Choisir ou créer - article ; n°1 ; vol.7, pg 10-21
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Description

Les Cahiers du GRIF - Année 1975 - Volume 7 - Numéro 1 - Pages 10-21
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1975
Nombre de lectures 34
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Éliane Boucquey
Marie Denis
André Gérard
Hedwige Peemans-Poullet
Milène Polis
Marthe Van de Meulebroeke
Choisir ou créer
In: Les Cahiers du GRIF, N. 7, 1975. Dé-pro-ré créer. pp. 10-21.
Citer ce document / Cite this document :
Boucquey Éliane, Denis Marie, Gérard André, Peemans-Poullet Hedwige, Polis Milène, Van de Meulebroeke Marthe. Choisir ou
créer. In: Les Cahiers du GRIF, N. 7, 1975. Dé-pro-ré créer. pp. 10-21.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/grif_0770-6081_1975_num_7_1_993choisir ou créer
Choisir
Tout est meurtre : manger, chanter, ouvrir les bras, fermer
les jambes, enfanter. Rien n'accède à rien sans mettre pied sur
sa victime. David dressé sur Goliath, chasseur auprès de son
lion affaissé, flanqué au sol. Rien qui ne tire sa force d'un autre
après l'avoir tué, meurtri ou vidé. Rien qui soit innocent, même
ce rêve le plus hautement rêvé, le plus adolescent. L'omniprésence
de notre crime nous obsède. Tout comme l'universelle aspiration
à l'innocence. Tous nos mythes, tous nos efforts se rejoignent en
ce lieu, sur cette faille pour effacer la souillure et s'en nourrir.
Gloire de nos abattoirs, intime contradiction, notre angoisse
souterraine.
C'est à refuser cette mort ou ce sang que nous nous mettons
en branle dès le sein de la mère. Notre mort ou celle de l'autre,
tel est le choix désespéré que nous impose l'existence et sur lequel
il faut amonceler efforts et images, désirs et contraintes, délires,
intolérances, gestes, cris : des vies entières. Feuilles mortes, feuilles quelque pour avec cette le entier renoncement Innocence sevrage, Se Renoncement le totalité surgir comme séparer monde chose, perdue, première debout qui l'est de perdue... pour n'est amer la à paradis le être mère, (ek-sister) castration, petit devenir que à tout être perdu, mettre chaos. bébé soi-même, pour le hors premier d'avant monde fusion à être disde vivantes incendiées dans le feu de ce brasier.
C'est ce lieu, c'est cette faille qui secrète nos paradis : « Les
bêtes sauvages leur étaient amies » affirme la Genèse. « Vers le
grand soir de la société sans classe » annoncent d'autres. Retroutance, devenir un être qui donne un
sens, imprime sa clé de décodage au ver l'innocence perdue ou se perdre vers elle et ce, au prix d'une
monde, sa compréhension, qui jamais ne violence dernière. Tels sont nos rêves politiques, nos révolutions
sera totale mais au mieux se complétera elles-mêmes. Telles sont nos religions : Isaac sous le couteau de plus en plus.
d'Abraham, le Fils sacrifié au courroux du Père. Telles sont nos L'homme blanc du XXe siècle,
chassé de cet « être total » illusoire et morales et leurs interdits, telle est notre psychanalyse, son choix
chaotique, renonce à être pour avoir, d'élire dans le conscient ou l'inconscient une force de la libido
pour maîtriser, marquer de son pouvoir. au détriment des autres, ces autres désormais tues, refoulées, Des sociétés entières se sont construi
meurtries. Sacrifiées au dieu de la clarté, de l'ordre, de la sérénité. tes sur une idée de participation', de
compréhension, (cf. par exemple les texindiens rassemblés par T.C. McLu- Civiliser c'est mettre de l'ordre, ordonner c'est élire, élire c'est
han dans «Pieds nus sur la terre sacrée» choisir, choisir c'est admettre et rejeter. Et l'admis encore faut-il
Ed. Denoel); elles ont toujours été re le hiérarchiser. Civiliser c'est planter des arbres, disait ma mère foulées, vaincues, de même que les va
leurs féminines ont toujours été vaincues ou répétait-elle après Georges Duhamel. Civiliser c'est planter,
par les valeurs masculines. mais c'est aussi abattre pour planter, pour faire place, pour tracer
Ne pourrait-on imaginer une société des voies dans la multiplicité de l'être spontané, dans l'informel où les valeurs dites masculines s'appuie
touffu et inhumain. Civiliser c'est choisir, élire et supplanter. raient sur des valeurs féminines fortes et
les exprimeraient au lieu de les écraser, C'est choisir avant, au lieu de, sur, contre. Etre civilisé c'est
les refouler, et où tout se passerait dans avoir choisi : Dieu avant l'homme ou l'homme avant Dieu, la le jeu, le dialogue entre les deux : mett
révolution pour l'homme ou pour la révolution, aujourre à distance pour participer de plus
en plus profondément (ceci rappelle le d'hui avant hier et après demain, le jour au détriment de la nuit,
jeu yin-yang taoïste). M.P. la conscience sur l'obscur ou l'inconscience sur le raisonnable,
10 Il me semble que ton analyse très avant la femme, la femme avant l'enfant, l'enfant avant l'homme
claire schématise un peu trop. Civiliser, le chat et la souris... Civiliser c'est couper, scinder, abolir, sacri c'est choisir et hiérarchiser dis-tu, et
fier pour permettre une élection. L'élu parfois change, on ren quelque chose dans ton texte laisse sup
verse les socles mais toujours le pied du héros nouveau repose poser que ce choix est définitif et immob
ile. Cela me paraît très « masculin », sur une victime nouvelle. La tête écrasée au sol, la bouche emplie très homme blanc du XXe siècle, la réalde terre, les yeux aveuglés de néant. La victime fascine. ité me semble plus mouvante.
Tout ne se passe-t-il pas plutôt com
Innocente par défaut, par défaite, par impuissance, la victime me si nous nous promenions dans un
est le tu, le non-dit, le refoulé, l'obscur, l'envers, l'indien, le nègre, labyrinthe : à chaque carrefour il faut
choisir un chemin et renoncer aux autla femme, bref l'autre. Mais aujourd'hui suite aux faillites de bien
res, certes, mais refuser de choisir est des victoires, vu le soupçon qui mine l'unique et le même, notre renoncer à tous renoncer à avancer.
intérêt se tourne vers l'étranger, le second, le silencieux. Il est D'ailleurs le carrefour suivant te per
certainement porteur d'inconnu, peut-être est-il détenteur d'inno mettra peut-être de prendre sans t'en
rendre compte et d'une autre façon un cence ? Sans doute est-il lavé, nous lavera-t-il ? Peut-
des chemins que tu n'avais pas suivis. être. A moins qu'à son tour il ne se dresse en résurrection, qu'il Vivre, c'est choisir sans cesse, ne
ne se relève et se pétrifie lui aussi, les pieds d'aplomb sur d'autres jamais avoir fini de choisir, et remettre
socles. sans cesse en jeu ses choix. M p
Il est pourtant un moment privilégié, un moment de pure
naïveté où les illusions sont permises, où l'espérance s'accomplit ;
c'est l'instant de l'éveil quand il précède encore la victoire. Le
premier cri qui libère l'innommé est de tous le plus beau. Les
commencements sont toujours plus beaux. C'est l'un d'eux que
guettait Rimbaud : « Quand sera brisé l'infini servage de la
femme, quand elle vivra pour elle et par elle, l'homme jusqu'ici
abominable, lui ayant donné son renvoi, elle sera poète, elle
aussi ! La femme trouvera de l'inconnu ! Ses mondes d'idées
différeront-ils des nôtres ? Elle trouvera des choses étranges,
insondables, repoussantes, délicieuses; nous les prendrons, nous
les comprendrons » (La lettre du Voyant). Les prendre, les
comprendre est notre chance d'aujourd'hui. Chance brève de
surprendre cet éveil à l'heure où il se dégage de l'inconnu, alors
qu'il n'est pas encore autorité.
Hiérarchiser
Tout s'organise : les plantes, les courants d'air, les couches
géologiques, le réseau des rivières, l'écoulement de l'eau. Tout
cherche un équilibre au sein duquel échanger et mouvoir sans
Ce que tu dis est très beau et très périr. L'inorganisation c'est la mort. A moins qu'elle ne soit pessimiste. Je ne suis pas tout à fait
très brève, le temps du passage d'un organigramme à un autre. convaincue... Nous vivons dans une so
ciété où il n'y qu'une place au soleil. Le temps de défaire très vite pour refaire aussitôt, le temps du
Alors si on veut prendre un peu de sopoint mort pour changer de vitesse. Ainsi des hommes, ils s'orga leil, il faut chasser l'autre. On peut imanisent. Mais non à la manière de l'eau. Le groupe humain n'est giner

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