Buffon et les fusées volantes. - article ; n°2 ; vol.14, pg 137-154
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Description

Revue d'histoire des sciences et de leurs applications - Année 1961 - Volume 14 - Numéro 2 - Pages 137-154
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1961
Nombre de lectures 29
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Lesley Hanks
Buffon et les fusées volantes.
In: Revue d'histoire des sciences et de leurs applications. 1961, Tome 14 n°2. pp. 137-154.
Citer ce document / Cite this document :
Hanks Lesley. Buffon et les fusées volantes. In: Revue d'histoire des sciences et de leurs applications. 1961, Tome 14 n°2. pp.
137-154.
doi : 10.3406/rhs.1961.3932
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhs_0048-7996_1961_num_14_2_3932Buffon et les fusées volantes
Bufîon écrivain jouit d'une réputation solide depuis la première
publication de son Histoire naturelle ; Buffon philosophe, après
quelques vicissitudes, s'est vu consacré de nos jours par un gros
volume du Corpus général des Philosophes français. Mais Buffon
savant reste toujours victime de certains préjugés, malgré la
justification que des recherches ultérieures ont apportée à quelques-
unes de ses conclusions. Car ce sont moins ses conclusions que
ses méthodes qui sont mises en cause. Ces préjugés remontent aux
premières critiques suscitées par l'Histoire naturelle, dont les trois
premiers volumes ont paru en 1749. Quels sont donc les princ
ipaux reproches adressés à Buffon par ses confrères scientifiques ?
Ils l'accusent d'être un systématiseur ; de préférer les vues de
l'esprit aux données concrètes ; d'alléguer des « preuves » insuffi
santes ou truquées ; de mépriser les mathématiques ; enfin, certains
lui reprochent des tendances trop matérialistes (1).
Évidemment, on ne saurait nier que ces accusations ne contien
nent une part de vérité. Mais il convient aussi de faire la part de
l'exagération, des inimitiés personnelles, de l'incompréhension
peut-être volontaire, et des attitudes (scientifiques ou autres)
qui régnaient à l'époque. Puis il faudrait faire valoir la masse
d'observations et d'expériences que Buffon a ajoutée à sa documen-
(1) Le meilleur exemple de ces critiquée est l'ouvrage de l'abbé Lelarge de Lignac,
Lettrée à un Amériquain (Hambourg, 1751, 5 vol. in-12) ; ouvrage qui doit quelque chose
à Reaumur. Plus modéré est le jugement exprimé par Condorcet dans son Éloge de
Buffon (Histoire de V Académie, pour l'année 1788, Paris, 1791, in-4°, pp. 50-84, en parti
culier les pp. 53, 55, 56-57, 66). Là, les louanges voilent les critiques ; par exemple,
Condorcet relève (p. 64) < ce talent de saisir dans la suite des faite, tout ce qui peut appuyer
[ses] vues ». Pour une revue générale de cette question, il est encore utile de consulter
D. Mornbt, Les sciences de la nature en France au XVIII6 siècle (Paris, 1911, H* Partie,
chap. II : « La querelle Buffon », pp. 108-132). 138 REVUE D'HISTOIRE DES SCIENCES
tation, elle-même considérable. Avant d'être théoricien, il a été
praticien. S'il construit des systèmes, ce n'est pas à partir de rien.
Sans aborder un plaidoyer général en faveur de Bufïon savant,
en nous limitant à quelques points bien circonscrits, nous situerons
quelques considérations qui se présentent, pour et contre.
L'exemple du préjugé anti-systématique, d'abord. Laissons de
côté la reconstitution du climat intellectuel qui, longtemps
avant 1749, a favorisé l'éclosion de cette attitude (1). En por
tant notre attention sur un milieu précis et sur un moment précis
de l'histoire, nous verrons que Buffon a eu le malheur de faire
paraître son Histoire naturelle à l'époque où la question des sys
tèmes était particulièrement présente à l'esprit des Académiciens.
Le 13 novembre 1748, Dortous de Mairan lut, à la séance publique
de l'Académie des Sciences, la préface qu'il allait ajouter à la
nouvelle édition de sa Dissertation sur la glace. Dans ce mémoire,
Mairan fait l'apologie des systèmes, tant décriés à l'époque.
Système ou chimère semblent être aujourd'hui termes synonymes, dit-il...
C'est un système fait souvent la critique entière d'un livre ; se déclarer contre les
systèmes, & assurer que ce qu'on va donner au public n'en est pas un, est devenu
un lieu commun des préfaces (2).
Puis, il montre l'utilité des hypothèses, et révèle que « le sage
et solide Newton » lui-même ne les a pas dédaignées (3). On s'ima
gine fort bien que des idées pareilles aient été susceptibles de
partager les Académiciens, quoique Mairan affirme dans une lettre
à Cramer (4) que cette préface « a eu un succès auquel je n'eusse
osé m'attendre en combattant les préjugés ». Quelques semaines
plus tard (le 14 décembre 1748) (5), Bufïon commence la lecture
(1) Voir, par exemple, D. Mornet, op. cit., IIe Partie, chap. Ier : « Les systèmes »,
pp. 73-107 .
(2) Dissertation sur la glace, Paris, 1749, Préface, p. v. N'oublions pas que Buffon
lui-même a publié une préface du type que Mairan cite ici. Elle se trouve en tête de
sa traduction de La statique des végétaux, de Stephen Hales (Paris, 1735).
(3) Op. cit., pp. xvih-xix. Mairan se réfère en particulier à la lettre écrite par
Newton, à Boyle, en 1678 (publiée en 1744), et aux Questions de Y Optique. De plus, il
fait remarquer (p. ix) que les expériences d'optique, telles que Newton les a données
d'abord dans les Philosophical Transactions, naissent « presque toujours en conséquence
de quelque réflexion systématique ». Mairan cite aussi l'exemple de Kepler.
(4) Lettre du 4 janvier 1749 ; Bibliothèque publique et universitaire de Genève,
ms. supp. 384, f. 307 r°.
(5) Registres de l'Académie royale des Sciences, année 1748, p. 549. Il s'agit de la
découverte contenue dans un pli cacheté déposé par Buffon, le 17 mai 1748. BUFFON ET LES FUSÉES VOLANTES 139
de sa Découverte de la liqueur séminale dans les femelles vivipares,
travail guidé par une idée préconçue (1), et que Mairan accueille
avec plaisir comme apportant une confirmation à sa thèse. Dans
une autre lettre à Cramer (du 18 janvier 1749), il dit :
M. de Buffon nous a lu ces jours passés un Mémoire sur la Génération, qui,
si je ne me trompe, fera du bruit... Ces nouvelles vues entrent bien dans l'esprit
de ce que j'entends par l'utilité des systèmes (2).
On peut supposer que ceux qui n'étaient pas convaincus de
l'utilité des systèmes auraient apprécié tout autrement ce mémoire
de Buffon. Puis, au mois de juin 1749, Buffon est sorti assez peu
glorieusement de sa querelle avec Clairaut sur la loi de l'attrac
tion (3). Ses arguments astronomiques et mathématiques s'étant
avérés sans valeur, il avait dû se rabattre sur des arguments méta
physiques ; procédé qui ne plaît guère aux anti-systématiques,
même s'ils approuvent l'opinion ainsi mal défendue. La même
année, Condillac a condamné les systèmes métaphysiques (ceux qui
sont fondés sur « des maximes générales ou abstraites »), dans son
Traité des sisiêmes, où Von en démêle les inconvéniens S: les avan
tages (4). L'auteur s'en prend à Leibniz en particulier. Il est à
noter, toutefois, qu'il ne refuse pas toute valeur aux hypothèses
qui sont plutôt « des suppositions qu'on imagine, pour expliquer
les choses dont on ne sçauroit d'ailleurs rendre raison » (5).
Un ouvrage devait donc être très circonspect pour éviter
(] ) Cf. les Mémoires de V Académie, pour l'année 1748 (Paris, 1752, in-4°) ; le mémoire
de Buffon se trouve aux pp. 211-228. Voici comment il présente son travail (p. 211) :
« Des réflexions & des observations, dont je rendrai compte ailleurs, m'ayant fait
penser qu'il n'existoit point d'œufs dans les femelles vivipares, & qu'elles doivent avoir,
comme les mâles, une liqueur séminale, j'ai cherché à m'en assurer par des expériences. »
L'historien de l'Académie, après avoir vu comment Buffon a utilisé ce mémoire
dans son Histoire naturelle, le juge ainsi (première partie du volume précité, pp. 44-45) :
« ... quand ses recherches n'auroient fait autre chose que de faire voir l'insuffisance
du système de Leeuwenhoek, elles auraient en cela même rendu un très-grand

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