Cournot et la biologie. - article ; n°2 ; vol.6, pg 150-160
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Description

Revue d'histoire des sciences et de leurs applications - Année 1953 - Volume 6 - Numéro 2 - Pages 150-160
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1953
Nombre de lectures 16
Langue Français

Extrait

M Jean Rostand
Cournot et la biologie.
In: Revue d'histoire des sciences et de leurs applications. 1953, Tome 6 n°2. pp. 150-160.
Citer ce document / Cite this document :
Rostand Jean. Cournot et la biologie. In: Revue d'histoire des sciences et de leurs applications. 1953, Tome 6 n°2. pp. 150-160.
doi : 10.3406/rhs.1953.3030
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhs_0048-7996_1953_num_6_2_3030Cournot et la biologie
Antoine-Augustin Cournot (1801-1877) ne jouit pas, de son
vivant, d'une grande renommée. L'importance de son œuvre fut
d'abord méconnue, mais on tend aujourd'hui à lui faire une place
éminente parmi les penseurs du xixe siècle ; il est certainement
l'un de ceux qui ont réfléchi le plus fortement sur les données de
la science et contribué à rattacher la spéculation philosophique
au savoir positif.
Ses principaux ouvrages portent sur les mathématiques, les
probabilités, l'histoire, l'économie politique ; mais, dans trois
d'entre eux tout au moins (Essai sur les fondements de nos connais
sances et sur les caractères de la critique philosophique (1) ; Traité
de l'enchaînement des idées fondamentales dans les sciences et dans
Vhisloire (2) ; Matérialisme, vilalisme, rationalisme, élude des données
de la science et de la philosophie {3)), des chapitres entiers sont
consacrés à l'examen des grands problèmes de la biologie : nature
de la vie et de l'organisation, finalité organique, origine des premiers
êtres vivants, formation des espèces. On y retrouve la vigueur
logique, l'originalité et la pénétration habituelles de Cournot.
C'est toute une philosophie biologique qui s'y exprime, et qui
mériterait une étude spéciale. Nous nous bornerons ici à en donner
une brève analyse, dans l'espoir d'attirer la curiosité des historiens
de la science sur cet aspect insuffisamment connu du « géomètre
philosophe ».
D'un volume à l'autre, on note maintes redites, dont certaines
sont textuelles, et aussi de légères divergences de pensée qui
tiennent, en partie, à ce que, entre VEssai sur les fondements de
nos connaissances (1851), et le Traité de Г enchaînement (1861),
(1) 2 vol., Hachette, Paris, 1851.
(2) 1 vol., 1861.
(3) 1 Paris, 1875. COURNOT ET LA BIOLOGIE 151
un grand événement intellectuel s'est produit : la publication de
Y Origine des espèces (1859), qui a complètement renouvelé les
opinions relatives aux transformations des espèces vivantes.
Cournot est résolument vitaliste, en ce sens qu'il fait une
distinction essentielle entre les phénomènes de l'ordre matériel,
inorganique, et les phénomènes de l'ordre organique ou vital.
Avec le monde de l'organisation et de la vie apparaissent dans
la nature des lois toutes spéciales, dont on ne peut s'expliquer
l'exercice qu'en ajoutant des principes nouveaux à ceux qui suffisent
à l'explication des phénomènes plus généraux et plus permanents.
Ces lois vitales sont des lois d'unité, de solidarité, de coordination,
d'harmonie, en un mot, de finalité. Elles ne se manifestent pas
seulement dans l'espace, mais aussi dans le temps, comme le mont
rent les phénomènes du développement qu'étudient les embryo-
logistes : toutes les actions vitales, toutes les parties de l'organisme,
toutes les phases de son évolution, sont harmonieusement liées,
chacun des éléments composants étant — en style mathémat
ique — fonction de la résultante générale, c'est-à-dire de la vie
et de l'activité de l'ensemble.
Qu'il s'agisse de la sécrétion d'une glande, de l'édification
d'un embryon ou de l'instinct d'un insecte, on retrouve ce même
caractère, car la vie « se reflète en tous ses produits ». Toujours et
partout, elle poursuit « avec un art admirable, quoique avec
l'inconscience de l'instinct, l'accomplissement d'une fin, la réali
sation d'un type, l'exécution d'un plan. Elle est inventrice, et
l'emporte, en fait d'invention, « sur l'académicien le plus en renom,
sur le mécanicien le plus ingénieux, sur le constructeur le plus
habile ».
L'être vivant, sans doute, ne cesse de se conformer aux lois
de la mécanique, de la physique, de la chimie ; mais ces lois, il
les dirige, comme à son profit, dans le sens qu'exigent sa formation
et l'accomplissement de ses fonctions.
Les forces vitales ne nous sont pas connues, et il est même
impossible de nous en faire une idée nettement définie, car nous
sommes incapables de concevoir soit que l'organisation précède
la vie, soit que la vie précède l'organisation : dans l'être organisé
et vivant, organisation et vie jouent simultanément le rôle d'effet
et de cause.
Ces forces, en tout cas, n'ont rien à voir avec les prétendus
« fluides vitaux » qui sont des « créations fantastiques » de l'esprit. revue d'histoire des sciences 152
Elles n'ont aucun siège, n'occupent aucun lieu, n'adhèrent à aucun
substratum matériel, ne sont liées à aucune substance ; elles appar
tiennent au domaine immatériel de l'idée, de la pensée. Dans notre
compréhension du vital, nous sommes obnubilés par la notion de
substance, qui tient à la constitution même de l'esprit humain ;
mais, à défaut de pouvoir comprendre, il suffît, pour sauvegarder
suffisamment la dignité de l'esprit, de savoir pourquoi nous en
sommes empêchés.
L'un des problèmes les plus troublants qui se pose au philosophe
de la biologie est celui de l'origine de la vie. Car la vie n'a pas
toujours existé sur la terre. Or, il nous est également impossible,
dit Cournot, d'admettre la perpétuité de l'ordre des phénomènes
que nous offre l'ensemble des êtres vivants, et de concevoir le
commencement naturel de cet ordre. Il y a là une antinomie
d'autant plus irritante qu'elle concerne un problème naturel :
II ne s'agit pas ici d'un problème de métaphysique comme de savoir
si le monde est ou n'est pas éternel, si la matière est créée ou incréée,
si l'ordre du monde dépend de la Providence ou du hasard ; il s'agit
d'une question vraiment physique ou naturelle, portant sur des faits
compris dans les limites du monde que nous touchons et des périodes
de temps dont nous pouvons avoir et dont nous avons en effet des monu
ments subsistants.
Cette lacune, ce hiatus entre le physique et le vital, la raison
éprouve le besoin de le combler, mais elle y est impuissante, du
fait que notre conception de la matière ne se peut concilier avec
le mode d'action des forces vitales.
Si le germe de la vie se développe sur le sol des lois physiques,
il n'est pas contenu dans ce sol ; si le monde de l'inorganique est
la charpente qui supporte le monde de l'organisation et de la vie,
les deux mondes n'en sont pas moins distincts, hétérogènes ; ils
s'engrènent par contact intime plutôt qu'ils ne s'entrepénètrent.
On ne peut concevoir le passage « de l'un à l'autre par voie de
développement continu ».
Cournot ne tranche pas la question de la génération spontanée
dans le monde actuel. Il serait enclin à douter de l'existence des
« germes », affirmés par Pasteur, et admettrait volontiers que des
organismes très rudimentaires pussent se former aux dépens de
la matière inorganique. Mais il n'y aurait là, selon lui, qu'une
apparence de continuité entre l'inerte et le vital, cette « génération COURNOT ET LA BIOLOGIE 153
spontanée » étant l'œuvre des forces vitales, toujours présentes
dans la nature.
Si Cournot tient pour impossible de concevoir le passage du
brut au vital, il estime qu'on se heurte à une impossibilité du même
ordre quand on essaie de comprendre le passage d'une espèce à
une autre espèce, ou, plutôt, — car le mot d'espèce, mal défini,
lui semble devoir être rejeté — le passage d'un type organique
à un autre type organique.
Cournot, cependant, est partisan de l'explication transformiste.
Il n'envisage même pas la possibilité d'une formation soudaine
des types supérieurs : cette hypothèse, selon lui, ne mérite pas
d'être s

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