Camaret-sur-Mer - article ; n°1 ; vol.43, pg 34-67

M. Lami

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Annales de Bretagne - Année 1936 - Volume 43 - Numéro 1 - Pages 34-67
34 pages

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• Publié par: ANNALES_DE_BRETAGNE
• Publié le: 01 janvier 1936
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M. Lami
Camaret-sur-Mer
In: Annales de Bretagne. Tome 43, numéro 1-2, 1936. pp. 34-67.
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Lami M. Camaret-sur-Mer. In: Annales de Bretagne. Tome 43, numéro 1-2, 1936. pp. 34-67.
doi : 10.3406/abpo.1936.1742
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0003-391X_1936_num_43_1_1742M. LAMI
CAMARET-SUR-MER
A l'extrémité occidentale de la Bretagne, presque à la
pointe de la presqu'île de Grozon, s'abrite au fond d'une rade
naturelle la petite ville de Camaret. Longtemps la pêche a
été la seule ressource de ses habitants. Mais il y a une ving
taine d'années la commune de C.rozon a été amputée d'un<3
partie de son immense territoire au profit de Camaret. Au
port de pèche a été ainsi annexée une campagne et la
commune présente maintenant un caractère mixte assez rare
en Bretagne i.
Toutefois, l'activité de la campagne camaretoise reste faible
en comparaison de celle du port et elle tend à n'en être
réellement qu'une annexe. Une grande partie des pêcheurs
vient des villages pauvres de l'intérieur et les produits de
la campagne servent surtout à alimenter l'agglomération.
Aussi Camaret est resté avant tout un port de pêche. Il y
a cinquante ans la flottille de Camaret était formée presque
uniquement de bateaux sardiniers. Mais, depuis, des bateaux
langoustiers sont venus s'adjoindre à ceux-ci, puis les ont
remplacés, de sorte qu'actuellement la flottille sardinière est
devenue sans importance tandis que la langoustière
est passée au premier rang parmi celles de tous les ports
français.
Au cours de cette étude nous étudierons comment les
conditions géographiques se prêtaient à Camaret à l'établis-
1. Population totale de Camaret : 3.511 habitants; population de « l'an-
Jiexion » : 67. habitants; densité : 2S3 habitants au kc. (en 1931). 35 CAMARET-SUR-MER
sèment d'un port de pêche ; par quelle évolution le port de
Gamaret a été amené à pratiquer presque uniquement la
pêche de la langouste ; comment la campagne camaretoise
est devenue une annexe du port ; nous terminerons en
indiquant les aménagements qui s'imposent pour permettre
à Gamaret de conserver et même d'étendre son activité.
I. — Les conditions géographiques qui ont amené
l'établissement d'un port de pêche à Camaret.
L'établissement d'un port de pêche à Camaret tient à deux
raisons principales. L'une indirecte : la pauvreté des cultures
du pays crozonnais, qui a forcé ses habitants à chercher un
appoint dans la pêche; l'autre directe : la présence d'un port
naturel très bien abrité à proximité de fonds poissonneux
assez riches.
A. — Le pays crozonnais
Le pays crozonnais est formé uniquement de terrains très
anciens (primaires) où dominent les grès et les schistes.
Les grès très durs sont restés en relief et forment de longues
crêtes de direction à peu près N.-S. à la pointe de la
presqu'île, c'est-à-dire sur le territoire de la commune de
Gamaret. Les schistes beaucoup plus tendres ont été en
partie déblayés, formant ainsi de larges et profondes dépres
sions.
Sur les crêtes, le ravinement, exagéré par l'abondance des
pluies et par l'absence d'arbres, n'a laissé que peu de terre
végétale et la roche affleure presque partout. Dans les vallées,
un système hydrographique tronqué, mal raccordé avec le
niveau de base marin, assure très mal le drainage. Aussi le
fond de ces vallées est-il presque toujours marécageux 3.
2. Cette étude a été faite en 1932; des renseignements tout récents de
M. Saix, administrateur de la Marine à Camaret, nous ont permis de la
mettre à jour; nous le remercions bien vivement.
3. Voir l'article de R. Musset : La formation du réseau hydrographique de
la Bretagne occidentale {Annales de Géographie, 15 nov. 1934, pp. 561-578). 36 CAMARET-SUK-MER
couche* de Seule, la partie inférieure des pentes, ayant une
terre arable suffisamment épaisse et étant suffisamment drai
née, peut porter des cultures. Tout le reste du pays — ■ crêtes,
fonds des vallées, côte envahie par les sables — ne peut
permettre qu'un élevage extensif; de fait, le pays crozonnais
ne fut longtemps qu'un terrain de parcours pour les moutons.
Pour vivre de ce pays la population devait rester clai
rsemée. Ce ne fut pas le cas. Les familles bretonnes du Finis
tère ont toujours été très nombreuses. De bonne heure il
fallut se ménager un supplément de ressources. Ce fut la
pêche qui le fournit.
B. — Le port de Gamaret
1° La situation.
L'anse de Gamaret est une rade assez profonde, en demi-
cercle, orientée vers le nord. Elle est bien protégée par la
pointe de Roscanvel à l'est et par celle du Grand-Gouin à
l'ouest. La partie ouest de cet arc est complètement à l'abri
des vents du large.
Elle se trouve à proximité de la haute mer, en avant du
goulet de Brest : au temps de la marine à voile, elle servit
de refuge à de nombreux caboteurs. La mer y est assez pois
sonneuse. Les bancs de sardines remontent à sa hauteur en
été. Les crustacés abondent ou plutôt abondaient sur les
plateaux rocheux qui continuent vers le large la presqu'île.
Elle est donc favorable à une vie maritime active.
2° Le site.
Un port ne pouvait s'installer que sur la moitié ouest de
l'anse de Gamaret. Mais celle-ci est presque partout bordée
de hautes falaises tombant à pic sur la mer. En un seul
endroit une assez large dépression s'ouvrait : le port fut
installé là. 37 CAMARET-SUR-MER
La dépression où s'est installée l'agglomération de Camaret
correspond à une des zones de schistes tendres.
Lors d'un mouvement positif récent la mer a dû recouvrir
le fond de la dépression (voir le croquis), ne laissant émerger
Monta
Le site de Camaret
qu'un rocher sur lequel est maintenant construit le bourg de
Camaret. Au mouvement négatif qui suivit, la dépression
dut se vider4. Peut-être serait-elle en partie occupée à
4. Au sujet des variations de la ligne du littoral breton voir :
a) L. Collin : Les rivières sous-marines du Finistère, Bulletin de la
Société d'Océanographie de France (15 mai-15 juillet 1932);
b) C. Vallaux : Sur les oscillations de la côte de Bretagne (Annales
de Géographie, 15 janvier 1903). 38 CAMARET-STJR-MER
nouveau par la mer si des formations littorales et fluviales
n'étaient venues l'obstruer. En effet, une flèche littorale,
formée de sables et de graviers, a isolé presque complète
ment la dépression de la mer. Un étang se forma en arrière
de cette flèche. Il resta en communication avec la mer (on y
péchait plies et mulets). Des apports fluviaux 1© comblèrent
peu à peu, de sorte qu'il devint possible de l'assécher. En
1867, on creusa au milieu de l'étang un canal assez profond
où, « par une vanne qui s'ouvre à la marée montante, la mer
pénètre, sans envahir — si ce n'est par exception — aucune
partie du terrain desséché » 5.
Au large du premier cordon littoral, une deuxième flèche
s'appuyant sur la montagne du Grand-Gouin fut édifiée par
les courants marins : c'est le sillon de Camaret formé de
gros blocs arrondis. La construction de cette flèche se con
tinue actuellement, gênée, il est vrai, par la présence d'un
môle que l'on a établi à l'extrémité du sillon et qui arrête
les galets cheminant lentement vers le sud-est.
Entre les deux flèches littorales un vaste bassin naturel
s'est ainsi formé. C'est là que viennent s'abriter les bateaux
camaretois. Les maisons du port ont été bâties sur la flèche
intérieure et sur le rocher qui se trouve en arrière.
II. — La vie et les fonctions de Camaret
avant la grande pêche de la langouste.
On pourrait écrire une longue histoire de Camaret. Cette
pointe isolée du continent servit longtemps de refuge et elle
semble être habitée depuis longtemps. Nous en avons comme
preuve les alignements mégalithiques de Lagatjar; puis elle
fut un centre de résistance celtique contre les Romains. La
légen