De Tolkien à « Yu-Gi-Oh » - article ; n°1 ; vol.77, pg 167-181
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Description

Communications - Année 2005 - Volume 77 - Numéro 1 - Pages 167-181
Partant de Tolkien et finissant avec Yu-Gi-Oh, il s'agit de suivre des motifs dans la façon dont ils ont enrichi la culture populaire des enfants et des adolescents en se transformant lors de ce voyage. Cette culture est aujourd'hui caractérisée par la diversité des supports et l'importance des objets ludiques tels les jeux de cartes, les jeux de rôle, les jeux vidéo. Si l'œuvre de Tolkien semble essentielle dans ce processus par la richesse dont elle est porteuse, mais aussi par sa structure, ce qui lui a donné une place centrale, c'est la rencontre avec l'univers du jeu.
Beginning with Tolkien and ending with Yu-Gi-Oh, this article traces some key themes in the development of the popular culture of children and adolescents. This culture is characterized today by the diversity and interpénétration of media and the growing importance of trading cards, role playing games, and video games. The work of Tolkien has contributed significantly to the richness and the structure of this multi-media world of play and games.
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2005
Nombre de lectures 42
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Gilles Brougère
De Tolkien à « Yu-Gi-Oh »
In: Communications, 77, 2005. pp. 167-181.
Résumé
Partant de Tolkien et finissant avec Yu-Gi-Oh, il s'agit de suivre des motifs dans la façon dont ils ont enrichi la culture populaire
des enfants et des adolescents en se transformant lors de ce voyage. Cette culture est aujourd'hui caractérisée par la diversité
des supports et l'importance des objets ludiques tels les jeux de cartes, les jeux de rôle, les jeux vidéo. Si l'œuvre de Tolkien
semble essentielle dans ce processus par la richesse dont elle est porteuse, mais aussi par sa structure, ce qui lui a donné une
place centrale, c'est la rencontre avec l'univers du jeu.
Abstract
Beginning with Tolkien and ending with Yu-Gi-Oh, this article traces some key themes in the development of the popular culture
of children and adolescents. This culture is characterized today by the diversity and interpénétration of media and the growing
importance of trading cards, role playing games, and video games. The work of Tolkien has contributed significantly to the
richness and the structure of this multi-media world of play and games.
Citer ce document / Cite this document :
Brougère Gilles. De Tolkien à « Yu-Gi-Oh ». In: Communications, 77, 2005. pp. 167-181.
doi : 10.3406/comm.2005.2268
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_2005_num_77_1_2268Gilles B rougè re
De Tolkien à « Yu-Gi-Oh »
La culture populaire, du livre aux cartes
L'art les émeut, ils ne savent pas comment, et
l'ivresse les prend. Beaucoup de jeunes Américains
ont avec ces histoires un rapport qui m'est étranger.
Tolkien, cité in Carpenter, 1980, p. 247
Un Jeu « Magic ».
Parmi les jeux de société qui ont connu ces dernières années un grand
succès, on trouve un jeu de cartes, Magic : L'Assemblée, qui a renouvelé
profondément la place de la carte à jouer dans l'univers des enfants et
des adolescents. S'appuyant sur de nouveaux principes ludiques, il a très
vite fait des émules, comme les cartes Pokémon^ dont le déferlement a
défrayé la chronique. Face à de tels succès, d'autres univers narratifs ont
été mis en cartes : Harry Potter s'y est essayé et aujourd'hui la carte est
devenue un produit dérivé incontournable pour les séries télévisées ou
certains films, un support d'inscription majeur de la culture populaire
destinée aux enfants et aux adolescents. À l'heure d'Internet, cela re
ssemble à une belle revanche pour un produit culturel et symbolique aussi
ancien, apparemment éloigné des enjeux de la modernité. Le contraste
n'est qu'apparent, car c'est Internet qui offre au joueur l'information dont
il a besoin pour maîtriser ces univers exponentiels de cartes qui supposent
également un outil informatique pour que le fabricant puisse les concev
oir, les produire, les diffuser, les promouvoir. Dénuées de puces, ces cartes
n'en sont pas moins des représentantes d'une modernité qui, surtout sous
ses formes tardives ou post-, prend souvent des airs de vieille chose, se
« la joue » traditionnelle.
Revenons à notre point de départ, le jeu Magic et les principes ludiques
qu'il propose (Brougère, 2003). À un premier niveau, il s'agit d'un duel
167 Gilles B rougè re
comme nombre de jeux en connaissent. Mais la radicale nouveauté est
que ce duel n'est pas effectué avec un matériel partagé par les joueurs.
Chaque joueur arrive dans l'arène avec son jeu de cartes, qu'il a composé
avant l'affrontement. Pour cela, il a dû respecter des règles de combinais
on, choisir parmi les cartes existantes (et possédées), et, afin d'optimiser
ses chances de gain, développer une stratégie dès l'organisation de son
paquet personnel. Cela tranche avec le principe d'un matériel partagé par
l'ensemble des joueurs, offrant à chacun des chances égales (ou une équi-
probabilité) de gagner.
Avec Magic, les joueurs peuvent augmenter leur chance en relation avec
leur capital de cartes. Cela conduit, dans certaines formes de jeux, à
prendre une carte comme enjeu de la partie. On retrouve là un élément
issu de certains jeux d'adresse comme les billes, mais inédit pour un jeu
de stratégie. Les tournois établissent des contraintes dans la composition
des paquets pour la concilier avec l'égalité virtuelle des joueurs. Le jeu à
deux temps, de la constitution de son matériel (ou deck., selon la termi
nologie officielle) au jeu de duel, constitue une des richesses de Magic.
L'auteur du jeu, Richard Garfield, met en évidence le concept de paquet
de cartes personnalisées comme élément original du jeu, tout son travail
de conception ayant consisté à trouver la structure ludique adéquate.
Ce principe implique une interférence forte avec la logique marchande
puisque pour enrichir son jeu (et, ce faisant, s'appauvrir) le joueur doit
constamment acheter de nouvelles cartes. Mettre en évidence cette dimens
ion « marketing » de Magic n'en épuise pas pour autant l'intérêt et le
sens, mais permet de comprendre pourquoi les univers de fiction vont se
transformer en jeu de cartes pour stimuler l'achat constant de nouveaux
produits. Reste un jeu profondément original dans son principe : instaurer
un premier temps ludique qui peut être solitaire et consistant à sélection
ner ses cartes ; cela suppose des achats renouvelés, ce qui en fait un jeu
prototypique de la société de consommation, mais aussi le recours à Inter
net pour disposer des informations nécessaires à l'agencement de son
paquet, connaître les nouveautés, éventuellement échanger ou acheter ses
cartes sur le marché de l'occasion.
Si novateur que soit ce principe qui a conféré à Magic un succès pla
nétaire et institué certaines imitations comme les Pokémon en véritables
phénomènes de société, ce n'est pas ce qui justifie de commencer cette
exploration des nouvelles formes de la culture populaire enfantine et
adolescente par lui. Ce jeu aurait pu se passer de toute référence narrat
ive : les règles sous-jacentes sont totalement abstraites et impliquent des
rapports de force définis par les cartes et par les relations qu'elles entre
tiennent les unes avec les autres. Mais ce n'est pas ce qui advint. Ce qui
est vendu n'est pas un système abstrait, mais un univers de magie, comme
168 Tolkien à « Yu-Gi-Oh » De
l'indique le nom du jeu. Chaque carte porte une représentation et un nom
qui renvoient à ce monde de conies fait de magiciens, de créatures fabu
leuses, d'êtres aux pouvoirs surnaturels, d'animaux fantastiques. Tout
l'univers abstrait du jeu est traduit dans le monde de la fable, comme le
justifie l'auteur du jeu :
J'ai fini par me décider pour un iriultivers, un gigantesque système de
« mondes liés », qui permettait toutes sortes d'interactions bizarres entre
les univers qu'il contenait. Cela nous permettait de bénéficier des
aspects du médiéval fantastique, qui ajoute une telle saveur au jeu, tout
en maintenant un cadre de jeu cohérent et jouable [...]. J'ai donc déve
loppé l'idée de Dominia, un système de « plans » interconnectés où
voyagent les sorciers, à la recherche de ressources pour alimenter leur
magie (Magic : L'Assemblée, 1996, p. A-13).
Derrière le jeu se cache une histoire que certains ouvrages ont pu révéler
aux joueurs intéressés. Cet univers de fiction n'est pas choisi au hasard,
il renvoie à un genre qui a dominé la culture adolescente de ces derniè
res années. Appelé ici médiéval fantastique^ ailleurs heroic fantasy , il
mélange merveilleux et histoire ancienne. Mais Magic ne se limite pas à
une source, et l'astuce des différents plans ou mondes permet d'associer
des referents imaginaires variés, d'emprunter à l'Egypte comme aux légen
des nordiques, de mobiliser tous les univers fantastiques possibles, d'au
tant plus que le principe consiste à proposer régulièrement des extensions
avec, chaque fois, une thématique dominante.
Magic apparaît comme un des carrefours de cette culture populaire
enfantine et adolescente contemporaine : carrefour parce que lieu
d'emprunt de soxirces ludiques, littéraires, cinématographiques préexis
tantes, mais aussi moteur pour des développements vers de nouveaux
produit

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