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Description

La scolarisation des enfants et des jeunes en situations de handicaps moteurs :
Rapport au savoir et mobiles d'apprendre

BOURDON Patrice
1Docteur en Sciences de l’Education
Equipe ESCOL Université de Paris 8


Résumé : A travers une série de "portraits" qui pourraient paraître singuliers, nous observons, plus généralement, que les enfants
et jeunes "handicapés", (se) construisent une vie qui s'articule autour du "handicap" et que celui-ci introduit des rapports
spécifiques aux objets de savoirs et aux savoirs eux-mêmes. Toutefois, lorsqu'ils sont scolarisés, ils sont confrontés, comme les
autres aux logiques et pratiques de l'institution scolaire sans pour autant être comme les autres.
La spécificité de cette recherche réside dans la compréhension des processus en oeuvre lors de cette scolarisation, d'un point de
vue plus subjectif pour l'élève sans pour autant rester dans une singularité.
J’expose ce que j’ai repéré comme étant des mobiles d'apprendre et des rapports au savoir.


Mots clés : Rapport au savoir, mobiles d’apprendre, intégration, scolarisation inclusive, handicap


ème Ludovic est en 3 , bien qu'il marche, certes difficilement, il choisit d'aller au collège en
fauteuil. Virginie, lycéenne, se déplace continuellement en fauteuil depuis l'âge de 3 ans, a de
nombreuses rééducations dans la semaine, pourtant elle ne parle jamais de ses incapacités
motrices. Judith, élève de CLIS 4, depuis son accident cérébral, ne peut plus aller à ...

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La scolarisation des enfants et des jeunes en situations de handicaps moteurs : Rapport au savoir et mobiles d'apprendre BOURDON Patrice 1 Docteur en Sciences de l’Education Equipe ESCOL Université de Paris 8 Résumé : A travers une série de "portraits" qui pourraient paraître singuliers, nous observons, plus généralement, que les enfants et jeunes "handicapés", (se) construisent une vie qui s'articule autour du "handicap" et que celui-ci introduit des rapports spécifiques aux objets de savoirs et aux savoirs eux-mêmes. Toutefois, lorsqu'ils sont scolarisés, ils sont confrontés, comme les autres aux logiques et pratiques de l'institution scolaire sans pour autant être comme les autres. La spécificité de cette recherche réside dans la compréhension des processus en oeuvre lors de cette scolarisation, d'un point de vue plus subjectif pour l'élève sans pour autant rester dans une singularité. J’expose ce que j’ai repéré comme étant des mobiles d'apprendre et des rapports au savoir. Mots clés : Rapport au savoir, mobiles d’apprendre, intégration, scolarisation inclusive, handicap ème  Ludovic est en 3 , bien qu'il marche, certes difficilement, il choisit d'aller au collège en fauteuil. Virginie, lycéenne, se déplace continuellement en fauteuil depuis l'âge de 3 ans, a de nombreuses rééducations dans la semaine, pourtant elle ne parle jamais de ses incapacités motrices. Judith, élève de CLIS 4, depuis son accident cérébral, ne peut plus aller à l'école comme les autres, c'est en "copiant" ses pairs, leurs attitudes, qu'elle apprend et se sent "élève comme les autres". Les choses ont changé pour Yves depuis qu'il remarche et est autonome dans ses déplacements. Pourtant il n'identifie pas ce changement comme fondamental pour lui... Autant de portraits qui pourraient paraître singuliers. Pourtant, nous observons plus généralement que les enfants et jeunes en situations de handicaps moteurs, (se) construisent une vie qui s'articule autour du "handicap" et que celui-ci introduit des rapports spécifiques aux objets de savoirs et aux savoirs eux-mêmes. Toutefois lorsqu'ils sont scolarisés, ils sont confrontés, comme les autresélèvesaux logiques et pratiques de l'institution scolaire sans pour autant être comme les autres. Leur parcours est fait d'embûches, de ruptures, de continuité, d'entrée brutale dans une maladie ou une déficience.  Il s'agit alors pour nous de percevoir plus finement les processus en œuvre lors de cette scolarisation et notamment d'un point de vue plus subjectif pour l'élève sans pour autant rester dans une singularité. La question centrale est la suivante : "Comment l'enfant et l'adolescent porteurs d'une déficience motrice, en situations de handicaps, se construisent-ilsavec etdansl'Ecole ? " L’analyse des situations rencontrées et exposées à travers cette série de « portraits » illustre que la fréquentation scolaire (l’intégration) ne peut se réduire à l’adaptation des procédures, des conditions d’accueil ou à une compensation des incapacités. Certes ces compensations par des moyens humains (AVS) ou matériels (ordinateurs, rampes d’accès …) facilitent l’accès à l’école, pour autant nous observons que ce n’est pas suffisant pour comprendre les difficultés d’insertion ou les brusques chutes d’effectif lors du passage du premier au second degré, ou à l’université. En effet être scolarisé comme les autres, avec les autres lorsque l’on est en situation de handicaps, introduit ce que j’ai appelé « la confrontation à l’école » avec tout ce que cela comporte en termes
1 BOURDON Patrice (2003) -La scolarisation des enfants et des jeunes en situations de handicaps moteurs :Rapport au savoir et mobiles d’apprendre, Thèse de doctorat en sciences de l’éducation, Université Paris 8,  sous la direction d’Elisabeth Bautier
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de socialisation spécifique, d’appropriation des savoirs, de violences symboliques, d’enjeux pour soi et la société, de transformation dans le fait d’apprendre … 2 Dans mes précédents travaux de recherche , j’ai mis au jour des processus qui chez les enseignants montraient que ceux qui se situent dans « l’intégration scolaire » (au lieu de la « scolarisation »), visent en premier lieu la socialisation alors que ceux qui se centrent sur des projets de scolarisation construisent en même temps la socialisation et l’acquisition de savoirs. Ce qui, lorsque les élèves sont scolarisés dans le second degré, est important puisque c’est bien au regard des résultats scolaires qu’ils peuvent envisager une poursuite ordinaire de la scolarité. S’attacher à comprendre les processus de scolarisation des élèves en situations de handicaps (mobilisation, démobilisation, échecs et réussites) permet de mieux se saisir des enjeux d’un tel projet pour les enfants et adolescents, leur famille, l’institution … Il me paraît alors nécessaire : -d’interroger la question du développement de l’enfant en situationsde handicaps, -d’étudier la question de l’expérience scolaire en terme de spécificités éventuelles La notion « d’activités » en référence à celle de « milieux » La notion de milieux développée par Wallon est intéressante car telle que l’a exposé cet auteur, c’est en même temps l’espace où s’effectuent les activitésetl’ensemble des situations que le sujet 3 rencontre et transforme avec les autres (Wallon, 1954) . C’est-à-dire que le sujet est alors confronté à l’altérité car l’Autre est à la fois semblable et différent. C’est d’ailleurs dans un rapport dialectique que le sujet identifié pourra s’identifier lui-même puis s’identifier à autrui pour ainsi se différencier. La société actuelle est fortement influencée par l’image et l’esthétisme. Le jeune déficient moteur s’inscrit dans cette société en sachant qu’il est confronté à ses propres incapacités et au mal être que cela peut introduire, et pour autant lorsqu’il est scolarisé comme et avec les autres non handicapés, c’est avec le costume du handicap qu’il va à la rencontre de ses pairs, des médecins, des rééducateurs, des enseignants…C’est-à-dire, comme l'a souligné Wallon, en tant qu’être biologique et social, tout en étant une seule et même personne. L’élaboration de soi-sujet, au carrefour des milieux, est peut-être plus que pour d’autres sujets non handicapés, un processus fondamental qui lui permet de se construire une identité en fonction de son histoire personnelle et dans l’histoire plus globale de l’Homme et de la société (historicités sociale et scolaire). C’est alors dans la rencontre de l’autre et à travers (dans) des activités, ici notamment d’apprentissage, que le sujet porteur de handicaps moteurs, va acquérir des connaissances et se construire en tant que personne. Les processus identificatoires 4 J’ai sollicité cette notion en m’appuyant sur les travaux de Piera Aulagnier , qui définit l’identification comme un processus central par lequel le sujet se constitue, se transforme en assimilant et s’appropriant, en des moments clés de son évolution, des aspects, des attributs ou des traits des êtres humains qui l’entourent. Lorsque j’ai identifié des mobiles d’apprendre dans l’élaboration de soi, j’ai alors pu mesurer combien il y avait spécificité pour cette population
2 voirBOURDON Patrice (1999). " Élèves handicapés à l'école : de l'intégration scolaire à la scolarisation",La nouvelle revue de l'AIS, N° 8, CNEFEI-Suresnes, pp175-1 3 WALLON Henri (1954), « Les milieux, les groupes et la psychogénèse de l’enfant » inCahier international de ème sociologie,tome XVI pp 2-13, réédité inEnfanceédition, 1985, pp89-104, 7 4 ème AULAGNIERPiera ( 1975),La violence de l'interprétation,Ed. 1991Paris, PUF, 2  AULAGNIERPiera (1986),Un interprète en quête de sens, Paris, Petite bibliothèque Payot, ème  2 Ed. 1991,
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étudiée, dans la mesure où certain métier, par exemple, où certaines manières d’être aux autres permettent de se construire avec et/ou malgré le handicap ; j’y reviendrai. J’ai également trouvé sous la plume de Wallon, cette relation du « socius »,comme partenaire perpétuel du Moi dans la vie psychique. Vygotski parle, quant à lui,d’une genèse sociale du psychisme et de la pensée. C’est en effet dans des mouvements d’appropriation de l’extérieur vers l’intérieur que le procès identificatoire s’opère par transformation, appropriation pour soi, des attributs de l’Autre. Concernant Vygotski, à nouveau, le concept dezone proximale de développement,en écho à celui del’interaction de tutelle, développée par Bruner, permettent de penser autrement la scolarisation des élèves en situations de handicaps moteurs puisque, nous le savons, se déplacer, écrire, copier les leçons, porter le cartable, prendre l’ascenseur, manger … sont souvent des activités qui requièrent la présence d’un Autre, tuteur sur lequel le jeune en situation de handicaps peut s’appuyer pour réaliser certaines activités qu’il ne pourrait faire seul. Ou, plus encore, un expert sur lequel, il s’appuie pour exister au monde de l’Ecole. Ces activités sont autant d’occasions de rencontre d’autrui et c’est à travers elles notamment que le sujet se développe, s’élabore, dans la relation à l’autre à travers des activités qu’il peut ou non réaliser seul. Aborder autrement la question de la scolarisation des élèves en situations de handicaps Je pense qu’aborder la question de l’insertion à l’école sous cet angle permet de comprendre les processus de scolarisation autrement que sous celui de l’adaptation des procédures et des pratiques. Il s’agit alors de comprendre comment les enfants et les adolescents en situations de handicaps, ici moteurs, se construisent avec et dans l’école d’un point de vue plus subjectif que ce qui a été fait jusqu’à présent. Par ailleurs, et de façon complémentaire, il me semble intéressant d’introduire la question du sens de la fréquentation scolaire, comme nous l’avons fait pour 5 l’ensemble des travaux de l’équipe de recherche ESCOL , c’est-à-dire autrement que sous l’aspect défectologique (des handicaps entraînent des compensations). La lecture en négatif, en creux, amène souvent les acteurs de « l’intégration » à penser qu’il faut compenser tel ou tel type de handicap pour que l’élève puisse apprendre comme les autres. Sans pour autant se soucier du sens que cela prend pour lui, en tant que sujet, dans un processus plus conséquent de transformation, de construction et élaboration de soi à travers les savoirs et donc par une plus grande maîtrise du monde. Ces questionnements et cette approche nouvelle pour comprendre les processus dit « d’intégration scolaire » donnent naissance à trois grandes questions, auxquelles j’apporterai des pistes de réponses ci-après : -Que permet ou introduit la confrontation à l’école pour ces jeunes ? -Y a t il une spécificité dans l’inscription et la fréquentation scolaire ? -En quoi la construction temporelle est-elle spécifique ? La question de la construction des perspectives temporelles est apparue au fil de l’analyse des données de recherche car je me suis aperçu que d’une part le moment de l’entrée dans la « déficience » était important (innée, acquise, à quel moment : enfance, adolescence …) et que d’autre part, le problème de lacontinuité de soiétait récurent car l’Ecole permet d’apprendre et donc de se transformer, de devenir autre, mais aussi parce que les effets de l’évolution des pathologies introduisent un questionnement fondamental et existentiel sur soi. J’ai ainsi pu identifier desrupturesdes et continuitésles phases d’élaboration de soi directement liées dans aux situations de handicaps. 5 Education - scolarisation, université de Paris 8
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Rapports au savoir et mobiles d’apprendre A - Réflexivité et adhérence dans les situations d’apprentissage chez les élèves de CLIS 4 Il y a des élèves qui présentent tous les attributs de « bons » élèves (activités réflexives en autre, activités cognitives riches et variées, compréhension du monde, décentralisation cognitive, etc.) pourtant lorsqu’ils sont en situations scolaires, ils se trouvent en échec. J’ai pu identifier qu’ils avaient des difficultés à s’approprier ce qui est appris dans le cadre scolaire pour le rendre efficient dans celui-ci mais aussi à faire des liens entre ce qu’ils apprenaient dans le cadre extrascolaire et les apprentissages effectués à l’école. Il est possible que les postures de l’apprendre liées à la rééducation souvent très individualisée (kinésithérapie, ergothérapie …) entrent en confrontation avec les pratiques collectives de la classe. C’est-à-dire que ces élèves ne s’approprieraient pas pour eux les savoirs qui sont dispensés dans le cadre du groupe classe. La relationduellepermet des interactions qui sont difficilement accessibles dans le cadre du collectif. Dans les entretiens , j’ai pu relever des formes génériques vides lorsqu’ils parlent des apprentissages scolaires alors que les contenus sont précis pour les activités de rééducations. Ir(interviewer): Qu’est-ce que tu apprends à l’école ? Ié(interviewé) : J’apprends surtout à lire et à écrire .. et plein d’autres choses aussi … Ié: Je fais de la kiné deux fois par semaine .. et puis aussi de l'ergo .. et puis aussi je travaille .. comme j'ai un peu de problèmes, des difficultés à manier ma main gauche, je vais avec un éducateur faire du mécano pour faire travailler ma main ...Ié : Je fais du poney, ça consiste pour moi à bien me tenir droit, rester droit, pas prendre peur, ils nous apprennent à bien maîtriser le poney ... on doit savoir se contrôler.. hier j'ai eu un problème, il fallait que je compte sur moi-même ... Ce qui prime en terme d’apprentissage, ce sont la marche, le mouvement, la mobilité … en un mot : la rééducation. Ainsi les formes langagières utilisées lors de ces séances sontexplicativeset le modèle est individualisé. Le principe de l’apprentissage est alors de « récupérer » le plus possible de fonctions motrices, ce qui représente untravailpourfaire mieux.A l’école, le fait de travailler, en situation, relève d’un apprentissage où le sujet doit s’approprier des savoirs sans pour autant être stimulé individuellement par celui qui transmet ce savoir. Il s’agit plutôt d’un investissement personnel où l’élève doit implicitement construire des repères pour apprendre. Il peut y avoir une certaine confusion des objets à apprendre dans la forme scolaire alors que l’acte rééducatif est explicitement construit, y compris dans les effets attendus par telle ou telle pratique. Par ailleurs, le temps scolaire est balisé par les moments de rééducation, «»les rendez-vous inscrit dans l’emploi du temps de l’élève au même titre que les disciplines scolaires. Le handicap et la rééducation sont au centre des préoccupations de tous (élève, enseignant …). Il y a alors centration sur les situations de handicaps et non sur les savoirs, comme c’est généralement le cas
6 J’ai réalisé des entretiens semi-directifs et conservé ceux qui me semblaient plus significatifs pour l’objet. Plusieurs critères ont présidé mes choix. Dans un premier temps, j’ai retenu une variation autour du type de déficiences (acquise, innée, évolutive ou non) de façon à obtenir un équilibre entre ces catégories car je pensais que cela aurait un effet important sur les mobiles d'apprendre et dans les processus d'élaboration de soi.Dans ces recueils de données, il s'agissait pour moi, non seulement d’obtenir des données de recherche mais surtout de permettre à chacun des jeunes rencontrés de se placer en situation d'interroger lui-même ses expériences, et de produire un discours non pas déjà constitué mais qu'il construit en parlant ou en écrivant. Ces faits langagiers peuvent être ainsi identifiés à des parcours, référents et/ou narratifs, ne pouvant se réduire ni à une simple réponse technique à des question, ni à une communication comme une autre.Les entretiens sont recopiés intégralementet les corpus analysés dans leur totalité.
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F.BOULE Commentaire:«La relation duelle» ? F.BOULE Commentaire:Précisions utiles : comment se sont passés les entretiens ? Comment les distingue-t-on di-dessous des bilans de savoir ? Sont-ils anon més ?
à l’école. Apprendre peut alors se limiter à « faire mieux » ou « bien » dans le temps restant pour cela. B – Faire comme les autres … pour être intégré : rapport contextualisé au savoir Pour cette catégorie d’élèves, ce qui est important c’est d’aller à l’écoleavec les autres et comme les autres. La façon dont ils s’inscrivent à l’Ecole consiste donc à essayer d’être élèves comme les autres en adoptant toutes les postures pour exercer au mieux son métier d’élève. Il s’agit alors d’être socialisé et de travailler comme leurs pairs valides. Ce fonctionnement en « copier/coller », amène ces élèves à observer finement le comportement des pairs, la façon dont ils travaillent, comment ils se comportent avec les enseignants de l’école et essayer de reproduire ces comportements afin d’une part d’être identifiés comme élèves ordinaires et d’autre part de passer inaperçu, et non élèves handicapés. C’est parce qu’ils fontcomme les autres qu’ils disent ou pensent apprendre et qu’ils se sentent intégrés à la population scolaire. Nous retrouvons cette posture chez les élèves qui s’inscrivent dans l’exécution des tâches scolaires, plutôt que dans des activités d’appropriation et d’élaboration de savoirs. Ce n’est d’ailleurs pas très éloigné du profil des élèves les plus en difficultés, identifiés dans les travaux 7 d’ESCOL . Ici, ce qui est caractéristique, c’est que ce type de rapport à l’école leur permet de se constituermembresde l’institution scolaire et donc d’être intégrés. Lorsqu’ils décrivent ce qu’ils font à l’école, les contenus langagiers sont contextualisés et les différents moments scolaires sont décrits par le corps : Ecrire, c’est re-écrire - il faut copier pareil que … - à la récréation ça sonne, on se met par deux, ère on descend, on joue, après on remonte - pour lire, je prends d’abord la 1 page et après la ème 2 … L’autre effet que je souhaite mettre en évidence, est lié aux pratiques institutionnelles pour ces élèves. Voici un cours extrait d’entretien d’un élève de CLIS 4 qui m’indiquait sa classe :moi, je suis dans la classe du haut et des fois dans celle du bout du couloir …En effet, l’emploi du temps de ces élèves est découpé, balisé par des temps spécifiques de rééducation, d’intégration dans différentes classes, eux-mêmes référencés à des contenus d’apprentissage et des lieux. Ainsi le CE1, c’est la lecture, le CE2 les maths, la salle du bout l’ergothérapie et la kiné, etc. Chaque espace/temps est découpé et chaque type d’apprentissage est lié à une personne. Les objets de savoirs sont alors contextualisés et les apprentissages morcelés, ce qui demande un travail considérable à ces élèves pour rassembler le tout dans une même unité de sens : SOI. C – Le métier comme mobile d’apprendre et compensations du handicap Ce type de rapport se trouve plus particulièrement chez des élèves en difficulté sur le plan scolaire, ce qui a également été identifié dans les travaux d’ESCOL. Ici la particularité par rapport à la population de recherche, c’est dans le type de métier choisi. En effet, les professions envisagées sont celles de biologiste, médecin, parachutiste, paléontologue, pilote automobile …c’est-à-dire des métiers qui sont soit exceptionnels, soit difficilement accessibles pour eux compte tenu de leur pathologie. Ce sont probablement des professions qui permettent de « réparer » les incapacités des autres et qui permettent de comprendre les leurs. Dans ce registre, il y a absence de liens entre études scolaires et profession choisie, ou alors, choix de certaines disciplines scolaires éloignées de celles à investir pour apprendre ce métier. Le choix professionnel est investi comme un mobile unique d’apprendre à l’école en vue d’une meilleure 7  CHARLOT Bernard, BAUTIER Elisabeth, ROCHEX Jean Yves (1992).Ecole et savoir dans les banlieues...et ailleurs,Paris, A.Colin
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insertion dans la société. Par ailleurs, exprimer un choix de profession exceptionnelle est aussi une façon de montrer par le langage de quoi l’on est capable malgré le handicap. C’est une façon d’être reconnu et inséré socialement. Ainsi devons-nous faire une différence entre la mobilisation sur une profession spécifique, parfois liée à la déficience, et le fait d'aller à l'école ou au collège, pour acquérir des connaissances qui en temps utile pourront être réinvesties au profit d'une formation professionnelle et d'une insertion dans la société, le monde du travail. Dans le premier cas l'écart parfois important entre compétences acquises et requises pour être admis dans telle ou telle filière de formation, peut avoir des effets démobilisateurs quant à l'orientation qui leur est proposée finalement (Lycée professionnel + CAP alors que le jeune visait à devenir médecin). Dans le second cas, l'acquisition de connaissances dans un but non ciblé en premier lieu dans le choix d'un métier, permet de trouver un équilibre entre compétences acquises et possibilités d'orientation. Ce qui est souvent moins violent sur le plan symbolique et plus en adéquation avec ce que chacun connaît intimement de soi.
D – Soi et le monde au centre des mobiles 8 Parmi lesbilans de savoirnous observons des productions écrites que nous recueillis, identifions comme une construction de médiations entre soi et le monde. C'est-à-dire que l'exercice donne l'occasion de produire un discours et une mise à distance des apprentissages dans une réflexion sur la société, l'humanité. Nous remarquons que, par ailleurs, ces jeunes produisent des textes plus longs que leurs pairs précédemment étudiés, qu'un raisonnement plus élaboré et diversifié avec des causalités multiples, apparaît en filigrane et que les domaines convoqués pour répondre aux questions sont variés sans attribution d'une causalité directe. Les mobiles d'apprendre sont divers et trouvent leur source dans la compréhension du monde :Apprendre des choses c'est important, car notre évolution et notre vie sont basées sur la ère connaissance et le savoir [...] (Thibault / 1 S / IMC) Appréhender la connaissance dans un processus d'évolution de l'Homme est une ouverture qui donne une couleur particulière aux savoirs proposés à l'école. En effet aucun des jeunes que nous citons dans cette catégorie de réponses, ne met en avant sa déficience ni ne fait allusion à sa situation de handicaps. Il s'agit pour eux de se placer à distance et d'introduire une médiation entre eux et les savoirs dans un processus débouchant sur une plus grande compréhension du monde. Apparaît alors une série de disciplines, de savoirs, d'activités, une décentration cognitive et une pluralité des mobiles servant de support à la scolarisation. Les différents processus et champ d'apprentissages sont ainsi répertoriés comme ayant chacun une utilité, une fonction pour être Homme, pour évoluer et appartenir à l'espèce humaine. Ainsi l'introduction des différentes catégories de savoirs positionne le jeune en acteur de la vie, capable probablement de mettre à distance et de mobiliser ses connaissances, ou d'en investir de nouvelles, selon ses besoins. Voici la suite du bilan de Thibault, caractéristique de ce processus : [...] On nous envoie à l'école pour acquérir un certain savoir indispensable à notre évolution dans la vie et indispensable pour se construire une situation sociale. Il y a différentes choses à apprendre, d'abord tout ce qui concerne le scolaire et les études, comme les mathématiques, le français, l'anglais etc., indispensable pour travailler étant adulte.
8 Les bilans de savoir sont reproduits tels qu’écrits par les élèves, ce qui expliquent certaines fautes d’orthographe. L'intérêt de cet outil méthodologique est de laisser le libre choix de la réponse et de la forme écrite. C'est-à-dire que le sujet, que l'on invite à écrire, à faire le bilan d'une partie de sa vie sur le plan du savoir, est amené à penser puis faire des "choix" qu'il hiérarchise. Il résulte de cette activité une part personnelle et consciente mais aussi une production qui échappe au conscient et au réfléchi. C'est l'élaboration de soi, ou tout simplement la retranscription de projets pré construits par et dans le social, la famille, à l'école ...etc., ou bien encore, ce que le sujet veut montrer et qu'il suppose que l'on attend de lui.
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Ensuite tout ce qui concerne la vie courante, on peut apprendre à être sociable, à faire la cuisine, à dessiner, faire des jeux ; tout cela est important pour nous rendre une vie beaucoup plus agréable. Il y a enfin les choses à apprendre qui nous sont innées comme marcher, parler, nager qui font partie de la nature. Tout d'abord, les projets qui donnent lieu à mobilisation sont finalisés par un discours du"pour" qui montre une projection temporalisée des apprentissages alors repérés comme une continuité, une évolution. L'identification et la compréhension des différentes catégories de savoirs permettent un rapport distancié au monde et place l'élève dans une ouverture, une posture d'accueil des savoirs parce qu'il se les approprie. C'est cette disposition au changement qui est alors mobile d'apprentissage. Si nous observons plus précisément les catégories d'apprendre au fil de ce type de bilan, nous nous apercevons qu'elles relèvent de différents domaines complémentaires. Certaines disciplines enseignées à l'école, trouvent leur utilité dans la vie, sans toutefois qu'elles soient d'une utilité marchande, (parler d'autres langues, connaître notre planète et son histoire,l'état des autres pays et continents ...), il en est de même pour les savoirs de base(lire, écrire, compter), mais aussi pour des domaines plus culturels(lire pour se distraire, des richesses à découvrir dans les livres), ou enfin pour des savoirs plus orientés vers une activité sociale(comprendre les gens de son village, écrire pour communiquer). C'est cette transposition des savoirs scolaires dans la vie quotidienne et son utilité pour vivre avec et comme les autres que je pense moteur de l'apprentissage mais c'est aussi ce qui va contre la conception des savoirs scolaires. J’ai signalé, précédemment, que la déficience ou le handicap n'apparaissait pas dans les propos de cette catégorie d'élèves. Peut-être pouvons-nous mettre en relation cette "volonté" de mettre la pathologie à l'écart, à distance alors qu'elle est avérée, avec cette centration sur l'inscription dans l'espèce humaine. Par nature, alors, cette posture anthropologique inscrit ces jeunes dans la société et la question de l'intégration ne se pose pas. Pourtant cette non énonciation ou évocation de la déficience peut mettre au jour un processus tout aussi complexe de construction d'une situation sociale par l'apprentissage. En effet, les mobiles d'apprendre s'inscrivent directement dans le fait d'exister en tant que personne sociale et non seulement en "handicapée". Ainsi les propos de cette jeune élève de seconde éclairent mon interprétation : Il est toujours important d'apprendre des choses, elles nous servent quelques fois pour la vie quotidienne […] et puis vis à vis des autres, le fait d'avoir peu de connaissances peut entraîner nde une gène […] on se sent alors rejeté ... (Virginie / 2 / paraplégique ) La capacité de production d'un discours général sur le monde demande l'adoption, par le jeune, d'une décentration cognitive qui lui permet de parler du monde en mettant différents éléments en relation.Il manifeste ainsi sa compréhension en terme de positions intellectuelles et sociales, et non pas seulement de valeurs ou de raisonnements pré-construits.C'est cette posture compréhensive du monde qui le mobilise à la fois pour apprendre et être reconnu socialement.E - Les situations de handicaps au centre des mobiles A contrario, certains élèves trouvent leurs mobiles d'apprendre essentiellement dans un rapport identitaire au handicap.Cette centration fait apparaître que tout apprentissage est en lien direct et énoncé avec la déficience. Ainsi le jeune se positionne en tant que personne handicapée et développe ensuite un discours conséquent qui trouve appui sur sa pathologie.Ce positionnement peut être une ouverture ou au contraire sclérosant. Certains s'inscrivent alors dans des postures de compensation par le savoir et exploitent toutes les pistes possibles d'apprentissage. La rééducation, la kinésithérapie, les consultations médicales, sont autant de sources d'apprendre.
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Dans le même temps, ces jeunes, qui présentent un déficit sur le plan moteur, acquièrent un certain nombre de valeurs morales souvent répertoriées comme source de travail et de progrès : Je fais de la kinésithérapie depuis l'âge de 2 ans (j'ai 12 ans) et cela m'a donné de la volonté parce qu'il faut que je travail dur pour pouvoir progresser et atteindre mon but c'est-à-dire devenir le plus possible "normale" (j'ai appris à me battre pour obtenir quelque chose). J'ai appris qu'il vallait mieux avoir des buts précis dans la vie pour pouvoir réussir, par ième exemple, à l'école, je me motive en pensant à mon avenir. ( Yasmine / 5 / IMC ) Il est probable que la déficience innée, ou du plus jeune âge, fait rencontrer des situations de souffrance. Le travail et la volonté deviennent alors des valeurs personnelles pour progresser et arriver à atteindre ses buts. Les mobiles d'apprendre trouvent ainsi leur source dans la lutte contre la maladie, pour la réussite et la compensation des incapacités pénalisantes dans la vie. C'est bien en terme de compensation que l'élève s'inscrit alors dans le savoir et progresse. Être comme les autres par le travail devient un objet moteur du mérite. Pourtant, les situations de handicaps sont dans d'autres cas source de blocage. Ainsi une déficience acquise durant l'enfance ou au début de l'adolescence, nécessite un ré-apprentissage de certaines fonctions vitales ou déjà acquises précédemment. Ré-apprendre à marcher en rééducation peut entraîner des postures similaires sur le plan scolaire ou un déplacement des objets de savoirs, déjà acquis, qu'il est nécessaire de reprendre. Ce qui est primordial à 12 ou 13 ans, c'est bien évidemment de réapprendre à marcher plutôt que de poursuivre des investissements sur le plan de l'école. Si l'école est identifiée commeune aide,...courir sert à vivre tous les jours. Alors l'école devient un lieu où l'on apprend toutes sortes de choses, le discours tautologique s'effectue au détriment d'une identification des différents contenus enseignés.S'inscrire de façon identitaire dans le handicap construit des mobiles dans la nature même des processus de construction de l'identité. Ainsi,il faut apprendre à vivre avec sa maladie, dit un ième jeune de 3 ,de toute façon, on n'a pas le choix.alors que les mobiles d'apprendre sont C'est multiples et viennent à nouveau compenser les difficultés quotidiennes ou donner une dynamique d'ouverture pour "vivre avec" et s'adapter. Certains développent des capacités expertes dans quelques domaines, d'autres développent un discours prescriptif : Il faut aussi avoir une (ou des ) passions pour faire le vide[…] Il faut aussi avoir un but dans la vie, de l'espoir pour progresser[…] Il faut croire en quelque chose ... afin de se ressourcer ... ième (Ludovic / 3 / polyarthrite) Pour autant, ce sont bien les situations de handicaps qui sont centrales et autour desquelles s'articulent les apprentissages, que ce soit dans les savoirs scolaires, médico - rééducatifs, sociaux ... et c'est autour de ce point de gravité qu'il représente pour le jeune, que la mobilisation prend naissance. F - Les valeurs : une spécificité du jeune en situations de handicaps ? Cette catégorie liée aux valeurs est la plus représentée parmi les bilans de savoir. C'est-à-dire que les apprentissages conséquents des valeurs de respects, d'écoute, d'acceptation del'autre sont assez récurrents pour que nous nous posions la question de leur origine. S'inscrire dans ces processus d'apprentissage et revendiquer un certain nombre de points nécessaires à la vie en société est une forme de prise de position en tant qu'acteur. La prise de conscience de se manifester en tant que sujet montre une évolution et un passage de l'enfance à l'adolescence. Pour certains, alors, le discours est militant et revendicatif et il s'agit ici d'une appropriation du monde social. Plusieurs cas de figures de cette catégorie peuvent être identifiés dans ces bilans :
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L'autrerencontré au moment de l'adolescence permet à la fois une identification et une distinction pour devenir Soi. La revendication du respect del'autre en situations de handicaps est une revendication de la reconnaissance et du respect de Soi également dans ce statut : Ça m'énerve que les gens se moque des personnes handicapées car j'ai vu une personne renversée et personne ne s'est arrêté pour l'aider donc je suis allé l'aider ... (Alexandre / ième 4 /fracture grave) Il y a des personnes qui se moquent des personnes handicapées et moi ça m'énerve ils y a des gens qui souffre et on s'en moquent je souhaiterai qu'il y a des gens qui souffre aussi mais je ne le ème souhaite pas car ça fait mal. Cette éducation, il y a des gens qui l'on pas. ( Gérald / 4 /greffe atlas ) Il est important d'apprendre de choses, déjà pour soi-même ... Apprendre a connaître les gens, ne pas rejetter toutes les personnes qui viennent à toi pour se faire des amis. Apprendre à aider les nde gens lorsqu'ils sont en difficultés. Apprendre à s'aider mutuellement. ( Bruno / 2 /hémiplégie ) Je pense que la prise de conscience del'autredu respect, de l'entraide ... participe des et processus de connaissance de soi. Ces exemples montrent que le discours surl'apprendres'éloigne de celui centré sur les objets scolaires. Ces jeunes sont, peut-être, dans une dynamique de prise de conscience des différences sociales et ce n'est pas seulement à l'école qu'ils vivent ces situations mais aussi dans la cité, dans la rue.Ce qu'ils rencontrent en situation scolaire, s'oriente plus vers la communauté et l'amitié, qui est aussi une forme de rencontre del'autre. Au moment où l'adolescent vit en bande, s'accorde dans la ressemblance, recherche le groupe pour se confondre et ensuite se distinguer, il revendique l'amitié comme valeur fondamentale du respect.Ainsi l'aide, le partage, l'entraide sont autant de valeurs qui permettent aux jeunes, en situations de handicaps ou non, l'affirmation et la recherche de soi dans des activités sociales. Ce que je trouve de plus important dans ce que j'ai appris depuis ma naissance, c'est l'amitié ... / ... L'entraide, s'aider les uns les autres. Quand un ami a des problèmes, nous en tant qu'ami nde devons l'aider ... Sans amitié, la vie serait triste. (Yvan / 2 /gigantisme cérébral ) Si on n'apprend pas l'amitié on se sent mal dans sa peau on aurait pas d'amis, on ne se ème respecterai pas soi-même (Gérald / 4 ) Parfois, l'amitié, cette valeur rencontrée à l'école mais aussi dans la vie, a un aspect plus spécifique et à nouveau identitaire. Elle renforce l'idée précédemment développée de la rencontre del'autrepour une connaissance de soi : L'école met en relation les gens mais elles ne sont pas toujours sympa. Elles manquent de ème politesses. Les centres comme Bois Larris mètent bien les gens en relation. ( Alexandre / 4 ) C'est à nouveau probablement dans un rapport identitaire au savoir, que se construisentl'entraide et la solidarité. En effet, les valeurs énoncées se construisent ici dans les situations difficiles(lors des opérations par exemple ou des moments de souffrance,quand il faut se déplacer en fauteuil ...)ainsi, il n'est pas surprenant que ces jeunes revendiquent ces valeurs en terme d'apprentissage. Ils ont probablement été confrontés, dans leur vie, à des situations où l'entraide et la solidarité prenaient un sens véritable.
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G - Perspectives temporelles et continuité de soi comme mobiles d'apprendre Nous savons que l'établissement de perspectives temporelles se construit essentiellement grâce à la conscience du présent et de la permanence de l'objet car elle est la condition de la permanence de soi. Nous pouvons donc envisager, dans ces bilans, des éléments qui nous permettent de distinguer deux rapports au temps qui sont mobiles d'apprendre. Le premier concerne plus particulièrement la temporalité ancestrale. C'est-à-dire la participation pour le sujet au prolongement de l'espèce et plus spécifiquement de "sa branche" familiale. Se penser enfant de.. et parents de.. permet de se projeter dans des savoirs à acquérir pour les transmettre, permet aussi de mettre à distance des savoirs acquis pour les analyser, les comprendre, les valoriser ou au nde contraire les relativiser. Même si le bilan de Bruno ( 2 ), ci-dessous, prend la forme d'une liste excluant peut-être des liens entre les différents savoirs rencontrés, nous observons à travers ces propos comment le temps est ici un facteur mobilisateur de l'apprentissage : Il est important d'apprendre des choses, déjà pour soi-même. Pour avoir certaines connaissances dans la vie. Pour pouvoir l'apprendre à nos enfants plus tard se que nous aurons connus. C'est important pour avoir plus tard de l'expérience de vie, pour trouver un emploi ...Dans le second type de rapport, il s'agit plutôt d'une temporalité permettant au sujet de se penser dans des instances temporelles passées, présentes et futures, dans une continuité, une évolution qui sont sources de changements et d'apprentissages. Il ne s'agit pourtant pas d'identifier cette progression du temps uniquement comme un fait naturel qui échapperait au sujet, mais bien comme un processus évolutif qui permet alors de se penser dans une histoire familiale, sociale, culturelle, intellectuelle. Depuis notre naissance, nous apprenons des choses non seulement celles qui nous sont naturelles, comme marcher, parler et celles qui sont essentielles. L'apprentissage des choses se poursuivra jusqu'à la fin de notre vie car tout au long de celle-ci, nous apprenons des choses ale même minimes soient-elles.(Bianca / T /Polyarthrite)Le prolongement de soi dans le temps est incertain selon la pathologie dont le jeune est atteint. C'est se penser dans une profession, un métier, dans un présent futur qui est mobilisateur pour un travail présent à l'école notamment lors de l'orientation à l'issue du collège. L’analyse de la construction des perspectives temporelles chez les enfants et les adolescents déficients moteurs pourrait faire l’objet d’article entier, voire d’une thèse. Aussi, j’indique ici quelques éléments qui sont, je crois, mobiles à des investissementsciblés dans les apprentissagesspécifiques, « choisis ». ConclusionDans les propos ci avant, j’ai mis au jour d'une part des rapports au savoir et à l'école des élèves de CLIS 4 et d'autre part des mobiles d'apprendre pour des jeunes collégiens et lycéens en situations de handicaps moteurs. Il s'agissait ici de mettre en lumière des processus qui s'illustrent à travers la présentation de figures, postures d'élèves dans la rencontre avec le(s) savoir(s), notamment à l'école. Avec les enfants de CLIS 4, j’ai pu mettre en évidence différents rapports au savoir. Cela ne veut pas dire que tous les élèves entrent dans cette catégorisation qui pourrait paraître réductrice mais que les processus mis au jour permettent de rendre compte d'un certain nombre de conduites d'élèves. Il y a tout d'abord cette position centrale du handicap que nous retrouvons de façon récurrente dans les profils d'élèves. Parfois cette centration est un point d'appui pour se (être) mobiliser(é) à l'école, parfois au contraire les situations de handicaps sont sclérosantes et détournentles élèves des objets habituels de l'école car ils se centrent sur des objectifs précis (au niveau des procédures, de la socialisation, de l'appréhension des formes scolaires, de la relation aux autres (maître ou pairs). Cette centration les éloigne de l'apprentissage scolaire en tant que tel
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F.BOULE Commentaire: ue veut-on dire ?
et de l'acquisition de savoirs pour continuer à être élèves. Ainsi le handicap est central et les apprentissages sont relégués dans un deuxième temps, apprendre n'est pas une priorité, marcher, se rééduquer, se mouvoir ... en est une et les élèves l'apprennent aussi à l'école (rappelons qu'assez souvent les rééducations individuelles effectuées par les services de soins à domicile se font à l'école durant le temps scolaire, notamment en CLIS 4). Etre élève à l'école ordinaire, c'est aussi parfois vouloir être élève comme les autres d'un point de vue social, c'est-à-dire dans une démarche d'observation-imitation puis reproduction, pour être conforme à ce qu'ils supposent que l'institution attend d'eux en particulier, et de tous les élèves en général. C'est un rapport à l'école et au savoir où lessujetsen situations de handicaps construisent leur métier d’élève par imitation des élèves ordinaires. Ils « copient » ce que font les autres pour être repérés comme « élèves », par identification à un modèleet non par appropriation de savoirs. Certes de nombreux élèves non handicapés fonctionnent ainsi, notamment les plus en difficulté, mais ici, ce processus se produit également chez des élèves qui étaient soit en réussite avant leur entrée dans le handicap, soit potentiellement de "bons" élèves. Enfin, nous savons que parfois, le changement de classe, pour ces élèves, s'effectue en référence à l'âge, c'est-à-dire que le passage d'une classe à une autre est lié à (aux) l'année(s) passée(s) dans une classe donnée au regard de l'âge de l'élève et non à l'acquisition de compétences qui valide le "passage". Ces élèves peuvent alors se centrer sur l'acquisition de postures sociales qui leur permettent d'être en règle avec l'exigence du système en terme de socialisation pour changer de classe et non pas au niveau des acquisitions de connaissances. Ce sont les contenus d'apprentissage repérés utiles pour cela qui prennent sens pour l'élève, ce qui induit un type spécifique de rapport au savoir. Concernant plus particulièrement les mobiles d'apprendre, j’ai vu à travers les bilans de savoir réalisés auprès de collégiens et lycéens, que différents pôles de mobilisation peuvent être révélés. Il y a tout d'abord ceux liés à la préparation d'un métier. J’ai observé que le handicap est à nouveau central, c'est-à-dire qu'il y a parfois une absence de relation entre études et métier ; étudier permet de devenir un homme exceptionnel, ne pas apprendre relègue le jeune vers une profession peu gratifiante et difficile à ses yeux.En plus du handicap, qui rend la vie bien difficile et le choix d'un métier restreint, ne pas apprendre, même dans des domaines choisis, relève d'une démobilisation pour eux. Ils identifient alors quelques disciples scolaires à maîtriser pour accéder à une profession. Ce processus de mobilisation sur quelques domaines a alors pour conséquences d'écarter les apprentissages jugés inutiles ou non opérationnels. Ils opèrent alors un choix et travaillent "uniquement" dans ce choix qui peut être stratégique et efficace pour poursuivre leur scolarité et s'inscrire dans des filières en vue de s'orienter vers un métier. Par ailleurs, j’ai noté des liens directs dans le choix du métier en relation avec le handicap ; devenir médecin, biologiste, chirurgien permet probablement de "réparer" les incapacités des autres et de comprendre sa propre pathologie, son histoire. Avoir un "bon" métier est aussi comme pour d'autres personnes non handicapées, une façon d'envisager la réussite et l'insertion dans la société. C'est pourtant quelquefois le seul mobile d'apprendre à l'école, ce qui peut nuire à l'appréhension des savoirs en général. Ainsi se mobiliser en référence à un métier, permet d'être comme les autres mais aussi différent notamment à travers les choix qui s'opèrent. J’ai observé également que certains élèves se mobilisent en référence au monde qui les entoure.Il y a alors distanciation et décontextualisation du savoir et non centration sur les situations de handicaps pour apprendre. C'est à travers l'inscription dans l'espèce humaine que ces jeunes se mobilisent et entrent dans les apprentissages dans un rapport au monde distancié ce qui place ces élèves dans une ouverture vis-à-vis des savoirs dispensés à l'école. C'est cette posture de compréhension du monde qui les mobilise à la fois pour apprendre et être reconnus socialement. D'autres, parfois, se centrent sur leur déficience et sont mobilisés uniquement dans ce champ.Il s'agit d'un rapport identitaire au handicap qui favorise l'émergence d'un certain nombre de compensations qui permettent une ouverture, c'est-à-dire que les situations de handicaps sont
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