De Batavia à Saigon: Notes de voyage d un marchand chinois (1890) - article ; n°1 ; vol.47, pg 155-191
38 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

De Batavia à Saigon: Notes de voyage d'un marchand chinois (1890) - article ; n°1 ; vol.47, pg 155-191

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
38 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Archipel - Année 1994 - Volume 47 - Numéro 1 - Pages 155-191
37 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 46
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Extrait

Claudine Lombard-Salmon
Ta Trong Hiêp
De Batavia à Saigon: Notes de voyage d'un marchand chinois
(1890)
In: Archipel. Volume 47, 1994. pp. 155-191.
Citer ce document / Cite this document :
Lombard-Salmon Claudine, Trong Hiêp Ta. De Batavia à Saigon: Notes de voyage d'un marchand chinois (1890). In: Archipel.
Volume 47, 1994. pp. 155-191.
doi : 10.3406/arch.1994.2973
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arch_0044-8613_1994_num_47_1_2973Claudine SALMON & TA Trong Hiêp
De Batavia à Saïgon:
Notes de voyage
d'un marchand chinois (1890)
I. Présentation du texte
Les marchands chinois et d'origine chinoise établis dans les Mers du sud
n'ont cessé de naviguer d'un port à l'autre, mais force est de constater qu'ils
ne nous ont guère laissé de souvenirs de leurs expériences pour les hautes
époques (*). Ce n'est qu'à partir du XIXe s. qu'ils se risquent à composer de
petits textes dans les langues locales et en chinois. Le plus ancien, dont on ait
gardé le souvenir, et qui a même fait l'objet d'une publication en thai et d'une
traduction en anglais est celui d'un capitaine de jonque, un certain Chinkak
qui, étant au service d'un noble siamois, se rendit à Bali en 1846, pour y faire
du négoce (2\ Et encore ne s'agit-il que de la transcription d'un récit oral, fait
à son retour à Bangkok, à la demande de la cour (3) qui, à l'instar de celle de
Huê au Vietnam, était désireuse de s'informer sur les pays voisins et la poli
tique des Européens dans la région W.
Le développement de la presse en malais puis en chinois, dans les années
1880, contribua sans doute à stimuler la publication de récits de voyage mais
il est encore trop tôt pour avoir une idée de l'ampleur du phénomène. Au
hasard de nos lectures, nous en avons repéré quatre (deux en malais, deux en
chinois) publiés dans la presse de Batavia et de Singapour et un cinquième (en manuscrit. Pour ce qui est des deux en malais, l'un émane de Tan
Hoelo (Chen Fulao), un Peranakan de Batavia spécialisé dans la vente des pro
duits européens qui, en 1889, se rendit à l'exposition universelle de Paris <5) et
l'autre de Na Tian Piet (Lan Tianbi, né c. 1836), un marchand originaire de
Bengkulu (Sumatra), qui sillonna Sumatra et Java en 1900-1901 (6). En ce qui
concerne ceux en chinois, ils ont été composés en 1888, par deux Peranakan
de Singapour, Tan Keong Sum (Chen Gongsan, né c. 1861) et Li Qinghui (né 156 Claudine Salmon & Ta Trong Hiêp
à Malaka, c. 1830 et m. c. 1895) qui racontèrent dans le Laî Pau (Libao) &\
l'un ses expériences lors d'un voyage de quelque huit jours à Saigon, l'autre
un périple de deux mois et demi en direction de Shanghai et du Japon, via
Hong Kong, Fuzhou, Saigon, Xiamen et Canton. Alors que Tan Keong Sum
publia son récit dans la semaine qui suivit son retour <8), Li Qinghui ne
divulga le sien qu'en 1889 (9). Quant au texte resté manuscrit, il émane d'un
marchand résidant alors à Batavia, qui se rendit à Saigon en 1890, et est inti
tulé Wang Annan riji ou «Récit d'un voyage en Annam». Il était resté complè
tement ignoré, jusqu'à ce qu'il soit signalé, en 1987, dans le catalogue du
fonds Han-nôm de Leyde (10). C'est ce texte, qui évoque les relations écono
miques entre les négociants chinois de Batavia et de Saïgon/Cholon et nous
renseigne sur la façon dont l'un d'eux voyait le monde ambiant se transformer
sous l'impact occidental, que nous présentons ici, en nous aidant des récits de
Tan Keong Sum et de Li Qinghui qui ont été réédités et étudiés récemment,
avant d'en donner une traduction (1J).
Spéculations sur l'auteur du Wang Annan riji
Bien que l'auteur n'ait pas dévoilé son identité, il est aisé de déduire de
son texte qu'il était originaire du sud de la province du Fujian, tout comme les
autres voyageurs, sauf peut-être Chinkak qui pourrait aussi fort bien être ori
ginaire de Chaozhou au Guangdong <12). En effet, tout comme Tan Keong
Sum (Chen Gongshan) et Li Qinghui, notre auteur en arrivant à Saigon,
retrouve les Baba (13) des Straits Settlements qui sont venus investir dans la
colonie française. On reviendra sur ce point plus bas. Toutefois, à la diffé
rence des deux précédents auteurs, il ne semble pas avoir appartenu direct
ement aux grandes familles de Baba ou Peranakan <14), si l'on en juge par les
amis qui vinrent prendre congé de lui à Tanjung Priok, le jour de son
départ (15>. Néanmoins, son statut social n'était pas négligeable, car il voyagea
en seconde classe sur le bateau des Messageries maritimes.
Ce n'était pas le premier voyage qu'il effectuait comme il nous l'apprend:
«J'étais déjà venu à Singapour il y a seize ans. La ville n'avait pas encore la
prospérité actuelle». Plus loin, lorqu'il relate une promenade dans Saigon, il
note également qu'il était déjà venu dans cette ville seize ans auparavant et,
de toute évidence, y avait séjourné, comme il ressort de sa remarque: «Les
jours de loisir, je me promenais dans Saigon avec d'anciens compatriotes éta
blis de longue date en Annam». Et il connaissait aussi Hong Kong.
A en juger par le style du Wang Annan riji et sa calligraphie, à supposer
qu'elle ne soit pas d'une autre main (voir planches), on peut affirmer que
l'auteur avait reçu une bonne éducation chinoise. Savoir s'il était aussi un
Peranakan, est une question à laquelle il est difficile de répondre avec certi
tude. Au premier abord, on serait tenté de répondre par l'affirmative. A l'ins
tar des deux auteurs de Singapour, il n'hésite pas à glisser des mots étrangers
(malais, français et anglais) en transcription dans son récit, là où il pourrait
fort bien employer des termes chinois. Par exemple, tout comme Tan Keong
Sum qui, parlant des tamariniers plantés de chaque côté des rues de Saigon, De Batavia à Saigon 157
emploie l'expression malaise asem (16\ notre auteur emploie celle de bilik
pour désigner les «cabines» du bateau et celle de gambir pour «gambier» (17).
Et tout comme Li Qinghui qui, parlant des banques de Shanghai, se contente
de transcrire le terme anglais «bank» au lieu d'utiliser l'équivalent chinois
yinhang, notre auteur a recours à l'expression européenne «consul», notée en
hokkien kunsun, là où il aurait pu employer le terme chinois lingshi
(guan) (18>; de même en arrivant à Saigon, il utilise un terme composite pak
(nord) nga (quai) pour désigner le «quai du nord» par opposition à celui du
sud. Pourtant, un doute subsiste sur son éventuelle identité de Peranakan car, à
la différence de Tan Keong Sum et de Li Qinghui qui se réfèrent toujours au
temps européen, notre auteur, sauf pendant la traversée entre Batavia et
Singapour durant laquelle il se réfère à l'horloge du bateau, mesure inlassable
ment la durée, selon le comput traditionnel chinois (19). Or si ce comput se
retrouve à la même époque dans les récits émanant de fonctionnaires du gou
vernement mandchou en mission à l'étranger (20\ il était, à notre connais
sance, extrêmement rare dans les mers du Sud où les puissances coloniales
avaient imposé le temps européen (21).
Ce qui déroute également c'est la façon qu'a l'auteur de décrire la géogra
phie administrative du Vietnam en s'appuyant sur les informations orales, par
fois assez confuses, qu'il obtient vraisemblablement d'un compatriote établi à
Saigon. Il ne se soucie pas d'écrire les toponymes selon leur orthographe sino-
viêtnamienne, se bornant à les noter «phonétiquement», selon la prononciation
du sud du Fujian, tout comme il l'aurait fait pour des toponymes du monde
malais.
Ce qui est sûr, néanmoins, c'est que notre auteur était établi à Batavia
depuis un certain temps, en conséquence de quoi, il se garde de toute allusion
au système colonial hollandais et se contente de comparer celui des Français,
à Saigon, avec celui des Anglais, à Singapour. La seule remarque défavorable
à l'encontre des Hollandais apparaît à l'extrême fin de son récit, lorsque sur le
voyage de retour, il est exposé à la grossi

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents