De la dispensatio à la dispensation - article ; n°343 ; vol.92, pg 391-404

Jean-Pierre Bénézet

Description

Revue d'histoire de la pharmacie - Année 2004 - Volume 92 - Numéro 343 - Pages 391-404
From dispensatio to « dispensation ».
The verb to dispense and the substantive dispensation provide an opportunity to discover a pharmaceutical vocabulary sometimes fluctuating. The primitive base during the Middle- Age corresponds to operations preceding ingredients's mixing. This phase clearly defined, was intended to enable the controll of drugs's genuineness by the authorities. This words, out of pharmaceutical books, but under apothecars' pens don't designate always drugs' weighing and setting in order function but the tools. At the sixteenth and seventeenth century they correspond sometimes to furnitures. From the eigteenth to the begining of the twentieth century their use is reduced, falling to zero.
To day, emerging from disuse, to dispense and dispensation, the pharmacutical profession looks back upon its origins. The present day chemist who does not prepare the majority of medicines does not dispense in the historical meaning. It is part of his function, it is his duty, to give at this two words a human, professional and scientific dimension.
Le verbe « dispenser » et le substantif « dispensation » n'ont pas au Moyen Âge leur sens actuel. Ils désignent l'un des premiers gestes pharmaceutiques précédant la mixion des drogues et leur éventuelle cuisson.
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: REVUE_D-HISTOIRE_DE_LA_PHARMACIE
• Publié le: 01 janvier 2004
• Nombre de lectures: 6
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Jean-Pierre Bénézet
De la dispensatio à la dispensation
In: Revue d'histoire de la pharmacie, 92e année, N. 343, 2004. pp. 391-404.
Abstract
From dispensatio to « dispensation ».
The verb to dispense and the substantive dispensation provide an opportunity to discover a pharmaceutical vocabulary
sometimes fluctuating. The primitive base during the Middle- Age corresponds to operations preceding ingredients's mixing. This
phase clearly defined, was intended to enable the controll of drugs's genuineness by the authorities. This words, out of
pharmaceutical books, but under apothecars' pens don't designate always drugs' weighing and setting in order function but the
tools. At the sixteenth and seventeenth century they correspond sometimes to furnitures. From the eigteenth to the begining of
the twentieth century their use is reduced, falling to zero.
To day, emerging from disuse, to dispense and dispensation, the pharmacutical profession looks back upon its origins. The
present day chemist who does not prepare the majority of medicines does not dispense in the historical meaning. It is part of his
function, it is his duty, to give at this two words a human, professional and scientific dimension.
Résumé
Le verbe « dispenser » et le substantif « dispensation » n'ont pas au Moyen Âge leur sens actuel. Ils désignent l'un des premiers
gestes pharmaceutiques précédant la mixion des drogues et leur éventuelle cuisson.
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Bénézet Jean-Pierre. De la dispensatio à la dispensation. In: Revue d'histoire de la pharmacie, 92e année, N. 343, 2004. pp.
391-404.
doi : 10.3406/pharm.2004.5675
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pharm_0035-2349_2004_num_92_343_5675391
De la dispensatio
à la dispensation
par Jean-Pierre Bénézet *
Les mots dispenser et dispensation sont employés au Moyen Âge, sous
leur forme latine ou en langue vernaculaire, à propos de l'activité des
apothicaires. Dans les textes médicaux médiévaux, leur sens est peu
explicite ; peut-on considérer qu'ils ont alors leur signification actuelle de distr
ibution ? La consultation du Glossarium medi et infim latinitatis de Du Cange
est négative à ce propos. La dispensatio a une forte dimension canonique et théo
logique 2. Certes dispensa désigne la dépense au sens comptable et la réserve de
denrées 3. Dispensare, outre son sens juridique, signifie également dépenser.
D'après Gaffiot, dispensatio doit être traduit par administration, gestion, partage,
distribution, répartition, ce qui pour les deux dernières occurrences nous rap
proche de l'activité pharmaceutique 4. Le dictionnaire de Benoist et Goelzer
donne à dispensatio une signification supplémentaire, en adéquation avec le
vocabulaire pharmaceutique : « action de peser exactement, partage exact, égale
distribution 5 ». Cet usage, attribué à Varron, un polygraphe du siècle avant J.-C,
préfigure l' antidotaire de Nicolas où la dispensatio est définie comme les opéra
tions préliminaires de la préparation des médicaments composés et non leur dis
tribution aux malades. Dispensarium désigne enfin au Moyen Âge un ouvrage où
étaient consignées les formules des composés et non l'institution
charitable où l'on aurait donné des soins aux plus démunis.
Le mot dispensation, dans son acception pharmaceutique, correspond aujour
d'hui à l'acte de « distribution éclairée » effectué par le pharmacien. Le Code
de la Santé publique le définit de manière précise, marquant l'originalité de la
vente des médicaments, du moins tel que l'entend le législateur 6. La dispensat
ion comporte trois phases. L'« analyse pharmaceutique » dont le primum
movens est la lecture de la prescription médicale. Le pharmacien, paléographe
sans le savoir, exerce alors ses qualités de déchiffrage et sa perspicacité quand
* Rue du Porche à Carbassas, 12520 Paulhe
REVUE D'HISTOIRE DE LA PHARMACIE, LH, N° 343, 3e TRIM. 2004, 391-404. 392 REVUE D'HISTOIRE DE LA PHARMACIE
le médecin n'utilise pas un système informatique pour rédiger ses ordonnances.
Le texte lu, commence son interprétation. S'il n'est pas licite pour le pharmac
ien de s'immiscer dans la stratégie thérapeutique, la loi lui impose de détecter
d'éventuelles anomalies dues à une défaillance du médecin. Il devra ainsi véri
fier que la posologie est correcte, qu'il n'a pas été prescrit de médicaments
incompatibles entre eux ou contre-indiqués (médicaments interdits aux femmes
enceintes, aux enfants, etc.). Le pharmacien doit d'une manière générale s'assu
rer que la prescription ne sera pas préjudiciable au patient, primum non nocere !
Ce contrôle de l'ordonnance est fondé sur des données scientifiques élément
aires, figurant dans les dictionnaires de thérapeutique comme le Vidal.
L'informatique facilite cette analyse et la rend quasi instantanée. La dispensat
ion a également un aspect quantitatif et économique. Le pharmacien ne doit
distribuer que la quantité de médicament dont le malade a besoin par souci
d'économie pour les caisses d'Assurance Maladie. On peut faire un rapproche
ment, même s'il est réducteur, entre dispensation et la fonction de dépensier qui
consiste à veiller au bon usage des denrées dans une collectivité. Ajoutons éga
lement que dans le cadre de cet aspect économique le pharmacien est là pour
proposer des médicaments génériques et les substituer aux formules originales,
dans le souci d'économie sur les dépenses de santé. L'acte pharmaceutique, la
dispensation, comporte le devoir de conseil et d'information nécessaires au bon
usage du médicament. Le Code de la Santé prévoit enfin que le pharmacien doit
éventuellement apporter son soutien moral au malade. Le Dictionnaire des
sciences pharmaceutiques et biologiques, rédigé sur l'initiative de l'Académie
nationale de pharmacie, distingue les termes de dispensation et de délivrance.
La dispensation est définie en référence au Code de la Santé Publique comme
l'« acte pharmaceutique, au cours duquel le pharmacien délivre un produit, pres
crit ou non, en l'accompagnant d'un contrôle de l'ordonnance ou de la demand
e, de la préparation éventuelle des prises et d'informations et conseils néces
saires au bon usage et au suivi du médicament 7 ». La délivrance n'étant alors
que « la remise au malade ou à son représentant d'un produit demandé ou presc
rit, sous réserve de l'observation des dispositions légales 8 ». L'emploi du mot
dispensation, au sens du Code de la Santé Publique, est assez récent et n'a guère
franchi les limites du monde pharmaceutique. Pour le « grand public », le phar
macien est trop souvent celui qui « vend les médicaments ». Le mot dispensat
ion est déjà utilisé dans un décret du 9 août 1991, à propos de la délivrance des
substances vénéneuses dans les établissements hospitaliers 9. Dans la profes
sion, cet usage est légèrement plus ancien. La lecture des Informations phar
maceutiques, organe de liaison de l'Ordre national des pharmaciens, témoigne
de cet emploi à la fin de la décennie 1980-1990, avant la consécration du Code
de la Santé Publique et de l'Académie nationale de pharmacie. On peut ainsi
lire, dès 1988, sous la plume du président de la section A de l'Ordre national des DE LA DISPENSATIO À LA DISPENSATION 393
pharmaciens : « Le pharmacien, pour la plus grande partie de son activité dans
son officine, dispense des médicaments [...]» 10 et « Dans le domaine théra
peutique, l'hôpital est marqué par un développement de la technicité [...].
Chaque profession conserve sa spécificité en effectuant les actes relevant de sa
compétence propre, prescription, dispensation et administration du médica
ment. » n. Dans le contexte hospitalier, selon l'auteur précité, dispensation
aurait ainsi un sens plus restreint et ne comprendrait pas l'administration des
médicaments, assurée par le personnel infirmier. Dans une dernière citation
sont définies les conditions matérielles de la dispensation et son caractère pri
vilégié : « Il est nécessaire que nos officines prédisposent à cette confidential
ité en créant des postes de dispensation dignes