Cultures et langues africaines : les emprunts linguistiques - article ; n°18 ; vol.5, pg 48-64
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Description

Langages - Année 1970 - Volume 5 - Numéro 18 - Pages 48-64
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1970
Nombre de lectures 48
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Pierre-Francis Lacroix
Cultures et langues africaines : les emprunts linguistiques
In: Langages, 5e année, n°18, 1970. pp. 48-64.
Citer ce document / Cite this document :
Lacroix Pierre-Francis. Cultures et langues africaines : les emprunts linguistiques. In: Langages, 5e année, n°18, 1970. pp. 48-
64.
doi : 10.3406/lgge.1970.2027
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1970_num_5_18_2027LACROIX P.-F.
École Nationale des Langues Orientales Vivantes, Paris.
CULTURES ET LANGUES AFRICAINES
LES EMPRUNTS LINGUISTIQUES
1.1. Même si, comme l'a fait remarquer Assirelli, le fractionnement li
nguistique est la règle et non l'exception, il est certain que le nombre et la
diversité des idiomes parlés en Afrique constituent, au moins pour sa partie
intertropicale et méridionale, deux des caractéristiques fondamentales de
l'anthropologie de ce continent. Tenter un dénombrement ou fournir une
nomenclature qui distinguerait « langues », « dialectes » et a parlers » serait,
dans l'état actuel des connaissances, absolument impossible, comme le
serait aussi l'établissement d'une cartographie précise de cette situation
linguistique.
Avancée naguère par Lilias Homburger et reprise par Delafosse, l'hypo
thèse de l'unité originelle des langues africaines n'a jamais été pleinement
confirmée mais n'a pas non plus été totalement rejetée. Conscients de leurs
ignorances, les linguistes l'ont plutôt mise tacitement en sommeil, laissant
à certains profanes le soin de la présenter comme vérité reçue. Certes, au sein
de cette diversité, existent des ensembles dont les composantes offrent en
commun assez de similitudes morpho-syntaxiques et lexicales pour qu'elles
puissent être valablement regroupées. Mais encore faut-il remarquer que la
documentation ne permet pas de classer valablement un nombre non négli
geable d'idiomes et que, au fur et à mesure que progressent les recherches
bien des ensembles ou des sous-ensembles antérieurement reconnus sont
remis en discussion.
1.2. Le fractionnement linguistique s'est accompagné et a sans doute été
favorisé par une fréquente instabilité de peuplement dont la tradition garde
le souvenir et que continuent encore aujourd'hui des mouvements migra
toires que les entraves apportées par l'implantation de structures adminis
tratives et politiques d'origine extérieure n'arrivent pas à enrayer. Préci
sons que la fréquence de ces déplacements de populations dont la tradition
a gardé le souvenir ne doit cependant pas nous autoriser à concevoir le passé
africain comme une sorte de ballet confus déplaçant à travers ce continent
des masses humaines distinctes dont chaque mouvement aurait entraîné
soit la disparition, soit un mouvement concomittant des masses voisines.
Outre que certaines régions comme le centre de l'actuelle Haute- Volta
semblent bien n'avoir pas subi depuis plusieurs siècles de modifications
notables dans leur peuplement, il est certain par ailleurs que les « migra
tions » souvent évoquées n'ont souvent intéressé que des effectifs restreints.
Des déplacements massifs comme ceux qui accompagnèrent au xixe siècle 49
les campagnes des Zulu de Chaka ont parfois eu lieu mais sont sans doute
loin d'avoir constitué la règle générale. Le plus souvent, ils semblent n'avoir
mis en cause que des groupes restreints amenés pour des raisons diverses à
quitter leur établissement pour aller tenter fortune ailleurs. Que ces minor
ités aient été formées d'un ensemble de familles réputées apparentées ou
d'une troupe de chasseurs-aventuriers, leur installation dans une zone nouv
elle ne comportait pas obligatoirement, à en juger par nos sources, de
luttes armées mais prenait plutôt la forme d'une insertion pacifique sanc
tionnée par des intermariages. Bien entendu, le souvenir s'est aussi conservé
de déplacements accompagnés de conflits violents. Ils semblent souvent
avoir été le fait de petits groupes agressifs s' adjoignant au cours de leur
marche des troupes hétérogènes amenées de gré ou de force à partager
sort. De bons exemples de ces « grandes compagnies » sans homogénéité
ethnique ou linguistique sont fournis au Cameroun par la pénétration en
pays bamiléké au début du xixe siècle d'éléments d'origines diverses venus
du bassin supérieur de la Bénoué sous la direction d'une minorité chamba
et, plus anciennement par Г « invasion » somba-mane du xvie siècle dans
ce qui constitue actuellement le Liberia, la Sierra-Leone et le Sud-Est de
la Guinée (Kaberry and Chilver, 1961; Person, 1961).
Pacifiques ou belliqueux, les mouvements de ces minorités se sont le
plus souvent achevés par l'assimilation ou la fusion des nouveaux venus
aux groupes préexistants. Ce qui veut dire que, en Afrique comme ailleurs,
n'existent pas de communautés humaines d'origine unique mais que toutes
sont constituées d'une série d'apports différents dont il est parfois possible
de déceler les principaux et d'expliquer par là même les apparentes contra
dictions de bien des traditions d'origine.
1.3. De plus, ces communautés composites n'ont jamais été des entités
isolées. De multiples échanges de biens et de produits les ont toujours reliées
les unes aux autres : à l'intérieur même du monde négro-africain
d'une part et échanges avec le monde méditerranéen d'autre part. Les
premiers apportaient et apportent encore les kolas des zones préforestières
vers la savane et le sahel, le poisson séché des lacs et des grands fleuves vers
les villages de l'intérieur, les étoffes de tisserands réputés vers des contrées
moins expertes en tissage ou les outils de fer de groupes riches en forgerons
vers des utilisateurs à la métallurgie moins développée. Qu'ils aient revêtu
l'aspect du troc ou du payement ou qu'ils aient été matière à tribut imposés
par les plus forts, ces échanges remontent à un temps fort ancien ainsi que
l'atteste l'antiquité de certains itinéraires commerciaux comme les « routes
des kolas ». Les pistes reliant le Soudan — au sens ancien du terme — au
monde méditerranéen et proche-oriental n'ont sans doute guère moins d'an
cienneté. Par elles se sont échangés les objets manufacturés de l'Orient et
de l'Europe, les métaux et les denrées que l'Afrique ne produit pas contre
ses cuirs, son ivoire, son or et ses hommes. A ce courant est aussi due l'im
plantation de l'Islam phénomène parallèle à l'introduction sur les côtes,
à partir du xvie siècle du christianisme accompagnant les échanges avec les
nations européennes. Sur ce passé culturellement si complexe est enfin venue
se poser la marque des colonisateurs qui a en quelques décennies déclenché
un processus de transformations fondamentales aux résultats mal prévis
ibles.
1.4. La succession de faits qui ont au cours des âges modelé les sociétés
africaines et ont déterminé leur visage actuel demeure malheureusement
en grande partie inconnue ou mal connue puisque les sources permettant
une reconstruction du passé selon les méthodes habituelles sont rares et
tardives. Force est donc fréquemment de s'appuyer sur des traditions orales
obscures et souvent contradictoires, difficiles à interpréter de façon sûre 50
tant elles mêlent le mythe à l'histoire et tant leur objectivité et leur véra
cité sont sujettes à caution.
En cette situation la tentation est forte de se tourner vers d'autres
disciplines pour expliciter ce passé obscur. Ainsi est-on amener à se demander
si l'examen des faits linguistiques n'est pas susceptible d'apporter des indices
nouveaux de nature à infirmer ou à confirmer ce que d'autres sources per
mettent d'avancer, voire d'ouvrir des perspectives inattendues. Sans doute
se heurtera-t-on ici au même écueil et, faute de matériaux diachroniques,
devra-t-on utiliser des formes d'analyse partant des seules données synchro-
niques qui se perfectionneront à l'usage. Mais on peut espérer pouvoir dès
maintenant jeter quelques bases que compléteront et consolideront les
recherches ultérieures. Dans cette optique, il est certain que l

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