De quelques incidences des médias sur les systèmes démocratiques - article ; n°100 ; vol.18, pg 107-136
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Réseaux - Année 2000 - Volume 18 - Numéro 100 - Pages 107-136
Comment penser l'impact des formes nouvelles de médiatisation du politique sur le fonctionnement des démocraties ? En mettant d'abord en doute un ensemble d'automatismes d'analyse, toute une épistémè communicationnelle : celle de la nostalgie d'un âge d'or de la démocratie rationnelle ; celle d'une perception techniciste des médias qui les coupe de leurs conditions sociales de fonctionnement ; celle d'une célébration souvent imprudente des pouvoirs de l'« opinion ». En cherchant à saisir ensuite la recomposition d'un champ de forces. Celui-ci est marqué par l'émancipation croissante (et ambiguë) des médiateurs, la dynamique autarcique du champ politique, les effets inhibiteurs des sondages sur certaines prises de position politique. Si l'approche sociologique ne permet guère de conforter le discours édifiant de la « démocratie d'opinion », elle aide à cerner de nouvelles relations d'interdépendance au sein du champ politique, à identifier en quoi les médias peuvent ouvrir des espaces de participation et de contre-pouvoirs.
How can the impact of new forms of mediatization of politics on the functioning of democracies be studied? First, by calling into question an automatism, a communicational episteme consisting of nostalgia for a golden age of rational democracy, a technicist perception of the media which cuts them off from their social conditions of functioning, and an often careless celebration of the power of opinion. Secondly, by trying to grasp the recomposition of a field of forces characterized by the growing (and ambiguous) emancipation of mediators, the autarchic dynamics of the political field, and the inhibitory effects of surveys on certain political standpoints. Even if the sociological approach is of little use in reinforcing the edifying discourse of the democracy of opinion, it does help to define the new relations of interdependence within the political field, and to identify how the media can open areas of participation and counter-authority.
30 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 49
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Erik Neveu
De quelques incidences des médias sur les systèmes
démocratiques
In: Réseaux, 2000, volume 18 n°100. pp. 107-136.
Résumé
Comment penser l'impact des formes nouvelles de médiatisation du politique sur le fonctionnement des démocraties ? En
mettant d'abord en doute un ensemble d'automatismes d'analyse, toute une épistémè communicationnelle : celle de la nostalgie
d'un âge d'or de la démocratie rationnelle ; celle d'une perception techniciste des médias qui les coupe de leurs conditions
sociales de fonctionnement ; celle d'une célébration souvent imprudente des pouvoirs de l'« opinion ». En cherchant à saisir
ensuite la recomposition d'un champ de forces. Celui-ci est marqué par l'émancipation croissante (et ambiguë) des médiateurs,
la dynamique autarcique du champ politique, les effets inhibiteurs des sondages sur certaines prises de position politique. Si
l'approche sociologique ne permet guère de conforter le discours édifiant de la « démocratie d'opinion », elle aide à cerner de
nouvelles relations d'interdépendance au sein du champ politique, à identifier en quoi les médias peuvent ouvrir des espaces de
participation et de contre-pouvoirs.
Abstract
How can the impact of new forms of mediatization of politics on the functioning of democracies be studied? First, by calling into
question an automatism, a communicational episteme consisting of nostalgia for a golden age of rational democracy, a technicist
perception of the media which cuts them off from their social conditions of functioning, and an often careless celebration of the
power of "opinion". Secondly, by trying to grasp the recomposition of a field of forces characterized by the growing (and
ambiguous) emancipation of mediators, the autarchic dynamics of the political field, and the inhibitory effects of surveys on
certain political standpoints. Even if the sociological approach is of little use in reinforcing the edifying discourse of the
"democracy of opinion", it does help to define the new relations of interdependence within the political field, and to identify how
the media can open areas of participation and counter-authority.
Citer ce document / Cite this document :
Neveu Erik. De quelques incidences des médias sur les systèmes démocratiques. In: Réseaux, 2000, volume 18 n°100. pp.
107-136.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reso_0751-7971_2000_num_18_100_2215/of
DE QUELQUES INCIDENCES DES MEDIAS
SUR LES SYSTEMES DEMOCRATIQUES
Erik NEVEU
© Réseaux n° 100 - CNET/Hermès Science Publications - 2000 Comment les formes de médiatisation du débat public ont-elles fait
évoluer les démocraties contemporaines ? La question peut réveiller
dans le chercheur le prophète ou la Sybille qui ne dorment que d'un
œil et inspirer une dissertation sur la postdémocratie on Une. Elle peut
encore inviter à jouer les Cecil B. De Mille d'une socio-histoire politique de
la communication, à jongler adroitement avec le jeu des sphères (logo-,
grapho-) censé symboliser la succession des régimes de communication. On
mobilisera ici des ressources plus triviales : un investissement désormais
ancien de chercheur sur les rapports entre personnel politique et médias, un
savoir-faire d'enseignant qui consiste aussi à théoriser devant les étudiants
les joies de la déconstruction des intitulés de dissertation. Et il n'est pas si
évident de mettre ici en œuvre l'un des premiers impératifs du manuel de
méthode : la fameuse « définition du sujet* ». Démocratie ? J'ai fait le choix
d'utiliser avec prudence ce mot dans des textes scientifiques... détail qui n'a
point échappé à deux collègues sagaces1 qui ont dressé la liste des
hérétiques qui expriment de «profondes réserves» sur la démocratie, n'y
voient que « domination » et jeux d'intérêts, quand des savants plus avisés
la tiennent, eux, pour « digne d'être défendue ». Et pourtant, l'usage du
terme requiert des « réserves ». Trop souvent il désigne simultanément un
modèle normatif et ses traductions empiriques. Trop souvent il repose sur
des quiproquos. La fréquentation de la philosophie politique dit assez la
richesse et la diversité des conceptions de la démocratie2 qu'un usage
machinal du terme en vient à oublier. Les analyses de Schudson3, celles de
Le Bohec4 montrent combien les représentations que le langage, tant savant
qu'ordinaire, associe à l'idée d'un rôle des médias en démocratie sont
contradictoires et empiriquement peu conciliables. Enfin, trop de références
* Je remercie Dominique Marchetti pour sa lecture critique de ce texte.
1. CAYROL et MERCIER, 1998 et NEVEU, 2000.
2. Pour ne donner qu'un très petit nombre de références, voir SARTORI, 1969 ; MANIN,
1995 ; BIDET, 1994 ; ainsi que le travail de REYNIE, 1998, sur la généalogie de l'espace
public dans la philosophie politique.
3. SCHUDSON, 1995, spécialement le chapitre 10 « Information Media and the Democratic
Process ».
4. LE BOHEC, 1997. Réseaux n° 100 110
à la démocratie sacrifient à une illusion rétrodictive, la pensant comme
l'avènement d'un modèle formulé par des philosophes et dirigeants
politiques, quand ceux-ci, quelle que soit la richesse de leurs apports, n'ont
souvent fait que systématiser ex-post des changements dans le mode de
gouvernement des sociétés qui émergeaient à chaud de luttes sociales et
symboliques multiformes5.
Faut-il pour autant renoncer à utiliser le mot de démocratie, a minima pour
l'opposer normativement et empiriquement à d'autres modèles
(totalitarisme, autoritarismes), ou comme désignation d'un mode
d'organisation politique concret ? Non. Mais il faut alors tirer les
conséquences de l'interférence entre le normatif et l'empirique : en
cherchant à limiter le flou notionnel6, en considérant que l'analyse des
décalages entre le modèle revendiqué et son fonctionnement empirique7 fait
partie intégrante du travail d'analyse de la démocratie. Ces préalables posés,
on cherchera à cerner des évolutions liées à deux grands registres de
changement dans la médiatisation. Les uns viennent de l'évolution de la
presse écrite (nationale dans cet article), de la place conquise par
l'audiovisuel (radio, plus encore télévisions) et les réseaux. Les autres ont
trait aux processus de professionnalisation et de « scientifisation » des
instruments de formalisation d'une opinion publique (sondages en
particulier) et des techniques de communication utilisées par les
professionnels de la politique. Sans donner à ce moment le statut d'une
commencement absolu, on peut associer à la charnière des années soixante
et soixante-dix la visibilité de ces évolutions, ce dont atteste alors la
floraison d'une littérature, produite par des chercheurs, mais aussi divers
5. Voir pour illustration le travail de l'historien David Zaret, 1997, sur le rôle des pétitions
pendant la révolution anglaise dans l'émergence d'une problématique du gouvernement de
l'opinion publique.
6. Ici des régimes politiques qui reposent sur des élections concurrentielles, le suffrage
universel, l'organisation juridique d'une limitation des pouvoirs des gouvernants et d'une
garantie aux gouvernés du respect de droits de l'homme. Il faudrait plus encore dépasser
l'approche juridique en construisant une définition qui intègre les conditions sociales de
possibilité d'un tel régime, comme par exemple un fort degré de division sociale du travail,
une pacification des mœurs liée à l'essor de l'état, une pluralité d'élites et de groupes sociaux
organisés qui évitent la monopolisation du pouvoir social, etc.
7. Par exemple, l'existence d'agissements illégaux des gouvernants et des administrations, la
privation de droits civils ou politiques qui frappe de vastes populations « immigrées », la
nécessité pratique d'énormes ressources monétaires pour prendre part à certaines
compétitions électorales. et systèmes démocratiques 111 Médias
acteurs politiques, qui s'interroge sur le possible changement des règles du
jeu démocratique8.
La question des effets des médias sur la démocratie est, plus que d'autres,
propice à illustrer la formule de Bachelard selon laquelle « Le réel n'est jam

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