Comment comprendre les récits de la première croisade ? À propos de 1099 - Jérusalem Conquise, de Guy Lobrichon - article ; n°39 ; vol.19, pg 153-168
17 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Comment comprendre les récits de la première croisade ? À propos de 1099 - Jérusalem Conquise, de Guy Lobrichon - article ; n°39 ; vol.19, pg 153-168

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
17 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Médiévales - Année 2000 - Volume 19 - Numéro 39 - Pages 153-168
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 31
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Madame Beate Schuster
Comment comprendre les récits de la première croisade ? À
propos de 1099 - Jérusalem Conquise, de Guy Lobrichon
In: Médiévales, N°39, 2000. pp. 153-168.
Citer ce document / Cite this document :
Schuster Beate. Comment comprendre les récits de la première croisade ? À propos de 1099 - Jérusalem Conquise, de Guy
Lobrichon. In: Médiévales, N°39, 2000. pp. 153-168.
doi : 10.3406/medi.2000.1501
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/medi_0751-2708_2000_num_19_39_1501Médiévales 39, automne 2000, p. 153-168
Béate SCHUSTER
COMMENT COMPRENDRE LES RECITS
DE LA PREMIÈRE CROISADE ?
À PROPOS DE 1099 - JÉRUSALEM CONQUISE, DE GUY LOBRICHON 1
Au premier abord, on est tenté de classer un livre si concis et si
richement illustré parmi les œuvres dites de vulgarisation. Or, en y
regardant de près, il ne s'agit nullement d'un de ces ouvrages qui se
contentent de présenter l'état de la recherche sous une forme susceptible
de séduire le grand public, en lui donnant à lire un texte facile intercalé
entre de nombreuses et belles images. Tout au contraire, l'iconographie,
tirée de multiples manuscrits médiévaux souvent mal connus (psautiers,
commentaires bibliques, chroniques...), place d'emblée le lecteur face
au problème de la figuration des acteurs, des événements et des lieux,
tandis que le texte invite à une relecture des lettres des croisés et des
chroniques « de la première heure », permettant ainsi de reconsidérer
les fondements de nos connaissances sur la première croisade. Il s'agit
de huit textes composés entre 1099 et 1 1 12 : la Geste des Francs d'un
anonyme, le Chevalier normand ; V Histoire des Francs qui prirent Jéru
salem, composée par Raimond d'Aguilers pour son seigneur, Raimond,
comte de Toulouse et de Saint-Gilles ; la Geste des Francs et des autres
pèlerins de Jérusalem d'un clerc poitevin, Pierre de Tudebode ; le récit
de Foucher de Chartres, d'abord attaché au service du comte de Blois
et de Chartres, qui passe au cours de l'expédition dans la chapelle de
Baudoin de Boulogne, frère de Godefroi de Bouillon ; les œuvres de
trois moines : Robert de Saint-Remi de Reims, Baudri de Bourgueil et
Guibert de Nogent ; enfin, la Geste de Tancrède de Raoul de Caen, un
laïc savant attaché au service des princes normands d'Italie. Confronté
à une telle multiplicité de narrations, beaucoup de faits et de données
paraissent provisoires. Mais en suivant le guide prudent qu'est Guy
1. Paris, Éditions du Seuil, 1998. Cet article est la version écrite d'une intervention
faite lors d'une journée d'études organisée par le Musée National du Moyen Âge, le
9 décembre 1999, à Paris, en présence de Guy Lobrichon. Je remercie vivement les orga
nisateurs et les éditeurs de la revue Médiévales, notamment Dominique Iogna-Prat, pour
leur encouragement et leur relecture attentive. 154 B. SCHUSTER
Lobrichon, on peut découvrir dans ces récits des richesses oubliées par
une recherche portée principalement sur la reconstitution des événe
ments2. Bien sûr, il ne s'agit pas de s'élever une fois encore sur la vanité
de l'histoire événementielle en face de l' histoire-problème chère à
l'école des Annales, mais de se pencher comme il convient sur les textes
qui permettent de reconstituer les événements avec un minimum d'atten
tion aux problèmes de forme. Évitant de s'engager dans des débats sans
fin sur la fiabilité des sources, l'auteur procède à une lecture sensible
qui réussit à faire apparaître dans les narrations des significations
cachées. Il traite les récits comme des interprétations du souvenir des
croisés, destinées à créer une mémoire au service des convictions rel
igieuses des narrateurs.
Si l'historiographie de la première croisade a bien retenu l'attention
de certains historiens3, entreprendre une histoire des interprétations de
la croisade constitue une nouveauté. Face à l'explosion littéraire susci
tée par la première croisade, Guy Lobrichon se concentre sur la pre
mière floraison de textes, composés en tout juste treize ans (1099-1 1 12).
Ce faisant, il compare ceux qui prétendent provenir directement du sou
venir des croisés à ceux qui affichent l'intention de corriger ces témoi
gnages. Cette analyse nouvelle des rapports que les textes entretiennent
les uns avec les autres mérite que l'historien s'y arrête4. Pourtant, un
livre d'à peine cent cinquante pages n'offre pas l'espace suffisant pour
faire aboutir une telle approche. L'auteur ne peut qu'esquisser une relec
ture des sources et une réinterprétation des liens existant entre les textes.
La seule approche qui rende justice à un tel essai semble une évaluation
de sa méthodologie ; elle peut, en même temps, éclairer des choix et
des enjeux scientifiques qui restent implicites.
2. Il est révélateur de la prépondérance de l'histoire événementielle que les bases
méthodologiques de la classification des récits de la croisade, proposée par Heinrich von
Sybel en 1841, n'aient jamais été mises en cause : H. von Sybel, Geschichte des ersten
Kreuzzuges, 3e éd., Leipzig, 1881, p. 3-142 ; S. Edgington, « The First Crusade : Revie
wing the Evidence », dans The First Crusade, J. Philipps, éd., Manchester, 1997, p. 55-77.
3. Les monographies sur les historiens de la première croisade sont rares et la
plupart proviennent de la recherche allemande (voir C. Klein, Raimund von Aguilers.
Quellenstudie zur Geschichte des ersten Kreuzzuges, Berlin, 1 892 ; P. Knoch, Studien zu
Albert von Aachen. Der erste Kreuzzug in der deutschen Chronistik, Stuttgart, 1966;
R. C. Schwinges, Kreuzzugsideologie und Toleranz. Studien zu Wilhelm von Tyrus, Stutt
gart, 1977 (Monographien zur Geschichte des Mittelalters, 15) ; P. W. Edbury,
J. G. Rowe, William of Tyre. Historian of the Latin East, Cambridge, 1988 ; V. Epp,
Fulcher von Chartres. Studien zur Geschichtsschreibung des ersten Kreuzzuges, Diissel-
dorf, 1990 (Studio humaniora, 15).
4. La dernière comparaison du texte du chevalier anonyme avec les réécritures
postérieures débouche sur la conclusion peu satisfaisante que non seulement le style, mais
aussi le contenu étaient destinés à être corrigés : H. Oehler, « Studien zur Gesta Fran-
corum », Mittellateinisches Jahrbuch 6, 1969, p. 58-97. COMMENT COMPRENDRE LES RÉCITS ? 155
Comprendre les récits
II suffit de feuilleter Jérusalem conquise pour saisir la particularité
de l'approche proposée. Les citations inhabituellement longues des
récits médiévaux sont plus significatives que la profusion des images.
Le lecteur se trouve ainsi confronté directement aux sources et peut
assister au travail hasardeux de leur interprétation5. Sur un plan méthod
ologique, cette présentation révèle la volonté de l'auteur de s'appro
cher autant que possible de la perspective des contemporains. Dans le
même esprit, il s'interdit tout jugement condescendant sur les imperf
ections stylistiques, le faible niveau intellectuel des témoins médiévaux
ou leur accès limité aux informations. Selon lui, il est « inutile d'allé
guer [...] les inconséquences des auteurs médiévaux : elles ne dévoilent
que notre incapacité à les comprendre » (p. 34).
Même si, dans les dernières années, le fait de se mettre à l'écoute
d'une autre culture semble être devenu le credo de la profession histo
rique, dans la pratique, le médiéviste curieux demande souvent plus à
un texte que celui-ci n'est prêt à lui livrer. Guy Lobrichon, en revanche,
met la seule compréhension des sources au cœur de son projet. Les
passages où il développe sa lecture méticuleuse et prudente représentent
sans aucun doute la grande réussite du livre. Son regard redonne aux
récits, affadis par une compréhension simpliste, leur épaisseur et leur
magie. Tout le plaisir de la lecture tient au fait qu'on savoure les textes
presque mot à mot, qu'on pénètre leurs sous-entendus et qu'on accède
finalement à leur dimension religieuse par une elucidation des allusions
bibliques, conçues comme les véritables clés de la compréhension. Dans
ces passages, la méthode employée ressemble à l'exégèse médiévale
puisque l'auteur distingue

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents