Savoir-vivre à Moscou, Pékin et Varsovie  ; n°2 ; vol.27, pg 227-250
25 pages
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Description

Cahiers du monde russe et soviétique - Année 1986 - Volume 27 - Numéro 2 - Pages 227-250
24 pages

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 76
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Thomas Lahusen
Savoir-vivre à Moscou, Pékin et Varsovie
In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 27 N°2. pp. 227-250.
Citer ce document / Cite this document :
Lahusen Thomas. Savoir-vivre à Moscou, Pékin et Varsovie. In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 27 N°2. pp. 227-
250.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cmr_0008-0160_1986_num_27_2_2080ET COMPTES RENDUS NOTES
THOMAS LAHU SEN
SAVOIR-VIVRE A MOSCOU, PÉKIN ET VARSOVIE
Contribution à une sociologie de Г « homme nouveau »
Qu'est-ce qu'un manuel de savoir-vivre ?
Les manuels de savoir-vivre sont à la sociologie ce que les
grammaires sont à la linguistique. Les uns et les autres enseignent
une norme. Les préceptes du "comment se tenir à table" ou du "com
ment saluer ou prendre congé" ne nous renseignent pas plus sur la
"vie effective", la "réalité" que les règles du participe passé ou
de certains emplois du subjonctif ne nous sur le "vrai"
français. Et pourtant, leur non-observance peut révéler la présence
de l ' "étranger" dans l'un et l'autre cas. Gardiennes de la légiti
mité - que cette dernière s'appelle tradition, droit divin ou ordre
naturel - ces grammaires de la langue et du quotidien sont aussi
là pour être contestées, transformées, voire abolies par les étran
gers de l'intérieur au nom d'une "lutte des classes" par exemple.
C'est aussi la raison pour laquelle les révolutions sociales sont
souvent allées de pair avec les bouleversements de la langue et des
règles de conduite. Qu'on se souvienne du "citoyen" de la Révolu
tion française dont l'instauration universelle et obligatoire
signifiait l'effacement des hiérarchies dans l'appellation d'autrui.
D'autres utopies ont, depuis lors, mieux réussi : l'autre, inconnu
ou distant, celui que nous désignons par Monsieur ou Madame, par
exemple, est devenu à proprement parler indésignable en Russie et
en Chine postrévolutionnaires. Le mot de camarade, ou autres va
riantes y est exclusivement réservé à l'usage intérieur, dans tous
les sens de ce terme. Gospodin et gospola ont émigré en 1917 ; les
expressions traditionnelles chinoises xiansheng et taitai désignent
depuis 1949 un "Monsieur" et une "Dame" toujours "bourgeois", voire
"puants", ou, ce qui revient en fin de compte au mime, des étran
gers. Ailleurs encore, l'usage a résisté à son abolition par les
édificateurs de l '"homme nouveau" et cette résistance est curieuse
ment symbolique d'une réalité : la Pologne "populaire" a gardé
jusqu'à aujourd'hui les pan et pani seigneuriaux de l'ancienne
République nobiliaire, alors que le camarade est resté confiné de
plus en plus dans le ghetto de son parti.
Les manuels de savoir-vivre sont-ils réservés aux seuls sys
tèmes conservateurs ? S'il est vrai que les traités de la "bonne
éducation" ont pu être remplacés à certaines époques par Les
Cahiers du Monde russe et soviétique, XXVII (2), avr.-juin 1986, pp. 227-250. THOMAS LAHUSEN 228
"grammaires politiques" ou autres "citations", ils ont pourtant
repris leur place - les tirages et les rééditions en font foi -
dans les pays d'où ils semblaient être bannis.
Echec de l'utopie ? Retour ou révision de l'histoire ? Nouvel
le morale et nouvelle politesse ?
L'enquête figurant ci-dessous tente de répondre â ces ques
tions. Mais précisons tout de suite qu'elle ne prétend aucunement
être exhaustive et qu'elle n'entend vérifier aucune théorie scien
tifique particulière. Elle propose un simple voyage à travers trois
manuels de savoir-vivre venant de Chine, d'URSS et de Pologne,
trois pays qui font parler d'eux, qui sont "à la mode" pour des
raisons très différentes, et que l'on peut considérer comme exem
plaires à plus d'un égard. M'ont servi pour m' aider à dégager
l'essentiel et la spécificité de chacun de ces ouvrages trois ques
tions fondamentales : à qui, de qui et de quoi y parle-t-on ? On
s'interrogera, en d'autres termes, sur les destinataires de l'ou
vrage, les modèles à suivre (et à ne pas suivre) qui y sont pres
crits ainsi que les domaines qui s'y trouvent abordés. On n'oublie
ra pas, cela va de soi, de considérer ces mêmes questions sous leur
forme négative : à qui, de qui et de quoi n'y parle-t-on pas ?
C'est poser le problème de l'exclusion ou de son inverse, la légi
timité.
Как sebja vesti (Comment se comporter) d'Iina Aasamaa est une
traduction russe d'un ouvrage estonien. On s'est servi ici de la
sixième édition de ce livre, tiré à 150.000 exemplaires (Tallin,
Valgus, 1979, 191 p.). L'origine linguistique, non russe, de cet
ouvrage - sa traduction n'a donné lieu qu'à quelques modifications
indispensables, selon les éditeurs - rend ce dernier d'autant plus
intéressant : il est destiné, sans autres précisions, à "un large
cercle de lecteurs". On est donc en droit de le considérer comme
le témoignage d'un savoir-vivre à l'échelle soviétique.
Lors de la composition de ce livre, lisons-nous dans la pré
face de l'éditeur, l'auteur a utilisé la littérature concernée des
pays socialistes, mais aussi, en tenant compte de la morale commu
niste, la littérature estonienne antérieure ainsi que celle des
pays capitalistes. Iina Aasamaa s'est également fondée sur son
expérience personnelle acquise lors de ses conférences portant sur
les problèmes de la culture du comportement. Как sebja vesti expose
les règles principales du "comportement cultivé" mais fixe égale
ment son attention sur les défauts du comportement "qui sévissent
encore dans notre vie".
Le premier chapitre ("Culture du et personnalité")
est un chapitre programme. S'y trouvent exposés les principes de
la morale communiste, ce qui distingue ces derniers des
en vigueur dans la société de classe (la morale des exploiteurs),
les objectifs de la socialiste tels qu'ils ont été formulés
par le parti communiste de l'Union Soviétique (en 1967), la défini
tion des bonnes manières, leur raison d'être, leur nécessité et
leur spécificité "à l'aube d'une ère nouvelle", quelques exemples
de traits positifs et négatifs du caractère, le principe de l'édu
cation de soi et des autres, le rôle de la littérature et de l'es- DE SAVOIR-VIVRE 229 MANUELS
thétique dans la formation de l'homme nouveau, etc. Un fil conduc
teur organise 1 'enumeration quelque peu hétéroclite des principes,
déclarations, citations et exemples où le général succède au par
ticulier, où se côtoient les affirmations d'ordre éthique et poli
tique : la défense des intérêts de l'Etat soviétique et - ce qui
revient au même - la consolidation de cette morale supérieure
qu'est la morale communiste au sein "de la société socialiste où
il n'y a ni états ni classes sociales, où règne l'égalité des
droits" et où "il n'existe qu'une seule culture du comportement".
Gare à ceux qui s'y opposent, le "code moral" est là pour le rap
peler en des termes très explicites. En voici les principes (je
cite in extenso) :
"le dévouement à la cause du communisme ; l'amour de la Patrie
socialiste, des pays du socialisme ; le travail consciencieux
pour le bien de la société : qui ne travaille pas ne mange
pas ; le soin que porte tout un chacun à la conservation et
à l'accroissement des richesses de la communauté ; la haute
considération du devoir social ; l'intolérance face aux viola
tions des intérêts de la société ; le collectivisme et l'en
traide dans un esprit de camaraderie : un pour tous, tous
pour un ; les rapports à caractère humain et le respect mutuel
entre les personnes : l'homme est un ami, un camarade, un
frère pour l'homme ; l'honnêteté et la droiture, la pureté
morale, la simplicité et la modestie dans la vie publique et
privée ; le respect mutuel que se portent les membres de la
famille, l

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