Bengale : guerre civile ou décolonisation ? - article ; n°4 ; vol.21, pg 859-880
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Revue française de science politique - Année 1971 - Volume 21 - Numéro 4 - Pages 859-880
Bengal: civil war or decolonization? by Philippe Devillers The conflict which ravages western Bengal must be analysed with reference to the various contradictions which dominate it and which can be found on three levels. The first is that of a cleavage between Hindous and Muslims. The desire of the Muslims to escape the rule of an inevitably hindou majority by seceeding was at the origin of Pakistan and greatly contributed to lending it cohesion for a few years. At the second level of contradictions, the two parties of Pakistan are opposed. Relations between them became difficult back in 1951 and deteriorated until they broke down in 1971. It is no longer a question of civil war but of liberation or decolonisation. On the third level Bengal affects the relations of the external powers among themselves (India, Pakistan and China, but also the Soviet Union and the United States). Although separate the three levels are closely linked and interact continually, which limits the freedom of action of the various protagonists. Perhaps the autonomy of western Bengal may even go as far as to call into question (even potentially) on the one hand the fundamental division which gave birth to Pakistan, on the other hand the equilibrium of forces in the subcontinent, an equilibrium which for different reasons it is in the interests of China, the U.S.S.R. and the United States to preserve. Revue française de science politique XXI (4), août 1971, pp. 859-880]
Bengale : guerre civile ou décolonisation ? par Philippe Devillers Le conflit qui ravage le Bengale oriental doit être analysé dans le cadre des diverses contradictions qui le dominent et qui se situent à trois niveaux. Le premier est celui du clivage entre Hindous et Musulmans. La volonté des Musulmans d'échapper par la sécession à la loi d'une majorité inévitablement hindoue fut à l'origine du Pakistan et contribua largement à en maintenir la cohésion pendant quelques années. Au second niveau de contradictions s'opposent les deux parties du Pakistan. Les relations entre elles, devenues difficiles dès 1951, se sont peu à peu détériorées jusqu'à parvenir en 1971 au point de rupture. Il ne s'agit plus désormais d'une guerre civile mais d'une lutte de libération ou d'une décolonisation. Le troisième niveau est celui où la situation au Bengale affecte les relations des puissances extérieures entre elles (Inde, Pakistan et Chine, mais aussi Union soviétique et Etats-Unis). Quoique distincts, ces trois niveaux sont étroitement liés entre eux et réagissent sans cesse l'un sur l'autre, ce qui réduit considérablement la marge de maneouvre des divers protagonistes. L'autonomie du Bengale oriental peut-elle aller jusqu'à remettre en cause (même potentiellement) d'une part le partage fondamental dont est né le Pakistan, d'autre part l'équilibre des forces dans le subcontinent, équilibre que pour des raisons différentes, la Chine, l'U.R.S.S. et les Etats-Unis ont encore intérêt à préserver ? [Revue française de science politique XXI (4), août 1971, pp 859-880]
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1971
Nombre de lectures 12
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Philippe Devillers
Bengale : guerre civile ou décolonisation ?
In: Revue française de science politique, 21e année, n°4, 1971. pp. 859-880.
Citer ce document / Cite this document :
Devillers Philippe. Bengale : guerre civile ou décolonisation ?. In: Revue française de science politique, 21e année, n°4, 1971.
pp. 859-880.
doi : 10.3406/rfsp.1971.393318
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1971_num_21_4_393318Résumé
Bengale : guerre civile ou décolonisation ? par Philippe Devillers
Le conflit qui ravage le Bengale oriental doit être analysé dans le cadre des diverses "contradictions" qui
le dominent et qui se situent à trois niveaux. Le premier est celui du clivage entre Hindous et
Musulmans. La volonté des Musulmans d'échapper par la sécession à la loi d'une majorité
inévitablement hindoue fut à l'origine du Pakistan et contribua largement à en maintenir la cohésion
pendant quelques années. Au second niveau de "contradictions" s'opposent les deux parties du
Pakistan. Les relations entre elles, devenues difficiles dès 1951, se sont peu à peu détériorées jusqu'à
parvenir en 1971 au point de rupture. Il ne s'agit plus désormais d'une "guerre civile" mais d'une "lutte
de libération" ou d'une "décolonisation". Le troisième niveau est celui où la situation au Bengale affecte
les relations des puissances extérieures entre elles (Inde, Pakistan et Chine, mais aussi Union
soviétique et Etats-Unis). Quoique distincts, ces trois niveaux sont étroitement liés entre eux et
réagissent sans cesse l'un sur l'autre, ce qui réduit considérablement la marge de maneouvre des
divers protagonistes. L'autonomie du Bengale oriental peut-elle aller jusqu'à remettre en cause (même
potentiellement) d'une part le partage fondamental dont est né le Pakistan, d'autre part l'équilibre des
forces dans le subcontinent, équilibre que pour des raisons différentes, la Chine, l'U.R.S.S. et les Etats-
Unis ont encore intérêt à préserver ?
[Revue française de science politique XXI (4), août 1971, pp 859-880]
Abstract
Bengal: civil war or decolonization? by Philippe Devillers
The conflict which ravages western Bengal must be analysed with reference to the various
"contradictions" which dominate it and which can be found on three levels. The first is that of a cleavage
between Hindous and Muslims. The desire of the Muslims to escape the rule of an inevitably hindou
majority by seceeding was at the origin of Pakistan and greatly contributed to lending it cohesion for a
few years. At the second level of contradictions, the two parties of Pakistan are opposed. Relations
between them became difficult back in 1951 and deteriorated until they broke down in 1971. It is no
longer a question of "civil war" but of "liberation" or "decolonisation". On the third level Bengal affects
the relations of the external powers among themselves (India, Pakistan and China, but also the Soviet
Union and the United States). Although separate the three levels are closely linked and interact
continually, which limits the freedom of action of the various protagonists. Perhaps the autonomy of
western Bengal may even go as far as to call into question (even potentially) on the one hand the
fundamental division which gave birth to Pakistan, on the other hand the equilibrium of forces in the
subcontinent, an equilibrium which for different reasons it is in the interests of China, the U.S.S.R. and
the United States to preserve.
Revue française de science politique XXI (4), août 1971, pp. 859-880].
GUERRES CIVILES ET
CONFLITS TRANSNATIONAUX
BENGALE
Guerre civile ou décolonisation ?
PHILIPPE DEVILLERS
Les tragiques événements dont le Pakistan est depuis quelques
mois le théâtre se déroulent dans un cadre politique et idéologique
tel que leur signification réelle est jusqu'ici demeurée dans une
relative obscurité. De quelle nature est le conflit qui ravage et désole le
Bengale oriental ? S'agit-il d'une guerre civile ? ou de l'achèvement, en
un terrible soubresaut, d'une longue décolonisation ? De quelle marge
de manœuvre disposent les principaux protagonistes ? Les grandes puis
sances extérieures « polarisent »-elles les forces en présence, et sont-elles
susceptibles 'd'intervenir dans le conflit ? Autant de questions auxquelles
il n'est pas encore simple, aujourd'hui, d'apporter une réponse.
Le présent conflit au Bengale doit, semble-t-il, être analysé et considéré
tout d'abord dans le cadre des diverses « contradictions » qui le do
minent, et qui se situent à trois niveaux.
Le premier est celui du clivage qui s'est opéré, dans l'ensemble du
subcontinent indien, entre Hindous et Musulmans, il y a maintenant
près d'un quart de siècle. Le Pakistan — on le sait — est né du partage
de l'Empire britannique des Indes en deux Etats dont l'un ne cachait
pas sa base exclusivement confessionnelle. Le Bengale, un des foyers les
plus actifs du nationalisme en Inde depuis le milieu du xixe siècle, avait
été partagé entre les deux Etats successeurs, les Musulmans de sa partie
orientale n'acceptant plus de coexister avec les Hindous de Calcutta.
Cette solidarité des Musulmans, leur volonté d'échapper, par la sécession,
à la loi d'une majorité inévitablement hindoue, fut à l'origine du Pakis
tan et contribua à en maintenir la cohésion pendant quelques années, en
dépit du fait que ses deux régions, l'occidentale et l'orientale, étaient
séparées par plus de 1 700 km de territoire indien. En dépit des diver
gences qui peuvent les opposer, les Pakistanais ont toujours été d'accord,
859 Guerres civiles et conflits transnationaux
depuis l'indépendance, sur la nécessité de maintenir le partage fonda
mental de 1947.
Un second niveau de « contradictions », moins sommaire celui-là, est
celui qui oppose entre elles les deux parties du Pakistan. Les relations
entre les deux « provinces », devenues difficiles dès 1951, se sont peu à
peu détériorées au point qu'on se demande désormais si un accord est
encore possible entre elles (et sur quelles bases), ou si la rupture de
l'unité du Pakistan est inévitable. Le Bengale oriental, qui jusqu'au
partage de 1947, était une sorte de « colonie d'exploitation » du Bengale
occidental 1 hindou et s'était « décolonisé » en adhérant au Pakistan, a
été dans le cadre de celui-ci, l'objet d'une nouvelle, mais non moins réelle,
domination coloniale, cette fois de la part du Punjab musulman. Dans
leur lutte persévérante contre les Punjabis, qui disposent seuls d'une force
armée moderne, les Bengalis pakistanais peuvent être acculés à rechercher
des appuis extérieurs.
C'est ici que l'on rejoint le troisième niveau de « contradictions »,
celui où la situation au Bengale affecte les relations des puissances exté
rieures entre elles, et peut modifier le rapport des forces en Asie méri
dionale. Dans quelle mesure les grandes puissances influent-elles sur le
déroulement du conflit intérieur pakistanais ? Polarisent-elles les forces
en présence ? Jouent-elles un rôle stabilisateur, ou contribuent-elles au
contraire à accroître les tensions ? Quelles cartes jouent-elles ? Ce tro
isième niveau est celui où s'affrontent tout d'abord l'Inde, le Pakistan
et la Chine, mais aussi, derrière eux, l'Union soviétique et les Etats-Unis,
sans oublier (mais leur rôle est infiniment moindre), l'Europe occidentale
et le Japon.
Quoique distincts, ces trois niveaux sont étroitement liés entre eux,
et réagissent sans cesse l'un sur l'autre, ce qui réduit considérablement
la marge de manœuvre des divers protagonistes. Nul ne peut, à aucun
niveau, aller au-delà d'un certain point sans déclencher une série de
« processus compensatoires » qui bloquent rapidement l'action initiale.
Ainsi la solidarité musulmane joue contre tout ce qui est hindou, mais
pas au point de paralyser ou d'inhiber la résistance des Bengalis à la
politique égoïste des Punjabis, d'étouffer (au nom de l'Islam, mais de
quel Islam ?) leurs aspirations à plus de justice et à l'autonomie.
Mais, par ailleurs, l'autonomie du Bengale oriental peut difficilement
se développer ou aller au-delà du point où elle remettrait en cause (même
poten

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