Déontologie médicale : quelques problèmes - article ; n°2 ; vol.81, pg 519-536
19 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Déontologie médicale : quelques problèmes - article ; n°2 ; vol.81, pg 519-536

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
19 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Mélanges d'archéologie et d'histoire - Année 1969 - Volume 81 - Numéro 2 - Pages 519-536
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1969
Nombre de lectures 10
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Danielle Gourevitch
Déontologie médicale : quelques problèmes
In: Mélanges d'archéologie et d'histoire T. 81, 1969. pp. 519-536.
Citer ce document / Cite this document :
Gourevitch Danielle. Déontologie médicale : quelques problèmes. In: Mélanges d'archéologie et d'histoire T. 81, 1969. pp. 519-
536.
doi : 10.3406/mefr.1969.7583
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-4874_1969_num_81_2_7583DEONTOLOGIE MEDICALE:
QUELQUES PROBLÈMES (*)
PAR
Danielle Gotjrevitch
Membre de l'Ecole
I. - Refus de soins, abandon de malades.
Depuis les textes hippocratiques, la tradition antique revendique pour
le médecin la liberté de soigner ou de ne pas soigner, d"1 accepter ou de refuser
de prendre en charge un malade. Pour la jurisprudence contemporaine, et
dans l'esprit du public, le refus du médecin prend de plus en plus facilement
le nom, bien grrave, de « non-assistance à personne en danger » 1. Les
* "F. Wehrli, Ethik und Medizin, zur Vorgeschichte der aristotelischen Mesonl
ehre, dans Museum, lielveticum, 1951, p. 36-62, ne s'occupe nullement de morale
quotidienne mais des principes philosophiques servant de fondements aux
théories médicales. Par contre il y a quelques bonnes pages dans le chapitre
III de l'ouvrage de Ludwig Edelstein, ΠΕΡΙ 'ΑΕΡΩΝ und die Sammlung der
hippokratischen Schriften, Berlin, Weidmannsche Buchhandlung, 1931, Proble-
mata Heft 4. Ce texte a été récemment traduit dans Ancient medicine, selected
papers of Ludivig Edelstein, edited by Owsei Temkin and C. Lilian Temkin,
Baltimore Maryland, The Johns Hopkins Press, 1967, p. 87-110.
1 Gode pénal, article 63: «... Sera puni ( ) quiconque s'abstient volon
tairement de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui
ni pour les tiers, il pouvait lui prêter, soit par son action personnelle, soit en pro
voquant un secours». Le Guide pratique d' exercice professionnel à Vusage des méde
cins commente p. 87: «L'application de cet article a donné lieu à de nombreuses
affaires judiciaires concernant des médecins, et il existe d'ores et déjà une juri
sprudence abondante sur ce sujet: celle-ci a beaucoup étendu le champ d'action
de la loi, et, dans l'état actuel, en donne une interprétation particulièrement
sévère pour les médecins. Notamment la jurisprudence a précisé de façon explicite
que l'article 63 s'appliquait non seulement aux personnes présentes, mais aussi à
celles qui seraient averties du péril à distance. De ce fait, ce texte de loi concerne
en priorité le corps médical, ce qui n'était pas le cas lors de sa promulgation». DANIELLE GÔUREVITCH 520
temps ont donc bien changé depuis Hippocrate qui, lui, jugeait néces
saire à l'honnêteté professionnelle la liberté du médecin de ne pas entre
prendre un traitement L.
Ce refus (accompagné de la conviction qu'il est juste) fait partie
de la médecine elle-même puisque, selon De V 'Art III, elle comporte
trois parties:
— écourter les souffrances des malades,
— diminuer la violence des maladies,
— ne pas toucher à ceux qui sont vaincus par leiir maladie.
Notons qu'il ne s'agit jamais dans les textes hippocratiques de re
fuser un malade par antipathie personnelle, ou pour des raisons famil
iales 2; jamais au contraire n'entrent en jeu la personnalité du médecin,
ses problèmes, ses relations avec les autres. Il n'est jamais question que
des cas graves, jugés incurables 3, et qui, du moins à nos yeux de « mo-
1 Si l'article 35 du Code de déontologie médicale dit bien que « hors le cas
d'urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d'humanité, un médecin a
toujours le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou per
sonnelles », on sait que sa portée est à peu près anéantie par l'article du Code
Pénal ci-dessus.
2 Le Code de déontologie (article 35) admet ces raisons personnelles mais
précise qu'une fois le malade pris en charge, (Titre premier, article 3), « le mé
decin doit soigner avec la même conscience tous ses malades, quels que soient
leur condition, leur nationalité, leur religion, leur réputation et les sentiments
qu'ils inspirent ».
3 Hippocrate, Aphorismes, VII, LXXXVII. Les aphorismes établissent une
hiérarchie entre les différents modes de traitement, et les maladies auxquelles
ils correspondent: Όκόσα φάρμακα ούκ Ίήται, σίδηρος ίήται · δσα σίδηρος ούκ ίήται,
πυρ ίήται · δσα δε πυρ ούκ ίήται, ταϋτα χρή νομίζειν ανίατα. Hippocrate, Prorrh., Il,
L2: « Donc toutes les blessures qui, soit, comme il vient d'être dit, par un
état du corps ou de l'âme, ou par un état d'orgasme, soit par la. grandeur,
sont assez graves pour que le sujet ne puisse, reprenant ses sens, être disposé
au traitement, il faut les abandonner, quelles qu'elles soient, sauf les lipothy
mies éphémères. Le médecin doit se charger du traitement de toutes les autres,
quand elles sont récentes, veillant à ce que les patients échappent aux fièvres,
aux hémorragies et aux affections serpigineuses. C'est dans les blessures les
plus graves que la vigilance doit toujours être, cela est bien entendu, la plus
attentive et durer le plus longtemps » (trad. Littré) ("Οσα μεν ούν των τρωμά-
των καιρού ετυχεν, ή σώματος τε και γνώμης τοιαύτης, ή όργώντος οΰτω του σώματος, ή
μέγεθος τοσαΰτα ην ώστε μη δύνασθαι καταστήναι τον άνθρωπον εις τήν ίησιν καταφρο-
νέοντα, τοϊσι μέν έξίστασθαι χρή όποια αν ή, πλην των εφήμερων λειποθυμιών " τοΐσι
δ' άλλοισι πάσιν έπιχειρέειν, νεοτρώτοισιν έοϋσιν, ώς αν τους τε πυρετούς διαφεύγωσιν οί
άνθρωποι και τας νομας φυλασσόμενον. Άτρεκέστατα δε και επί πλείστον χρόνον τας
φύλακας αίεί των δεινότατων ποιέεσθ-αι · καί γαρ δίκαιον ούτως ) . DÉONTOLOGIE MÉDICALE: QUELQUES PROBLÈMES 521
derne », se trouvent de ce fait bel et bien abandonnés, condamnés à mort.
Et si c'est vrai pour les malades, cela l'est aussi pour les blessés: en effet
devant les fractures gangrenées « il faut sans hésitation en accepter le
traitement; elles sont plus effrayantes à voir qu'à traiter » x. « II ressort
de cette observation que, dans le cas contraire, le médecin pourrait re
fuser, à condition d'y mettre les formes, le traitement de ces malades»2.
Ce qui est confirmé par un autre texte du Corpus 3, qui envisage d'autres
« cas dont il faut surtout éviter de se charger, pourvu qu'on le puisse
honorablement ». Paul d'Egine, envisageant des cas d'urgence en mé
decine militaire, est toujours d'accord avec Hippocrate; il précise toutef
ois que « si le résultat n'est pas assuré, on doit avertir du danger avant
d'intervenir » 4.
L'amusant texte de Lucien ΆΠΟΚΗΡΪΤΤΟΜΕΝΟΣ reprend ces
idées et les fait astucieusement entrer dans une histoire rocambolesque.
C'est crûment qu'un fils, sollicité par son père de soigner sa belle-mère,
répond: « Quant à ta femme, mon père, voici ce qu'il en est, je te le dis
après un sérieux examen: son état ne s'améliorera jamais, quand bien
même elle prendrait mille fois médecine. C'est pourquoi il ne vaut
pas la peine d'entreprendre un traitement » 5.
1 Articulations, 69.
2 Nadia Van Brock, Recherches sur le vocabulaire médical du grec ancien,
soins et guérisons, Paris, 1961, Appendice III, Prudence hippocratique, p. 254.
3 Fractures, 36: Μάλιστα δέ χρή τα τοιαύτα διαφυγεΐν, άμα ην τις καλήν εχη
την αποφυγήν. Αϊ τε γαρ ελπίδες όλίγαι, και οι κίνδυνοι πολλοί ' και μή έμβάλλων άτεχνος
αν δοκέοι είναι, και έμβάλλων έγγυτέρω αν του θανάτου άγάγοι ή σωτηρίης. Sachant
tout cela le médecin hippocratique prend pourtant en charge les vieux épilep-
tiques pour lesquels les soins ne changent rien, ou guère: Όκόσοι δέ γέροντες
ήρξαντο λαμβάνεσοαι, άποφθήσκουσί τε μάλιστα, και ην μή άπόλωνται, τάχιστα απαλλάσσ
ονται υπό του αυτομάτου, ύπο δέ των ίητρών ήκιστα ώφελέονται (Prorrh. II, 9).
4 Gr. Webster, The Roman imperial army, s'appuie sur Paul d'Egine, VI,
88, pour écrire que « if the injuries were found to be too serious, the weapon
being lodged in a vital place and fatal symptoms have already shown thems
elves, as the extraction would occasion much laceration, we must decline the
attempt, lest while we do not good we expose ourselves to the reprobation
of ignorant people. But if the result be dubious, we must make the attempt,
having first given warning of the danger » (Ει δέ και εις τι των κυρίων μορίων ή κατά-

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents