Activités argumentatives et élaboration de connaissances nouvelles : le dialogue comme espace d exploration - article ; n°1 ; vol.112, pg 67-87
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Langue française - Année 1996 - Volume 112 - Numéro 1 - Pages 67-87
Elisabeth NONNON, Activités argumentative» et élaboration de connaissances nouvelles : le dialogue comme espace d'exploration It is restrictive to introduce the arguing activity as a set of rhetorical techniques meant to convince others of a pre-established proposition in such a way that the speakers come up against one another. Whether it concerns theoretical discussions or ordinary dialogues, this activity often has the exploratory and constructive dimension of a joint investigation. A conjoined logico-discursive action on the topics of speech and on the points of view is therefore fundamental. According to this outlook, a discussion in a school environment, in a position of shared action aimed at building knowledge is analysed by pointing the indicators which enable to determine this dynamics : the referential shifts in the meaning of terms, the changes of semiotics modes and relevance levels, the modalisations, the emergence of a problematical dimension to speech.
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 43
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Elisabeth Nonnon
Activités argumentatives et élaboration de connaissances
nouvelles : le dialogue comme espace d'exploration
In: Langue française. N°112, 1996. pp. 67-87.
Abstract
Elisabeth Nonnon, Activités argumentative et élaboration de connaissances nouvelles : le dialogue comme espace d'exploration
It is restrictive to introduce the arguing activity as a set of rhetorical techniques meant to convince others of a pre-established
proposition in such a way that the speakers come up against one another. Whether it concerns theoretical discussions or ordinary
dialogues, this activity often has the exploratory and constructive dimension of a joint investigation. A conjoined logico-discursive
action on the topics of speech and on the points of view is therefore fundamental. According to this outlook, a discussion in a
school environment, in a position of shared action aimed at building knowledge is analysed by pointing the indicators which
enable to determine this dynamics : the referential shifts in the meaning of terms, the changes of semiotics modes and relevance
levels, the modalisations, the emergence of a problematical dimension to speech.
Citer ce document / Cite this document :
Nonnon Elisabeth. Activités argumentatives et élaboration de connaissances nouvelles : le dialogue comme espace
d'exploration. In: Langue française. N°112, 1996. pp. 67-87.
doi : 10.3406/lfr.1996.5361
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1996_num_112_1_5361Elisabeth NOJNJNOJN
IUFM de Lille,
URA CNRS 1031 Paris V
Théodile Lille III
ACTIVITES ARGUMENTATIVES ET
ÉLABORATION DE CONNAISSANCES NOUVELLES
LE DIALOGUE COMME ESPACE D'EXPLORATION
1. L'activité argumentative n'est pas seulement une habileté persuasive
La conception de l'argumentation qui prévaut dans l'opinion la présente comme
art de la persuasion centré sur l'interlocuteur. Cette approche, de type rhétorique,
recouvre bien sûr plusieurs définitions possibles de l'activité argumentative, selon
qu'on se réfère plutôt à une rhétorique restreinte, centrée sur l'inventaire et la
classification des codes et figures obligées de ce type de discours, ou qu'on prenne le
terme au sens plus large, « dans son acception ancienne de théorie des discours sociaux
liés à la manipulation, à la propagande, comme aux savoirs communs ou à l'action
argumentée... touchant à la parole en tant que vectrice d'action symbolique » *. Mais
l'idée commune est qu'il s'agit, en argumentant, de chercher à persuader autrui d'une
opinion déjà tranchée, toute construite, comme le suggère l'expression « défendre son
point de vue » . La référence prototypique semble d'ailleurs être l'éloquence polémique,
puisque le contexte d'opposition de thèses est présenté comme constitutif de ce type
d'activité discursive : d'où son identification fréquente avec le système antagoniste
pour/contre, avantages/ inconvénients, thèse proposée/ thèse refusée, qui fournit la
matrice de la plupart des situations argumentatives à l'école.
Dans cette perspective, il paraît aller de soi que des interlocuteurs qui argumentent
s'attachent à un même objet de discours, considéré comme a priori constitué, stable et
commun, même s'ils sont à son égard dans des positions opposées et symétriques. Ils
déploient à son propos une gamme d'arguments et de techniques pour conforter cette
position préalable et affaiblir celle d'autrui, avec la visée d'amener l'autre à « se ranger
à ces arguments », en adoptant la position acquise qu'on lui présente comme meilleure.
Que l'un des interlocuteurs change d'avis apparaît alors comme une contradiction,
voire comme une défaite, non comme un indice de la fécondité de l'argumentation ; la
concession est vue plutôt comme habileté, technique pour garder la position haute tout
en s'aventurant sur le terrain d'autrui, non comme l'accès à une façon de voir
différente, intégrant des point de vue complémentaires et ouvrant au jeu des modalisa-
1. Plantin C. (1990) : Essais sur l'argumentation. Introduction linguistique à l'étude de la
parole argumentative. Ed. Kimé, p. 10.
67 L'accent est mis sur les procédures de réfutation et le maniement des contre- tions.
arguments plus que sur les effets produits par les réfutations sur les conceptions et les
notions développées, alors qu'une contradiction est souvent le moteur déclenchant une
série d'opérations logico-discursives pour la surmonter, par divers remaniements et
réorganisations de ce dont on parle (redéfinitions des notions, modalisation 2). Le fait
que l'objet de discours se soit modifié en cours de discussion, donc qu'on ne parle plus
exactement de la même chose ou qu'on en parle autrement, apparaît plutôt comme un
parasite ou un échec. Cette représentation de l'argumentation comme obligation de
disposer d'une réponse déterminée face à un problème, de se tenir à un avis et de le
défendre constitue certainement un obstacle épistémologique pour d'autres activités
argumentative s, la dissertation philosophique par exemple, qui relèvent plus de l'ex
amen d'un problème, où l'on cherche à instruire une question, à établir un parcours
autour d'une notion 3 en adoptant tour à tour, de façon contrôlée, différents points de
vue.
Si l'activité argumentative est dite dialogique, c'est alors dans la perspective
rhétorique, en ce qu'elle est centrée sur l'effet à produire sur l'interlocuteur, dont la
présence en creux polarise les stratégies discursives et dont on anticipe, concède, réfute
les arguments. Elle l'est aussi au sens d'une polyphonie, au sens où elle fait entendre les
voix dont elle se démarque et qu'elle met en scène. Mais cette dimension dialogique ne
rend pas compte de l'interaction, au sens d'une activité commune et productive, où les
positions de chacun se modifieraient et s'enrichiraient, en intégrant des démarches et
des apports d'autrui. En ce sens, on peut dire qu'il ne s'agit pas d'une approche
réellement dialogique de l'activité argumentative, et qu'elle est plus adaptée à des
usages monologaux de l'argumentation, plaidoiries ou textes argumentatifs écrits,
qu'aux discours argumentatifs partagés dans le dialogue.
Or il existe de multiples situations, ordinaires ou philosophiques, où l'argumentat
ion n'est pas défense rhétorique d'un point de vue déjà complètement construit, mais
plutôt exploration d'un champ mal connu ou partiellement connu, pour construire,
affiner ou fonder un jugement, se faire une idée de comment penser les choses, trouver
sa position à leur égard. Dans la plupart des interactions orales, cette construction se
fait à plusieurs, et l'activité argumentative consiste en un tâtonnement en commun où on
s'essaie dans diverses positions, en inventoriant les aspects d'un problème, les situa
tions diverses auxquelles peut renvoyer une même notion, les points de vue différents
pour l'aborder. Cette histoire de l'interaction peut amener à reconsidérer des visions
trop stéréotypées, à construire des connaissances sur ce dont on parle, à découvrir des
points de vue qui n'étaient pas a priori disponibles pour les interlocuteurs. L'argument
ation a donc, dans beaucoup de situations quotidiennes comme dans les situations
savantes, une dimension heuristique et constructive. Cette dimension a été mise en
lumière par les philosophes qui ont fait du dialogue et de l'argumentation raisonnable le
2. Grize J.B., Piéraut Le Bonniec G. (1983) : La contradiction : essai sur les opérations de
la pensée. PUF.
3. Le terme parcours renvoie à Culioli, cf.Culioli A. (1990) : Pour une linguistique de
l'énonciation : opérations et représentations. Tome 1, Ophrys.
68 lieu d'accession à l'intelligibilité, à la réciprocité des perspectives, à la connaissance,
comme Habermas ou Jacques. À travers les activités argumentatives, on peut donc,
comme le dit Habermas, « observer, pour ainsi dire, le langage au travail, c'est-à-dire
tel qu'il est utilisé par les participants accéder à la compréhension commune d'une
chose, ou pour atteindre une même manière de voir » 4. Cette approche

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