Boom sur le détroit de la Sonde: le kabupaten de Serang en proie à l'industrie - article ; n°1 ; vol.50, pg 201-224

François Raillon

Description

Archipel - Année 1995 - Volume 50 - Numéro 1 - Pages 201-224
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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• Publié par: ARCHIPEL0
• Publié le: 01 janvier 1995
• Nombre de lectures: 21
• Langue: Français
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Extrait

Monsieur François Raillon
Boom sur le détroit de la Sonde: le kabupaten de Serang en
proie à l'industrie
In: Archipel. Volume 50, 1995. pp. 201-224.
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Raillon François. Boom sur le détroit de la Sonde: le kabupaten de Serang en proie à l'industrie. In: Archipel. Volume 50, 1995.
pp. 201-224.
doi : 10.3406/arch.1995.3070
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arch_0044-8613_1995_num_50_1_3070François RAILLON
Boom sur le détroit de la Sonde:
le kabupaten de Serang
en proie à l'industrie
Tel un maître d'école, le bupati donne sa leçon de géographie:
«... Porte d'entrée à Java quand on vient de Sumatra, le kabupaten de
Serang (*) couvre une superficie de 188 716 hectares. Bordé au nord par la
mer de Java, au sud par les départements de Pandeglang et de Lebak, à l'est il
regarde vers Jakarta dont il est séparé par le département de Tangerang.
Ouvert sur la mer, il compte 135 kilomètres de côtes».
Devant les émissaires du parlement provincial de Java-ouest venus inspect
er le département miracle, il décline avec précision les caractéristiques de son
fief:
«... Sa morphologie est simple, avec ses trois parties physiques: une zone
montagneuse au sud, une plaine centrale et une zone littorale... Le réseau flu
vial est dense, et dessert les besoins de la population, de l'agriculture et de
l'industrie. Les cours d'eau les plus importants sont le Ci Banten, le Ci Ujung,
le Ci Pasang Teneng et le Ci Durian... En 1991, on enregistrait 1 484 955
âmes, avec une forte densité démographique dans les cantons de Serang, Cile-
gon et Kragilan, alors que Pontang, Ciomas et Pabuaran sont sous-peuplés»
(2).
Malgré sa modestie convenue, Haji Mohamad Sampurna est un bupati de
choc. A la tête d'un département aux performances économiques exceptionn
elles, cet ancien colonel de cavalerie apparenté à la famille des sultans de
Banten (3) a l'ambition de placer le territoire qu'il dirige depuis 1988 au pre
mier rang du palmarès idéologique et religieux. A cet effet, il associe la pro
motion des Pancasila à la propagation de l'Islam bon teint: dès 1991, 148 511
personnes - soit une sur dix - avaient subi le Stage des Cinq Principes (4),
résultat obtenu dans le respect de l'orthodoxie musulmane, si puissante à
Serang. Le souci d'excellence islamique était affiché avec conviction sur les
[Archipel 50 - Paris, 1995 - pp. 201-224.] 202 François Raillon
grilles de la préfecture en octobre 1992, où une banderole largement déployée
proclamait, urbi et orbi: Serang sera un kabupaten bertakwa, «un département
vertueux».
Le zèle du bupati sera récompensé: Sampurna est promu vice-gouverneur
de Java-ouest à la fin de son mandat, en 1993 (5). Mais il ne suffit sans doute
pas des efforts d'un bupati, si zélé soit-il, pour expliquer le succès d'un kabu
paten, vertueux ou non. On est fondé à s'interroger sur la nature et les ressorts
du boom économique qui porte Serang depuis plusieurs années. Quel est le
secret de cette prospérité? Ce développement remarquable est-il aussi sain
qu'il y paraît? Est-il enraciné dans le terroir local, ou s'agit-il d'une rente de
situation liée à quelque bonne fortune?
La vision officielle: un kabupaten de pointe
Prenons tout d'abord la mesure de ce kabupaten pas comme les autres, bien
qu'il partage des structures identiques à celles des 246 départements que
compte l'Indonésie.
A l'ouest de Java-ouest...
Serang est l'un des vingt kabupaten de la province de Java-ouest. Il appart
ient donc à l'une des provinces les plus dynamiques d'Indonésie (6), stimulée
par sa contiguïté avec la capitale nationale. Au sein même de cette province,
la côte nord est la plus avancée économiquement, car elle est directement inté
grée au circuit jakartanais. Longeant la mer de Java, elle comprend deux
régions économiques à haut niveau d'activité: d'une part les trois kabupaten
qui entourent Jakarta (botabek), d'autre part le kabupaten de Serang, stimulé
par le complexe sidérurgique de Cilegon (7) et par son emplacement strat
égique au bord du détroit de la Sonde. Certes, comme les autres provinces
indonésiennes, Java-ouest a été divisée par les planificateurs en Wilayah Pem-
bangunan (Zones de Développement) qui regroupent les kabupaten existants
et dont les frontières correspondent à peu de choses près aux limites des
anciennes résidences hollandaises. L'idée est de former des entités plus
grandes et mieux appropriées aux exigences du développement économique.
Ces découpages ne fonctionnent pas toujours de façon optimale, notamment
dans le cas du département de Serang, qui est associé aux départements relat
ivement arriérés de Pandeglang et Lebak pour former la Zone de Développe
ment de Banten W. Or l'axe de la croissance relie en fait les kabupaten de
Tangerang et Serang qu'il traverse d'est en ouest, partant de Jakarta en direc
tion de Sumatra. La relation (nord-sud) de Serang à Pandeglang et à Lebak est
plutôt faible, et le réseau économique et administratif tissé du temps de la
résidence hollandaise n'est plus guère pertinent. Associé à ces deux départe
ments, Serang ne représente que 6,7% du PIB de Java-ouest en 1985, ce qui
est modeste; en revanche, considéré séparément, il est, la même année et si
l'on excepte Jakarta, le plus industrialisé d'Indonésie, immédiatement après la
ville (kotamadya) de Kediri, certes favorisée par ses fabriques géantes de kre-
tek (9). Boom sur le détroit de la Sonde 203
Au plan interne, le kabupaten de Serang est organisé de la même façon que
tout département indonésien, ou plus précisément, javanais. Il comprend sept
arrondissements (wilayah pembantu bupati ou kewedanaan): Serang, Ciruas,
Pontang, Pamarayan, Ciomas, Kramatwatu et Anyer, et une kota administratip
(kotip): la ville de Cilegon. Ces huit divisions territoriales sont découpées en
trente cantons (kecamatan) qui regroupent 412 communes, bases de la pyrami
de administrative. On distingue les communes urbaines (22 kelurahan, situés à
Serang-ville) des communes rurales (desa, au nombre de 390) (10).
En tant que capitale de la Zone de Développement de Banten, la ville de
Serang abrite un Bureau Adjoint au Gouverneur (Kantor pembantu Gubernur)
chargé de coordonner le progrès socio-économique dans les trois départements
concernés (Serang, Pandeglang et Lebak). Les priorités définies pour la pério
de du cinquième plan quinquennal (1989-1994) sont celles de la province de
Java-ouest, et reprennent les antiennes du pembangunan, avec l'accent mis sur
les ressources humaines, l'emploi rural, les coopératives, l'efficacité administ
rative et l'environnement.
L'effort d'aménagement du territoire le plus sérieux porte sur le départe
ment de Serang même: à l'initiative du Commissariat Départemental au Plan
(Bappeda), les activités économiques du kabupaten ont été réparties en cinq
«régions de développement» (wilayah pengembangan pembangunan ou WPP),
dont les spécialités sont synthétisées au tableau 1 :
Tableau 1
Les cinq régions de développement de Serang
WPP Centre Activités
Cilegon Métallurgie et chimie lourde; zone urbanisée et Serang ouest
forêt protégée
Ciomas Réserve naturelle de Rawa Dano, forêt protégée, Serang sud
agriculture, tourisme
Cikande Industries légères, agriculture, logements Serang est
Pisciculture, conservation de Banten Lama (site Serang nord Pontang
archéologique, mosquée)
Ville administrative, enseignement et commerce Serang centre Serang
D'après le Règlement Départemental de 1988 (PerDa numéro 15).
La dynamique économique
Le kabupaten de Serang enregistre depuis la fin des années 70 une crois
sance économique spectaculaire, plus élevée que la moyenne nationale, bien
que marquée par des variations sensibles. Ces dernières années, l'économie du
département progressait encore au rythme très respectable de 8,3% en moyenn
e (de 1989 à 1991), même s'il n'atteignait plus les taux exceptionnels de
1984-1986, dépassant les 20% C11). Cette dynamique se traduit par une diffé
renciation économique rapide, qui appa