Dieu, le Christ, la Vierge et l’Église dans les préambules polonais du Moyen Âge. - article ; n°2 ; vol.155, pg 543-573

Anna Adamska

Description

Bibliothèque de l'école des chartes - Année 1997 - Volume 155 - Numéro 2 - Pages 543-573
31 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: BIBLIOTHEQUE_DE_L-ECOLE_DES_CHARTES
• Publié le: 01 janvier 1997
• Nombre de lectures: 13
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

Anna Adamska
Dieu, le Christ, la Vierge et l’Église dans les préambules
polonais du Moyen Âge.
In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1997, tome 155, livraison 2. pp. 543-573.
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Adamska Anna. Dieu, le Christ, la Vierge et l’Église dans les préambules polonais du Moyen Âge. In: Bibliothèque de l'école
des chartes. 1997, tome 155, livraison 2. pp. 543-573.
doi : 10.3406/bec.1997.450884
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_1997_num_155_2_450884Résumé
Un corpus d'environ quatre cents préambules d'actes polonais apporte une moisson de données à
l'histoire de la spiritualité et de l'Église aux derniers siècles du Moyen Âge. Assez tardifs et sélectifs
dans leurs thèmes, les préambules à contenu dogmatique mettent l'accent sur les attributs du Père et
sur la célébration de la gloire divine, sur la mission salvatrice du Christ et sur la Passion, sur
l'intercession mariale ; souvent conçus en écho de la piété et des débats contemporains (dolorisme,
hérésie, discussion sur l'Immaculée Conception...), ils sont toutefois nettement moins nombreux que les
préambules développant un contenu ecclésiologique. Ceux-ci brodent à satiété sur les devoirs
pastoraux de l'évêque et entendent l'Eglise beaucoup plus comme structure hiérarchique que comme
communauté des croyants ; un texte exceptionnel développe l'image du monastère comme jardin
paradisiaque. Par-delà sa fonction première (motiver un acte), le préambule peut alternativement ou
simultanément développer des fonctions pastorales, apologétiques, littéraires (où la chancellerie
épiscopale de Cracovie a particulièrement brillé), riches d'aperçus non seulement sur l'histoire spirituelle
et intellectuelle, mais encore sur les outils de la communication au Moyen Âge.
Zusammenfassung
Grundlage der Betrachtungen ist ein Korpus von etwa 400 Arengen lateinischer Urkunden aus Polen,
das hier als Quelle für Religionsvorstellungen und für die Kirchengeschichte des Spätmittelalters
genutzt wird. Zu unterscheiden sind dogmatische und ekklesiologische Arengen. Erstere erscheinen
später, bleiben insgesamt seltener und enthalten auch nur vergleichsweise wenige, ausgewählte
Motive, so die Attribute des Gottvaters, den Lobpreis der göttlichen Glorie, den Heilsauftrag Christi, die
Passion oder die Mittlerrolle Marias; vielfach erklären sie sich als Widerhall der zeitgenössischen
Frömmigkeit und dogmatischen Diskussion (Purifikationswert des Leids, Häresie, unbefleckte
Empfängnis). Die ekklesiologischen Arengen behandeln ausführlich die Hirtenpflichten des Bischofs.
Sie begreifen die Kirche sehr viel mehr in ihrer hierarchischen Struktur denn als Gemeinschaft der
Gläubigen ; besondere Beachtung verdient ein Text, der das Motiv des Klosters als Paradiesgarten
gestaltet. Die Arengen erfüllen so neben oder anstelle ihrer initialen Funktion (die Abfassung einer
Urkunde zu begründen) weitere Aufgaben, mit seelsorgerischer, apologetischer oder literarischer
Zielsetzung (deren letztere besonders in der bischöflichen Kanzlei von Krakau einen Höhepunkt erlebte)
; sie erlauben Ausblicke auf geistliche und gedankliche Strömungen des Mittelalters und sind
letztendlich aïs ein bestimmter Typ gesellschaftlicher Interaktion zu deuten.
Abstract
A corpus of some four hundred preambles of Polish deeds offers a rich harvest of information on the
spiritual and ecclesiastical history of the late Middle Ages. Preambles with a dogmatic content,
somewhat tardy and selective in theme, emphasize the attributes of the Father and the celebration of
the glory of God, the mission of Christ the Saviour and His Passion, and the intercession of Mary. They
often echo the themes of contemporary piety or debate (dolorism, heresy, discussion of the Immaculate
Conception, etc.). Far more numerous are preambles with an ecclesiological content. These deal in
great detail with the pastoral duties of bishops, and represent the Church as an hierarchical structure
rather than the community of the faithful; one exceptional text nonetheless shows the monastery as a
garden of Paradise. Beyond the primary purpose of motivating a deed, preambles thus assume various
aspects, pastoral, apologetical or even literary (the chancery of Cracow was particularly brilliant in this
respect), and offer insight not only into spiritual and intellectual history, but also into mediaeval tools of
communication.Bibliothèque de l'École des chartes, t. 155, 1997, p. 543-573.
DIEU, LE CHRIST, LA VIERGE ET L'EGLISE
DANS LES PRÉAMBULES POLONAIS DU MOYEN ÂGE
par
Anna ADAMSKA
Les dernières décennies ont connu un élargissement notable du champ
de la diplomatique médiévale, stimulé par un changement de perspective
fondamental. Les chartes ne sont plus désormais envisagées comme une
simple source d'informations juridiques, politiques, économiques ou sociales,
mais leurs traits les plus formels (graphie et mise en page, style et discours)
sont constitués en données susceptibles d'un traitement historique, attentif
au plus large contexte juridique, administratif et culturel1. Ce renouvelle
ment, on le sait, a été amorcé par les études menées sur les fonctions extra
juridiques des actes et sur leur contenu idéologique, tel qu'il peut se reflé
ter en différentes parties du discours.
Le document médiéval était aussi un instrument de communication2. Son
ancrage profond dans la réalité psycho-sociale de l'époque le rendait part
iculièrement apte, dans sa totalité comme dans certaines de ses parties const
itutives, à propager des idées religieuses. L'invocation de la divinité, comp
létée souvent par des éléments figurés en forme de croix ou de chrismon,
introduisait une dimension sacrale dans l'action juridique. Cette dimension
était renforcée par la formule de dévotion qui pouvait accompagner le titre
de l'auteur de l'acte 3. Dans l'exposé, des motivations religieuses pouvaient
1. Brygida Kürbis, Metody zrôdloznawcze wczoraj i dzis [Méthodes d'analyse de sources
dupasse et actuelles], dans Studia zrôdloznawcze, commentationes, t. 24, 1979, p. 83-96 j
Kazimierz Bobowski, W sprawie metod badawczych sredniowiecznej dyplomatyki slaskiej [A
propos des méthodes d'analyse des diplômes médiévaux en Silésie], dans Sobôtka, t. 35, 1980,
p. 517-526.
2. Les diplomatistes s'étant à l'origine surtout intéressés aux idées politiques (dans un
sens très large) véhiculées par les actes : Heinrich Fichtenau, Monarchische Propaganda in
Urkunden, dans Bullettino deU'Archivio paleografico italiano, n. s., t. 2-3, 1956-1957,
p. 299-316, repr. dans id., Beiträge zur Mediävistik, ausgewählte Aufsätze, Stuttgart, 1977,
3 vol., t. II, p. 18-36.
3. H. Fichtenau, Zur Geschichte der Invokationen und « Devotionsformeln », dans id., Beit
räge..., t. II, p. 37-61.
Anna Adamska, chercheur associée à l'université d'Utrecht, Vakgroep Geschiedenis,
Kromme Nieuwegracht 66, NL-3512 HL Utrecht. ANNA ADAMSKA B.É.C. 1997 544
être données aux actions juridiques, exprimées par des formules stéréoty
pées comme « pro anima », « pro salute anime », « pro remedio anime ». Plus
profondément, des éléments liturgiques ou catéchétiques de grande impor
tance pouvaient être développés dans les clauses de malédiction4. Par la
référence, progressivement plus prégnante, au calendrier chrétien, la fo
rmule de date elle-même pouvait introduire le lecteur ou l'auditeur dans le
domaine du sacré. Aucun de ces éléments, pourtant, ne pouvait prétendre
présenter un contenu religieux aussi riche que le préambule, où le rédac
teur était le mieux à même de broder des motifs annexes sur un thème imposé
(la motivation de l'action juridique, voire de la mise par écrit) 5. C'est donc
le préambule qui promet le mieux d'aider à « dégager, dans les documents
médiévaux polonais, des maximes philosophico-religieuses, [pour] les incor
porer aux études consacrées à la culture médiévale » 6. On voudrait ici
montrer quels éléments de l'enseignement chrétien sur Dieu, sur son Fils,
sur la Vierge et sur l'Église se rencontrent dans les préambules, de quelle
manière ces vérités ont été exprimées et quelles étaient leurs fonctions7.
Le corpus utilisé dans cette étude recouvre un ensemble de quelque quatre
cents préambules d