir jusqu'à l'épuisement. Mais il finissait par s'y attacher.
Pour l'instant, il pointait du bout de ses doigts, les oiseaux disparus. L'extrémité de son ongle s'enfonçait dans les nuages. Au sommet du plafond se désintégrait les derniers vestiges des oiseaux. Les lignes pures dessinées par leurs ailes légères devenaient invisibles, lentement s'effaçaient à l'endroit même où la troupe bruyante avait disparu. Il s'était levé, s'arrachant à la glace du sol. Les nuages étaient si diffus, imperceptibles qu'il douta même de leurs existences. De l'eau ruisselait sur ses pieds mais il la confondait avec la glace. Il s'enfonçait doucement dans la contemplation, soupirant de soulagement, comme si ces nuages passagers se refermaient en lui. Enfin il balaya les nuages dont l'écume légère se dissipa aussitôt. Il reconnut aussitôt, au fond, la femme toute noire d'ombre.
Cette découverte l'ennuya beaucoup, tout en le laissant un peu indifférent, car il est fréquent de perdre au milieu des nuages celle que l'on fuit. Comment se trouvait-elle encore ici? Elle avait même laissé sur le sol froid et chaste un peu de terre...
Il se laissa tomber sur les genoux. Un oiseau, une lumière éclatante, finissait de s'éteindre dans les profondeurs du plafond. Pendant longtemps, il fuyait en tout sens, dans l'agitation du désespoir. Puis il disparut brutalement.
-Laissez-moi.Qu'ai je fait? dit-il implorant.
Elle l'évita pendant longtemps de son regard fiévreux.
-Déshabille-moi, dit-elle.
Il n'osait regarder l'étoffe de sa tenue. Il la lui enleva et les yeux toujours ailleurs, en constant mouvement, il s'éloigna rapidement.
Elle se tenait si loin qu'il ne discernait la vulve de sa chatte épillée, dont on sentait qu'elle
commençait à s'humidifier du bout de ses lèvres. La glace se durcissait entre eux.
-Pourquoi ne t'es-tu déshabillé? commença t-elle. Oh tu étais un homme beau et fort! Enfonce-toi au plus profond de moi!
-Laissez-moi tranquille, dit-il doucement.
-Viens jusqu'à moi. Remplace ce chaste matin par une nuit voluptueuse. Grimpe sur moi. Méfie-toi de moi, je suis toute mouillée...
-Tu partiras après?
-Je partirais mais si tu t'arrêtes, je te mangerai jusqu'aux derniers os.
Il retira d'elle son membre lessivé alors qu'elle continuait à mouiller. Alors il tendit vers elle sa main humidifié, et enfonça deux doigts dans sa chatte frémissante. Pendant un long intervalle, il sentit tout son corps tressaillir de jouissance, et elle fit à la fin un coit si brusque qu'elle se redressa en faisant un vacarme assourdissant.
-J'ai fait ce que tu désirais, pars.
Elle remit sa robe toute noire d'ombre. Puis ils se séparèrent sans un mot.
 /
Le soleil était encore bas quand il descendit dans la cave. C'était un gouffre de brume vaporeusement étale, au fond d'un marécage stagnant depuis des années, bien qu'on y rencontrait parfois de ci, de là, sous un vieux saule pleureur, de jeunes fleurs blanches
arrosées par les pleurs. Au bout, à proximité d'un petit tas de terre, un oiseau érudit attendait le bec lacé par une ficelle de laine. Il écrasa le petit tas de terre et défit la ficelle si lentement que l'oiseau écarta ses deux ailes et déploya ainsi son plumage étincelant. Il contempla l'éclat des plumes et lança indolement la ficelle de laine. L'oiseau cracha par terre.
-Je vous prie de m'excuser, dit l'oiseau poliment en désignant de l'extrémité de son aile le crachat par terre. Je pense que vous serez intrigué de savoir que fait un oiseau au plumage si étincelant, en pleine brume, dans un marécage stagnant. Êtes-vous malade monsieur?
Nulle réponse.
-Tandis que j'étais à survoler de vastes océans parsemés d'iles vierges, une de mes ailes par le soleil fut blessé. Mon muscle se paralysa et ainsi je plongea dans l'eau claire. Cent jours dans ses eaux m'ont à jamais dégouté de toute clarté. Maintenant tout ce que je recherche c'est la pénombre, l'obscurité. Et c'est pourquoi, monsieur, j'ai trouvé refuge dans cette cave.
-Mais votre ficelle de laine autour de votre bec?
-Pour moi l'obscurité va de paire avec le silence.
-Voulez-vous que je la rattache?
-Allez-y
Il laça la ficelle et salua d'une révérence profonde l'oiseau érudit devenu muet.
L'ombre noircissait ses plumes brillantes tandis que de ses ailes déployées, il le saluait. Enfin, il disparut dans les profondeurs silencieuses de l'obscurité.
Il s'éloignait absent. Le regard vide avec une sorte d'indifférence triste qui ressemblait à une incompréhensible lassitude. La brume, manteau de la pluie qui n'est plus, l'entourait de sa froideur matérielle. Il marcha d'un pas trainant jusqu'au coin le plus ombrageux, où il s'allongea, étendant sur ses jambes une pauvre couverture de laine percée.
-Monsieur, monsieur, dit une voix au-dessus de lui. Méfiez vous, elle est toujours ici. Elle se cache, elle rôde.
-Qui?
-La femme toute noire d'ombre.
-Mais vous qui êtes vous?
-Je suis poête et les saisons passent et les feuilles meurent et toujours ici je demeure.
-Dans la cave?
-Oui,oui toujours.
-Et elle aussi?
-Je ne sais pas, peutêtre ou peut être pas. La seule chose que je sais c'est le poême de sa naissance:
De haine,de rejet et de basse valeur
les feux malins s'étaient faits et les ténèbres
s'étaient vêtues d'une flamme douloureuse
qui brillaient âpre et vénéneuse
Tout était plein de la beauté du malheur
La mer déchainée et les vents furieux
quand elle naquit en ces lieux
au fond d'une vallée sans couleur
Elle prit son teint de plantes vertes moisissants
Ses cheveux de la boue, ses deux lèvres du sang
et de la Nuit ses yeux méchants
Les ténèbres d'obligation s'éreintant
levèrent en son coeur des principes blanchissants
ayant pour base le mensonge, la haine et l'amour des produits violents
-Elle est donc restée.
-Sans doute
-Il me faut donc remonter, quitter ce marécage car si, ici, je la rencontre, je finirais comme l'oiseau flamboyant dans l'ombre et le silence. Je vous laisse.
-Et moi je reste:
Rivière moribonde qui tes eaux se déchainent
enflent ainsi fleuves et étangs
et qui de loin coule tes eaux pleines de chaines
pour se déverser en l'immense océan
Il marcha le visage mouillé par la brume humide jusqu'à ce qu'il finit par trouver l'escalier. Il remonta soudain des profondeurs à la lumière. Il se retrouva au milieu du salon, dans la sécheresse quotidienne d'un après-midi d'été.
 /
De larges lunettes d'écaille couvraient artistiquemet ses yeux, ses cheveux étaient naturellement déployés et autour de son cou descendait un long collier de petites perles. Assi, au milieu de son salon, dans la chaleur écrasante d'un après midi d'été, il n'osait bouger. Par un effort suprême, il leva son bras, bien que la pesanteur de l'air lui était insupportable.Il resta ainsi plusieurs heures. Enfin il alla chercher un peu d'ombre auprès des plantes sauvages qui proliféraient dans les coins, à proximité des fenêtres.
L'idée de la vie, toute meurtrie par le déssèchement interne, ne pouvait sortir de son cerveau. Sur les murs se prolongeaient des floraisons aussi denses qu'originales. De ces fleurs sortait un ruisseau qui s'écoulait doucement en un bruissement léger. C'était près de ce mur qu'il venait se ressourcer car souvent on y rencontrait quelques femmes gracieuses.
Une jeune fille, dont les jambes évoquaient par leurs grâces et leurs beautés, une innocence perdue, sortit d'une des fleurs. Il lui offrit son manteau mais elle le déchira violemment faisant ainsi voler les plumes comme des ailes.Tout son corps enduit d'huile respirait une odeur cuivrée. Ramassant une plume tombée, elle se caressa et quand elle eût humidifié de sa liqueur sauvage sa chevelure pubienne, elle saisit avec grâce et précision son sexe allongé qu'elle suça doucement. Enfin quand sa bouche emplie sentit le goût de l'eau claire du matin, elle lécha consciencieusement les pourtours. Puis se glissant entre ses cuisses, il déposa son instrument luisant au fond de sa chatte profonde. Elle émit un cri. Elle se laissa prendre et en redemanda encore. Il se retira et , en se mettant sur les genoux, elle lui offrit son sombre trou.
Le crépuscule commençait à tomber et elle retourna, après avoir joui, se prélasser au mileu des fleurs sauvages.
 /
Il ouvrit la porte de sa chambre, quelques traces de plumes, le parfum des feuilles mortes, des habits sales et quelques objets fatigués gisaient. Le soir commençait à tomber, sombre et muet, et les murs se raidissaient étroits et gris. Maintenant un étang noir, lugubre s'étalait au milieu de sculptures sinistres. La femme toute noire d'ombre comme un fantôme fuligineux apparut au travers des eaux étales. Il se pencha, s'abima dans la contemplation morbide de l'apparition spectrale. Sa voix filtrait lentement avec une indécision tremblante des profondeurs de l'eau sombre:
"Je vis l'homme,que la mort attend
d'une agitation fiévreuse en vain tentant
de s'aventurer au delà des limites du Temps
Et peu à peu ses forces se ruinant
je le vis s'allonger et d'une chute rapide
descendre dans les affres des profondeurs humides
se désagrégeant sous terre en une inutile matière
Je vis son corps en poussière se réduire."
Ici ses yeux se fermèrent et se relevèrent fatigués. Il frissona dans les profondeurs entière de son être, comme un roseau au mileu du vide. Ne sentant plus le bout de ses mains tremblantes, il crut qu'il allait mourir.
 /
De longues minutes après, elle disparut du noir étang lugubre, laissant de petites traces blanchâtres à la surface étale. Les secondes se succédèrent longues, lourdes , pesantes, désespérantes. Il agonisait. Enfin il s'immobilisa comme pétrifié, les yeux fixes.
Un instant après, il eut la force de bouger. Il vivait encore. Une pluie fine tombait sur ses épaules voutées. La nuit finissait de se faire. Les arbres assombris prenaient à leurs cimes une teinte grisâtre. Son visage était pâle...
La détonation d'une balle le tira de sa rêverie. Il voulut voir ce qu'il se passait. La nuit étant venue, il dût traverser de lugubres forêts. Des nuages noirs s'allongeaient au-delà des cimes. Il marchait lentement. Une polonaise chassait.
En l'apercevant, il fut pris d'une si grande peur qu'il voulut rebrousser chemin. Du bout de son fusil, elle le pointa.
-Où allez vous?
-Je pars,je m'en vais. Je retourne dans ma chambre, près de l'étang.
-Ah! Monsieur est dans un sale état! Il a baisé ce matin la femme toute noire d'ombre et depuis il la voit partout. Il crève de peur! D'autant plus que monsieur est trompeur...
-Comment?
-Au milieu des fleurs, la jeune fille à la profonde chatte luisante.
Il s'avança. Elle posa son fusil et lui défit sa braguette d'une manière franche et rapide. Il se sentait triste et n'avait plus aucune envie de vivre, il se retenait pour ne pas pleurer.
Elle s'assit et la bite aux lèvres, elle suça avec plaisir. Puis elle se mit à astiquer d'une main agile avant que ne se derversâsse entre ses seins graciles un ruisseau d'argent légèrement coulant.
-C'est vrai,dit-elle, heureusement que je vous ai trouvé sur mon chemin. Mais ce n'est pas une raison pour ne pas vous chasser.
Ramassant son fusil, elle tira.
Il courut comme il put, sentit une balle sous son aisselle et finalement se cacha au fond d'une grotte sordide.
 /
Le long de la paroi, sur la pierre, coulait de lourdes larmes de sang, des bribes de nuages noirs voltigeaient et d'un petit bout de fer s'exhalait une lueur vacillante.
-La vie ne serait qu'anéantissement et renoncement? dit-il
-Ah que de pensée triste vous avez, dit une voix dans l'ombre.
-Je ne me vante pas d'être heureux.
Une odeur de térébenthine se diffusait dans la grotte.
-Est ce que j'ai peur?
-Vous avez l'air quelque peu...embarassé.
-La fatigue sans doute.
-Vous avez même l'air effrayé, terrifié comme si une nuit sombre s'abattait en vous.
Il s'affaissa sur ses genoux mais se redressa. La femme toute noire d'ombre se découpait
dans l'obscurité, éclairée par la lueur vacillante qui s'exhalait du petit bout de fer.
-Comment! Vous ici, dans la plus caché des grottes dans la plus secrète des forêts!
-Toujours je te suivrai. Toujours je te verrai. Regarde mon ombre nue, elle t'enlace déja.
-Je vous hais.
-Et moi, je te veux pour te manger jusqu'aux derniers os. Baise moi, sinon je te dévore.
-Jamais, jamais je ne vous toucherai.
De l'autre côté de la forêt, dans l'immense nuit, un chien sauvage hurla. Des oiseaux s'envolèrent. La nuit commençait à trembler.
 /
De la poussière d'or déposée sur son visage brillait et la nuit avait amassé en son ciel un grand troupeau d'étoiles vagabondes. Il était sorti de la grotte larmoyante mais, derrière lui, il sentit à nouveau le souffle glacial de la femme toute noire d'ombre.
-Laissez-moi, lâchez-moi, je ne viendrai pas. Je suis jeune encore.
-Que veux tu que j'y fasse?
-Mais suis-je obligé? Est-ce mon devoir? Moi, je ne veux pas.
-Alors que veux-tu?
Il ne sut tout de suite que répondre.
-C'est quelque chose d'épouvantable que ce monde ci. Mettez-vous à ma place. J'étais le garçon le plus vif de mon village. Et maintenant, aujourd'hui je n'arrive plus à bouger le bout de mon doigt. Il me reste que cette pourriture sur mon visage. De l'or, ils disent. Mais à quoi sert-elle? Qu'on me voit, comme une étoile moribonde, au milieu de mon éternelle nuit? Moi qui avait toujours eu pour dessin de passer ma vie au milieu des champs, aujourd'hui, au milieu de cette belle nuit étoilée, il faut que je me résigne le corps tremblant, accablé de fatigue. Et je revois le soleil qui régnait comme un roi absolu sur les mers des tiges heureuses, et je courrais en riant parmi les blés légèrement courbés par le vent mielleux et de mes dents encore blanche comme l'aurore fraichissante je mordais la terre suavement colore...Mon feu, ma vie, ma vigueur où êtes-vous passé? Ô cruelle femme, pourquoi me prendre moi?
-Et voila justement ce qu'il dise tous.
-Qu'importe, je ne veux point. Je m'enfuirai.
-Enfuis-toi au milieu de cette nuit profonde mais sache que tôt ou tard je te dévorerai et que de toi, il ne restera rien.
 /
-Toi qui pus, en de telles ténèbres, élever un flambeau d'une telle clarté, pourquoi m'as tu abandonné?
Tels étaient les paroles qu'il murmurait assis au pied d'un grand arbre nu. Le ciel étoilé était maintenant voilé par d'épais nuages noirs. Un profond silence coulait des claires étoiles cachées.
-Nous autres, nous dévorons tout, et cette poussière d'or qu'on a déposé sur mon visage je la sens devenir sable. La matière se décompose, rien ne dure, tout meurt. Il y a en moi une peur, une peur incurable qui me brûle de l'intérieur, la peur de l'anéantissement, l'horreur de l'effondrement.
De ses pieds, il tapa dans une motte de terre. Des insectes minuscules, grouillants partirent en tout sens. Il tapa à nouveau avec force. La terre noire gicla et les insectes se dispersèrent. Puis encore des flots visqueux sortirent de la terre immobile. Plein de rage, il se jeta dessus et plongea sa main dans l'obscurité froide. Des larves ruisselaient le long de son bras, à son grand étonnement, il rencontra quelque chose de très froid dans les profondeurs de la terre noire. Un frisson traversa l'extrémité de son doigt allant même jusqu'à faire trembler la masse fatiguée, presque indifférente de son intériorité. Ses doigts se refermèrent sur la chose glaciale. C'était une main froide, gelée. La main d'un cadavre. Il se redressa comme s'il avait été brûlé par le contact du corps en putréfaction. Il resta immobile, les yeux fixes. Des hautes cîmes des arbres maintenant s'abattaient un silence effrayant.
A nouveau il frissona, pris d'une fatigue glaciale, comme si, au travers de cette main, il voyait des mondes entiers de misère et de désespoir, avec la terre froide et les insectes grouillants. Il se baissa et lentement, comme si chaque poignée de terre qu'il enlevait déchirait en lui quelque chose de précieux, de fragile, de rare, il creusa autour de la main d'une rigidité cadavérique. Il découvrit le bras qui était blanc comme la plus blanche des neiges, il découvrit l'épaule qui était fragile comme la plus pure des glaces et découvrit le cou qui était délicat comme le plus transparent des cristaux, puis il découvrit le visage, la bouche ouverte d'où s'écoulaient des larves et de la terre, les yeux révulsés mais sans expression, sans lumière, éteint, juste mort...Il reconnut le visage de la Polonaise. Sa bouche était déformée. Il enleva la terre de son torse, ses seins étaient lacérés et sa chatte dévorée.
Un vent lointain, comme venu du Nord, souffla. Il crut entendre le son glacial d'une cloche. Il ne sentait rien, juste quelque chose de très froid qui se refermait en lui comme
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