«  Copy for Ever  is My Rule » ; Blake lecteur de Reynolds dans le débat sur mémoire et création - article ; n°1 ; vol.17, pg 75-87
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Colloque - Société d'études anglo-américaines des 17e et 18e siècles - Année 1983 - Volume 17 - Numéro 1 - Pages 75-87
13 pages

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Publié le 01 janvier 1983
Nombre de lectures 9
Langue Français

Extrait

Michel Baridon
« 'Copy for Ever' is My Rule » ; Blake lecteur de Reynolds dans
le débat sur mémoire et création
In: Mémoire et création dans le monde anglo-américain aux XVIIe et XVIIIe siècles. Actes du Colloque - Société
d'études anglo-américaines des 17e et 18e siècles, 1983. pp. 75-87.
Citer ce document / Cite this document :
Baridon Michel. « 'Copy for Ever' is My Rule » ; Blake lecteur de Reynolds dans le débat sur mémoire et création. In: Mémoire
et création dans le monde anglo-américain aux XVIIe et XVIIIe siècles. Actes du Colloque - Société d'études anglo-américaines
des 17e et 18e siècles, 1983. pp. 75-87.
doi : 10.3406/xvii.1983.2204
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xvii_0294-1953_1983_act_17_1_220475
« 'COPY FOR EVER'IS MY RULE »> BLAKE LECTEUR DE
REYNOLDS DANS LE DÉBAT SUR MÉMOIRE ET CRÉATION
Les annotations de Blake en marge de son édition des Discourses de Rey
nolds sont bien connues et à juste titre. Elles constituent en effet une preuve
vivante et passionnée de la vigueur du débat qui affrontait, au tout début du
XIXe siècle, des esthétiques opposées. On peut interpréter les protestations
et les fureurs de Blake - « Nonsense ! », « A lie ! », « a Folly ! » avec de temps
en temps, il est vrai un « Excellent ! » ou encore « Somebody else wrote this
page for Reynolds » - de plusieurs façons. On peut y lire la rancune d'un
artiste « maudit » contre un artiste nanti :
While Sir Joshua was rolling in Riches, Barry was Poor and Unemploy'd
except by his own Energy; Mortimer was call'd a Madman, & only Portrait
Painting applauded by the Rich and Great. Reynolds and Gainsborough
Blotted & Blurred one against the other & Divided all the English World
between them. Fuseli, Indignant, almost hid himself. I am hid (1).
On peut y lire l'expression d'un antagonisme politique :
O Society for Encouragement of Art ! O King and Nobility of England !
Where have you hid Fuseli's Milton ? Is Satan troubl'd at his Exposure ?
(2).
On peut y voir aussi un combat entre deux esthétiques, l'une se posant
par la contestation de l'autre, par l'exercice de cette dialectique négative dont
parle Adorno (3). Il serait vain de nier que ces trois aspects ne sont pas liés
d'une façon ou d'une autre. Mais le thème de notre colloque me fera mettre
l'accent sur le troisième parce qu'il oriente nos recherches vers l'esthétique
plus que vers l'histoire sociale, et l'on peut même dire vers les travaux prati
ques de la création plus que vers l'histoire des grands conflits d'école - class
icisme, romantisme, préromantisme etc. Mais justement, toute la question
qui se pose, c'est de savoir s'il ne faut pas partir des travaux pratiques pour
pénétrer les vrais problèmes d'esthétique et déboucher au plan des idées au
sens que les artistes donnent à ce mot. L'étude de cette controverse entre
Reynolds et Blake me semble particulièrement indiquée pour dégager une
procédure de recherche logique et féconde et puisque le thème de ce colloque
nous dit d'où il faut partir, voyons au moins jusqu'où nous pouvons aller. 76
Quand je parle des travaux pratiques de la création artistique, j'évoque
ces photos que nous avons tous vues : Henry Moore dans son atelier, lor
gnant à la lumière rasante des blocs polis par une savante architectonique et
qui semblent déjà as old as the hills ou tenant en main de gros ossements qui
ont pris forme dans un animal et se sont pour ainsi dire matérialisés dans la
logique de leur fonction et de leur mouvement. Dans ce dialogue ainsi noué
entre la vie et la matière, le sculpteur passe sans cesse de ce qu'il voit à ce
qu'il invente mais le chemin est long de l'œil à la main. Si long même qu'il
passe sûrement par l'Amérique pré-colombienne, l'art esquimau du Groenl
and, les paysages de Cornouailles et - qui sait ? - tel ou tel bâton empoigné
dans la petite enfance. Dans la mesure où l'artiste aujourd'hui part souvent
de matériaux anonymes, il porte plus légèrement le poids de ses dettes.
Moore n'est redevable qu'envers des inconnus ; il n'a pas connu les angoisses
d'Honegger croisant dans son bureau à la recherche d'un thème musical, et
qui, percevant les linéaments d'une idée tout à fait originale, courait à son
piano, pour fixer sur le papier le feu de l'inspiration et sitôt calmé se demand
ait : « Maintenant de qui est-ce ? » Mais où commencent les plagiats ? Où
finit la culture ?
Ce ne sont pas les pastiches qui gênent les plus inventifs. Cézanne a
refait du Chardin, Picasso du Poussin, Manet du Velazquez. Stravinski ne se
gêne pas pour faire comme il dit « un enfant à la tradition » et pour prendre
son bien dans le plain-chant ou dans Scarlatti. On pourrait allonger la liste et
faire toute une typologie de l'emprunt dans les arts mais ce n'est pas cela qui
dresse Blake contre Reynolds : ce n'est pas de plagiat qu'il l'accuse, c'est de
stérilité. Et si le conflit revêt un caractère particulièrement vif, c'est que le
clivage dépasse infiniment les limites de deux personnalités ou de deux tem
péraments.
Pour replacer les faits dans leur contexte historique, il faut d'abord dire
que l'année où Blake griffonne dans la marge de son Reynolds, il a quarante-
neuf ans ; il émerge à peine des ennuis et des déceptions que lui ont valus la
Révolution française avec laquelle il a d'abord sympathisé. Son adversaire,
lui, est mort depuis quatorze ans, en 1792. Il s'est éteint dans toute sa gloire,
en homme qui ne tenait pas à sortir du dix-huitième siècle avec lequel il
s'identifie très bien. Des Discours de Reynolds qui ont été prononcés sur une
période de vingt et un ans, Blake ne commente que les sept premiers qui
sont, quoi qu'en pense Robert E. Wark, leur dernier éditeur, les plus profon
dément classiques (4). Toutes les conditions sont réunies pour qu'un accom
modement soit impossible. Du premier discours qui est une défense du rôle
et illustration des académies, Blake dit peu de choses. Mais le second met le
feu aux poudres. Reynolds y traite de la pédagogie du métier, de la formation
des jeunes peintres. Dans le chapeau qu'il avait décidé de placer en exergue à
son texte sur le conseil de Malone, il écrit : 77
The Course and Order for study. The different stages of art. Much copying
discountenanced. The artist at all times and in all places should be employed
in laying up materials for the exercise of his art.
Commentaire de Blake :
To learn the language of art, 'Copy for Ever' is my Rule (5). Réaction
bizarre dira-t-on, erratique, contradictoire : Reynolds vient d'écrire « much
copying discountenanced » et voilà qu'il se fait accuser de pousser le jeune
peintre à copier indéfiniment. C'est que Blake ne craint pas tellement la
copie d'imitation que du reste Reynolds écarte ; ce qu'il craint c'est ce qui
suit, cet encouragement à s'emplir la mémoire des matériaux parmi lesquels
l'invention ira puiser par la suite. La position de Reynolds est sur ce point
très claire. L'invention est fille de la mémoire : avant que l'artiste ne puisse
s'exprimer il lui faut acquérir, dit-il, une grammaire et un style et il insiste
sur le bon usage de ces deux stades avec un soin tout particulier. Il dit, tou
jours dans le second discours :
This first degree of proficiency is, in painting, what grammar is in litera
ture, a general preparation for whatever species of the art the student may
afterwards choose for his more particular application.
Voici pour la grammaire. Et maintenant le style :
When the Artist is once enabled to express himself with some degree of cor
rectness, he must then endeavour to collect subjects for expression; to amass a
stock of ideas, to be combined and varied as occasion may require. He is now
in the second period of study in which his business is to learn all that has been
done and known before his own time (6).
Une fois qu'il a formé sa main et son jugement, l'artiste peut enfin s'égaler
aux maîtres
Having well established his judgement and stored his memory, he may now
without fear try the power of his imagination.
Mais il lui faudra passer sa vie à amasser et trier les idées des autres pour
pouvoir être lui-même :
It i

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