De la négation dans les langues romanes du midi et du nord de la France (troisième et dernier article). - article ; n°1 ; vol.13, pg 203-247
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De la négation dans les langues romanes du midi et du nord de la France (troisième et dernier article). - article ; n°1 ; vol.13, pg 203-247

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Description

Bibliothèque de l'école des chartes - Année 1852 - Volume 13 - Numéro 1 - Pages 203-247
45 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1852
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Alfred Schweighæuser
De la négation dans les langues romanes du midi et du nord de
la France (troisième et dernier article).
In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1852, tome 13. pp. 203-247.
Citer ce document / Cite this document :
Schweighæuser Alfred. De la négation dans les langues romanes du midi et du nord de la France (troisième et dernier article).
In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1852, tome 13. pp. 203-247.
doi : 10.3406/bec.1852.445063
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_1852_num_13_1_445063DE
LA NÉGATION
DANS LES LANGUES ROMANES
DÜ MIDI ET DU WORD DE LA FRANCE '.
DEUXIÈME PARTIE.
DES SUPPLÉMENTS DE LA NÉGATION.
CHAPITRE I
Des négations expletives ou artificielles.
Après avoir examiné la négation en elle-même , dans la pre
mière partie de ce travail , nous allons traiter, dans la seconde ,
de certains artifices de langage qu'on a employés de tout temps,
selon nous, mais surtout au moyen âge , pour affirmer ou pour
nier avec plus d'énergie. Pour affirmer ou pour nier, disons-
nous, bien qu'au fond ce soit tout un , car la négation n'est
qu'une forme de l'affirmation : nier, c'est affirmer qu'une chose
n'est pas.
L'emploi de ces moyens artificiels, de ces suppléments de
l'affirmation ou de la négation , tient à la nature même de
l'homme, qui veut être cru, soit qu'il dise la vérité, soit qu'il la
dissimule , et plus encore peut-être dans ce dernier cas que
dans Je premier. Il n'est probablement pas de langue où l'affi
rmation, quand elle a une certaine importance, ne soit placée
1. Voyez t. Il, p. 131 et î î 1 . osa
204
sous le patronage de quelque divinité, ou pour le moins de
quelque demi-dieu, de saint. Cette tendance naturelle a
eu ses abus, qu'il a fallu réprimer par des mesures sévères, et,
de là, l'ordonnance de saint Louis contre les blasphémateurs.
A côté de l'invocation ou du serment, il est un autre moyen
plus innocent, et non moins fréquemment employé pour affirmer
ou nier d'une manière énergique: c'est la comparaison , qu'il
importe beaucoup d'étudier pour compléter notre théorie de la
négation.
Lorsqu'on a recours à cette figure pour nier plus fortement,
on compare l'objet même de la négation, qui est le premier terme
de la comparaison, avec un second terme, qui est un objet; d'une
"valeur nulle ou très-minime. Exemples :
Tua magnifica verba, neque istas tuas magnas minas
Non pluris facio, quam ancillam me am, qua; i.atrinatn lavât.
(Flaute, Cure, IV, 4, 23.)
Mon amy, la coustume est telle,
Qui n'a argent, l'on n'en tient compte
Nem plus que d'une vieille pelle.
{Dialogue du Mondain, cité par Roquefort, Gloss., II, p. 232.)
Dans ces exemples , qu'il serait facile de multiplier, la figure
est entière; elle n'est point voilée par i'ellipse. Le tour est pri
mitif ; aussi est-ce celui qui revient le moins souvent. De même
que la rapidité de la prononciation fait perdre à un mot une ou
plusieurs lettres, de même le besoin de courir au but, dans
l'expression de la pensée, fait supprimer des stations interméd
iaires , si Ion peut dire. Voilà pourquoi la comparaison auxi
liaire de la négation est devenue de bonne heure, et est demeurée
le plus souvent elliptique, comme dans les nombreux exemples
rapportés ci-après. L'ellipse, dans ce cas, fait disparaître le signe
du rapport entre les deux termes de la comparaison.
Le second de ces termes a été appelé, par M. Raynouard,
négation expletive; d'autres l'ont appelé négation artificielle.
Qu'on choisisse entre ces deux noms ou qu'on les adopte l'un et
l'autre, peu importe; qu'on sache bien seulement qu'ils sont
tous deux inexacts. La négation , en effet , ne se trouve à aucun
degré, ni faible ni forte, dans les mots qui lui servent, de sup
plément ou de complément; et la preuve, c'est que ces mots, dune valeur invariablement positive, servent aussi bien à af
firmer qu'à nier. Il se peut qu'on les ait employés plus souvent
à ce dernier usage; mais ce n'est là qu'une pratique qui n'infirme
en rien la théorie.
Chez les Grecs, le terme de comparaison habituel paraît avoir
été le mot yp^, auquel on attribue divers sens : c'était , selon les
uns, une onomatopée qui imitait le grognement du cochon. Selon
d'autres, y?u était le nom d'une petite monnaie, ou désignait la
poussière qui s'amasse sous l'ongle et le noircit * . Oùoà you , pas
même gry, rien.
Les Latins avaient adopté , pour le même usage , les substant
ifs floccus , un flocon de laine; naucus , probablement un zeste
de noix; pilus, un cheveu, etc. D'où les locutions proverbiales
non flocci, non nauci, etc., facere, pendere ou habere, faire d'une
chose moins de cas que d'un flocon de laine ou d'un zeste de
noix, n'en tenir aucun compte 2.
Gaeterum qui sis, qui non sis, floccum non interduim.
(Plauxe, Trinumus, IV, 2, 152.)
Qui homo tiinidus erit in rebus rîubiis, non nauci cri t.
Atque equidem quid id esse dicam verbum nauci, nescio.
(Id., Mostell., V, 1,1.)
Ego enim ne pilo quidem minus me amabo.
(Cic, Ep. ad Quint, fr., II, 16.)
Il faut y ajouter l'expression archaïque ne hilum , si familière
aux Romains, qu'il en est sorti un substantif composé , nihilum,
par syncope, nihil , nil. « Hilum^ ditFestus, putant esse, quod
grano fabae adhaeret ; hinc dicitur de re minima et nullius
pretii. » Ne hilum, c'est-à-dire pas même le point noir empreint
sur la fève; par conséquent, très-peu de chose, rien. Exemple :
Sisiphu' versât
Saxum Sudans nitendo, neque profîcit hilum.
(Cic, Tuscul., 1, 5.)
1 . Voyez le Thesaurus d'Henri Estienne, au mot Tpy.
2. Si nous en croyons Festus, le mot hetla avait donné naissance à une phrase du
même genre. Voici le passage : « Hetta, id est hiatus hominis atque oscitatio. Ali-
qui dicunt esse pustulam, quse in coquendo pane solet assurgere. A qua acci-
pimus rem nullius prelii, cum dicimits. Non hetla te facio, » des négations expletives chez les Latins ne s'est point L'usage
borné à ces façons de parler proverbiales et, pour ainsi dire ,
stéréotypées dans la langue. Il n'est pas rare de rencontrer dans
les textes où se retrouvent plus particulièrement les habitudes
du langage familier, dans les comédies de Plaute, par exemple,
des négations par voie de comparaison, dans lesquelles le second
terme est une petite monnaie, une plume, un chiffon ou tout
autre objet de peu. Parmi ces négations quelques-unes sont à
noter plus spécialement, parce qu'elles semblent être le germe
d'expressions très-analogues , en grand usage plus tard dans les
langues romanes. On les trouvera plus loin , à côté de ces
dernières :
As:
Cur non exsilium malasque in oras
Itis? quandoquidem patris rapinae
Notœ sunt populo, et nates pilosas,
Fili, non potes asse venditare.
(Catulle, XXXIII, 5, in Fibennios.)
Ciccus, la pellicule qui sépare les grains de la grenade :
Eluas tu an exungare, ciccum non interduim.
(Plaute, Hudens, II, 7, 22.)
Dupondius, monnaie valant deux as :
Vix me teneo, et sum natura ealdicerebrius : quum eœpi, matrein meam
dupondii non facio. (Pétrone, ch. 58.)
LlBELL :
Siquidem, Hercle, etiam supremi promtes thesauros Jovjs,
Tibi libel! am orgenti nunquam credam.
(Plaute, Pseudolus, II, 2, 34.)
ÎNumus :
Quoi homini hodie peculi numus non est plumbeus.
[Id., Casina, II, 3, 40.)
IN'ux :
Non ego nunc emam vita m tuam vitiosa nuce.
(Jd., Miles glorios us, II, 3, 45.)
Pluma :
Pluma ha ad, interest, patromis, an. cliens proprior siet. quoi nulia in pectore est audacia. Homini,
(Plaute, Mostellaria, II, I, 00.)
Tekunciüs (ter, uncia) , monnaie de cuivre valant le quart de
las :
Neque ridiculos jam terunci faciunt.
{Id., Capt., III, 1, 17.)
Titivillitium , brin de fil, charpie :
Non istuc ego verbum emissim titivillitîo.
{Id., Casina, II, 5, 39)
Triobolum :
Non ego homo triboll sum, nisi ego illi mastigiao
Exturbo oculos atque denteis !
{Id., Pœnulus, I, 2, 168.)
Imo, Hercle, ut scias gaudere me, mihi triobolum
Ob earn ne duis : condono te.
{Id., Rudern, V, 3, 11.)
Les négations expletives ont acquis une extension immense au
moyen âge. Français ou Provençaux, nos pères ont épuisé tour


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