Aristophane et les femmes d Athènes: réalité, fiction, théâtre - article ; n°1 ; vol.6, pg 119-130
13 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Aristophane et les femmes d'Athènes: réalité, fiction, théâtre - article ; n°1 ; vol.6, pg 119-130

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
13 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Mètis. Anthropologie des mondes grecs anciens - Année 1991 - Volume 6 - Numéro 1 - Pages 119-130
Aristophane et les Femmes d'Athènes: Réalité, Fiction, Théâtre (pp. 119-130)
Réflexions de méthode sur un sujet qui a été beaucoup traité durant ces vingt dernières années, à la lumière des études sur la femme et les femmes grecques. Des abus du textualisme et de ceux du réalisme, dont, somme toute, il convient encore plus de se méfier. Nullement représentantes des classes moyennes comme on l'a trop souvent dit, les femmes d'Athènes sont une fiction ou une construction , marquée par une profonde ambivalence (trois exemples: les femmes très chaudes , les femmes sur le toit, les femmes et la guerre). De la nécessité, enfin, d'éviter les lectures psychologisantes pour traiter les femmes d'Athènes dans leur dimension théâtrale.
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 72
Langue Français

Extrait

Nicole Loraux
Aristophane et les femmes d'Athènes: réalité, fiction, théâtre
In: Mètis. Anthropologie des mondes grecs anciens. Volume 6, n°1-2, 1991. pp. 119-130.
Résumé
Aristophane et les Femmes d'Athènes: Réalité, Fiction, Théâtre (pp. 119-130)
Réflexions de méthode sur un sujet qui a été beaucoup traité durant ces vingt dernières années, à la lumière des études sur la
femme et les femmes grecques. Des abus du textualisme et de ceux du réalisme, dont, somme toute, il convient encore plus de
se méfier. Nullement représentantes des classes moyennes comme on l'a trop souvent dit, les "femmes d'Athènes" sont une
fiction ou une construction , marquée par une profonde ambivalence (trois exemples: les "femmes très chaudes" , les femmes sur
le toit, les femmes et la guerre). De la nécessité, enfin, d'éviter les lectures psychologisantes pour traiter les "femmes d'Athènes"
dans leur dimension théâtrale.
Citer ce document / Cite this document :
Loraux Nicole. Aristophane et les femmes d'Athènes: réalité, fiction, théâtre. In: Mètis. Anthropologie des mondes grecs
anciens. Volume 6, n°1-2, 1991. pp. 119-130.
doi : 10.3406/metis.1991.965
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/metis_1105-2201_1991_num_6_1_965ARISTOPHANE ET LES FEMMES D'ATHÈNES:
RÉALITÉ, FICTION, THÉÂTRE
(Note préliminaire)*
Invitant naguère à se garder, sur un pareil sujet, de "l'illusion sociologi
que" comme de "l'illusion textuelle", Pierre Vidal-Naquet dénonçait la
double tentation de "confondre le "peuple d'Aristophane" avec ce démos
qui se réunissait sur la Pnyx" et de "refuser au discours comique toute
valeur de témoignage sur la société de la fin du Vème siècle"1. S'agissant
non du peuple, mais des femmes d'Athènes, si interdites de parole, encore
moins faut-il se croire tenu de choisir entre l'hypothèse "réaliste" et celle
d'une métaphorisation générale des femmes dans le théâtre comique2, car
le risque serait à coup sûr d'y perdre toute voie d'accès vers le rire athé
nien. Or c'est bien ce qui arrive lorsqu'on referme trop étroitement le texte
sur lui-même. Ainsi, à s'attacher exclusivement aux "noms parlants" des
femmes dans Lysistrata, telle étude, fort convaincante par l'analyse détail-
* Je développe ici pour elles-mêmes quelques réflexions de méthode qui devaient
constituer la première partie de ma contribution aux Entretiens Aristophane de la Fon
dation Hardt (18-23 août 1991). Renonçant finalement à intégrer à ce texte des pages qui
l'eussent indûment allongé, je les publie pour ce qu'elles sont: l'examen, préliminaire à
une étude d'ensemble sur "Aristophane et les femmes d'Athènes", des problèmes que
l'on rencontre à aborder un tel sujet, après que tant de publications, si diverses et, entre
elles, si dissonantes, lui ont été consacrées dans les vingt dernières années.
1. P. Vidal-Naquet, "Aristophane et la double illusion comique", Préface à Aristo
phane, /es femmes et la cité, Cahiers de Fontenay, 17, 1979, pp. 5-6.
2. Dans un article qui a fait date pour les chercheurs d'outre- Atlantique ("The Female
Intruder: Women in Fifth Century Drama", CJassicai Philology, 70, 1975, pp. 255-266),
M. Shaw insistait d'entrée de jeu sur la nécessité de ne pas choisir entre ces lignes d'anal
yse. 120 NICOLE LORAUX
lée à laquelle elle soumet les noms des vieilles femmes du chœur, s'avère
décevante en ce qui concerne le nom des protagonistes: refuser d'envisa
ger toute référence complice d'Aristophane à la contemporanéité la plus
immédiate de ses spectateurs, où une Lysimakhè est prêtresse d'Athéna
Polias cependant que la mère du roi Agis II, dont les troupes tiennent pour
l'heure Décélie, se nomme Lampito3, c'est réduire drastiquement la comp
lexité du rire aristophanesque. Comme si tout clin d'oeil au présent -
geste pourtant ô combien constitutif du comique - devait par définition
exclure la pratique grecque très partagée de la spéculation sur les noms
propres. Mieux vaut rendre justice à l'art aristophanesque du mixte, qui
admet et sans doute exige la coexistence de noms symboliques avec des
noms historiques, voire avec des appellations très codées, comme celle de
Lusi-stratè dont la signification dissimule et tout à la fois signale la réfé
rence à Lysimakhè.
Sans doute, pour ma part, aurais-je tendance à me méfier avant tout des
abus du réalisme: je ne crois pas qu'il soit raisonnable d'escompter trouver
tel quel, dans la comédie aristophanesque, le point de vue des femmes sur
la sexualité, la séduction et l'homme idéal4 et j'hésiterais à affirmer, sans
autre forme de procès, que les héroïnes du théâtre comique appartiennent
aux "classes moyennes" ou que les cas flagrants d'infidélité féminine évo
qués dans les Thesmophories ou L 'Assemblée des femmes sont des "faits
divers", "ne [présentant] presque aucune exagération fantaisiste"; enfin,
s'il est bien connu que, chez Aristophane, les épouses athéniennes versent
dans l'ivrognerie, il n'est pas sûr qu'il faille fonder en réalité une telle ren
gaine en recourant à des analyses scientifiques sur l'espérance de vie fémi
nine en Grèce ancienne5, alors que, dans ce topos comique6, on peut sans
3. M. P. Funaioli, "Nomi parlant! nella Lysistrata", Muséum Criticum, 19-20, 1985,
pp. 113-120, notamment 114-115.
4. Comme le voudrait R. Cameranesi, "L'attrazione sessuale nella commedia attica
antica", Quaderni urbinati di Cultura c/assica, 26, 1987, pp. 37-47, notamment pp. 37-38
et 45. Je ne sais pas, inversement, d'où E. Keuls (The Reign ofthe Phallus. Sexual Poli-
tics in Ancient Athens, New York, 1985, p. 114) tire la conviction que "l'éducation des
femmes citoyennes leur apprenait à considérer le sexe comme un devoir pénible". Pas
d'Aristophane, en tout cas.
5. Ce point, comme les deux précédents, figure dans l'étude d'E. Lévy, "La femme
chez Aristophane", Ktèma, 1, 1976, pp. 99-112; ivrognerie: p. 100 (avec référence aux
travaux de M. Grmek); classes moyennes: p. 103; faits divers; pp. 101-102.
6. Outre les références habituelles à Lysistrata, aux Thesmophories et à L'Assemblée
des femmes, sans oublier Ploutos, 645, 737 et 972, on évoquera par exemple le fragment
143 Kock de Phérécrate (dans sa Turannis). ARISTOPHANE ET LES FEMMES D'ATHÈNES: RÉALITÉ, FICTION, THÉÂTRE 121
difficulté deviner quelque chose comme un tribut payé à la variante
joyeuse du dionysisme.
Mais, ces réserves une fois formulées, il serait vain de nier que la coméd
ie intègre en sa trame bien des éléments de la vie "réelle", puisque c'est
précisément la présence de ceux-ci, juxtaposés et comme mêlés à de pures
fictions, qui provoquait le rire sur les gradins du théâtre. On n'évoquera
pas ici, de l'ombrelle de la canéphore aux services cultuels des jeunes filles
en passant par la hiérarchie des parfums aphrodisiaques, tout ce que l'hi
storien de l'Antiquité trouve à glaner sur les pratiques sociales et intimes
des épouses de citoyens. Il suffira de souligner, après beaucoup d'autres,
ce que, des premières pièces jusqu'à Lysistrata, la comédie aristophanes-
que suggère de la très réelle valorisation du mariage dans le vécu athénien
- sinon, comme le voudraient certains7, de son fonctionnement effectif.
Avec cette réserve toutefois qu'en l'occurrence le vécu est celui de
V homme athénien (ou celui dont un genre théâtral destiné à un public masc
ulin crédite les femmes). Réserve inévitable, récurrente dès lors que, par
"mariage" , on entend moins l'institution que les pratiques sexuelles qui s'y
rattachent et l'appréciation de ces pratiques: en la matière, nous pouvons
généralement tabler sur l'authenticité du point de vue de l'homme tel que
les textes le formulent, mais nous ne sommes jamais assurés d'avoir accè

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents