Du Génie du Christianisme à de la religion de B. Constant - article ; n°3 ; vol.75, pg 522-533
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Annales de Bretagne - Année 1968 - Volume 75 - Numéro 3 - Pages 522-533
12 pages

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Publié le 01 janvier 1968
Nombre de lectures 20
Langue Français

Extrait

Michel Meslin
Du "Génie du Christianisme" à "de la religion" de B. Constant
In: Annales de Bretagne. Tome 75, numéro 3, 1968. Colloque Chateaubriand. pp. 522-533.
Citer ce document / Cite this document :
Meslin Michel. Du "Génie du Christianisme" à "de la religion" de B. Constant. In: Annales de Bretagne. Tome 75, numéro 3,
1968. Colloque Chateaubriand. pp. 522-533.
doi : 10.3406/abpo.1968.2482
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0003-391X_1968_num_75_3_2482522 COLLOQUE CHATEAUBRIAND
DU « GENIE DU CHRISTIANISME »
A « DE LA RELIGION » DE B. CONSTANT
Communication de M. Michel MESLIN
(Rennes, Histoire)
Y aurait-il d'autres raisons valables que la célébration,
à une année d'intervalle d'un double bi-centenaire, pour
rapprocher Chateaubriand de B. Constant ? Car en dehors
de cette proximité chronologique, tant d'événements,
d'idées, d'attitudes devant la vie séparent ces deux hom
mes, qu'il serait facile, et sans doute révélateur, de les
opposer en une Vie parallèle, à la Plutarque. Un tel rap
prochement peut se justifier car un problème a occupé leur
esprit durant toute leur existence : celui du phénomène
religieux. C'est dès 1791, lors de son voyage en Amérique
que le jeune Chateaubriand s'intéresse à une certaine con
ception d'une religion naturelle et au consentement una
nime qu'il croit déceler chez les « Sauvages » ; les der
nières lignes des Mémoires d 'Outre-Tombe nous le mont
rent attaché à sa foi chrétienne. Constant, pour sa part,
travaillera pendant quarante cinq ans, — à intervalles cer
tes plus ou moins rapprochés — , à une remarquable
enquête sur La Religion, considérée dans sa source, ses
formes et ses développements, « ouvrage qui a inspiré toute
ma vie ». Tous deux ont été, à leur manière, sur ce sujet
capital, des écrivains engagés : « J'étais chrétien et très
chrétien avant d'être chrétien », confesse le Vicomte, tan
dis que Constant démontre, par toute son œuvre, la lucidité
de son jugement sur lui-même : « Je suis trop sceptique
pour être incrédule ». Mon propos n'est cependant pas de
soupeser le degré de sincérité, voire de réalité, de leur
croyance personnelle, mais de tenter, en historien des reli
gions, de les situer l'un par rapport à l'autre et l'un et l'au
tre dans le développement soudain de cette science des reli- COLLOQUE CHATEAUBRIAND 523
gions qui s'élabore à l'aube du xixc siècle, sous la triple
action de l'héritage de YAufklàrung, des découvertes archéo
logiques de l'Antiquité, et des premières enquêtes ethmo-
graphiques de missionnaires, tels les PP. Lafitau, Lejeune
et Charlevoix. De ce double dossier, considérable, je ne
retiendrai volontairement que deux points qui paraissent
offrir quelque intérêt : le problème d'une religio naturalis
et de ses fondements ; celui de l'évolution générale des
religions, des formes culturelles et de ses relations avec
l'Histoire. Je crois qu'une telle lecture, cursive, des œuvres
de philosophie religieuse de ces deux auteurs, en montrera
non seulement l'intérêt pour l'histoire de la science des
religions, mais en soulignera toute l'actualité.
I
Le rationalisme religieux de la philosophie des Lumières
avait peu à peu compris que la plupart des faits religieux,
collectionnés dans les études érudites sur l'Antiquité comme
dans les récits folkloriques (1), ainsi que dans les relations
des missionnaires, mettaient en jeu les mêmes forces natur
elles, provenaient des mêmes motivations psychologiques,
crainte, admiration, gratitude etc., et donnaient naissance
à des mythes semblables. Le Président de Brosses déclar
ait : « Les pratiques semblables que nous regardons dans
les siècles et les climats éloignés ont une cause, dont l'ex
plication doit être recherchée dans les affections même de
l'humanité, la peur, l'admiration, la reconnaissance » (2).
Mais ces explications du phénomène religieux qui se
situent aux origines des théories pathologiques de la reli
gion, allaient recevoir à l'extrême fin du siècle une toute
autre connotation. Car, s'il y a unité d'origine psychologi
que de tous ces phénomènes religieux, unité que nous
révèle l'histoire comparée des religions, ne serait-ce pas
qu'il existe, profondément enracinée, une religion naturelle
(1) Telle cette Deutsche Mythologie que les frères Grimm allaient
bientôt recueillir à travers les contes populaires.
(2) Président de Brosses, Du culte des dieux fétiches, 1760. COLLOQUE CHATEAUBRIAND 524
qui manifesterait un consentement unanime à l'existence
d'un Dieu ? Bien qu'on ne puisse absolument pas penser
qu'en 1791 le jeune noble breton ait pris une connaissance
ethnographique réelle et approfondie des « Sauvages »
d'Amérique, on peut admettre qu'il a puisét dans des lec
tures préparatoires et dans certaines conversations, cette
idée, chère au P. Lafitau, qu'il existe, dès l'état primitif de
l'humanité, une véritable religion. De fait, il affirme, à son
tour, qu' « il est faux qu'il y ait des Sauvages qui n'aient
aucune notion de la Divinité ». En tous cas, c'est de ce
contact avec un monde si différent de celui qu'il connaiss
ait, avec une nature encore à demi vierge, avec une human
ité presque enfantine à ses yeux, qu'il a dû de garder là
profonde nostalgie d'une religion naturelle qui serait la
plus vraie parce que la plus pure et la plus proche « des
délices de la vie primitive », nostalgie qui réapparaîtra
intacte, à travers l'épisode, postérieur, des Natchez.
Or, c'est la même nostalgie d'un monde primitif, neuf,
sur lequel l'Histoire n'a pas encore pesé de tout le poids de
ses structures et de ses dogmes, que nous retrouvons dans
la Religion de Constant : « ... les notions religieuses se res
sentaient de l'impulsion pétulante et irréfléchie, contempor
aine de l'enfance du genre humain... l'homme était enivré
de la plénitude de ses forces et des jouissances de sa vie
nouvelle. Toute la nature semblait lui parler, tandis que
pour nous, elle est muette » (3). Mais, tandis que pour
Chateaubriand, ce consentement universel et latent, préexis
tant au christianisme, des hommes à une sorte de révéla
tion primitive, apparaîtra, plus tard et sous l'influence de
VEssai sur l'indifférence de Lamennais, comme pouvant
constituer une preuve apologétique importante (4). Cons
tant ne cesse de s'opposer à cette idée, reprise par d'Eck-
stein en 1826-1827 dans, sa revue, le Catholique, et nie que
« les Sauvages sont des dégénérés qui ont laissé se corrom-
(3) De la Religion, V, 7, p. 465.
(4) « Loin de détruire la foi, ce serait un nouvel et merveilleux
argument en sa faveur, car il serait alors démontré qu'elle est
conforme à la religion naturelle des plus hautes intelligences... »,
2e Etudes historique. COLLOQUE CHATEAUBRIAND 525
pre la révélation primitive », et qu'il y eut toujours, jusque
dans le culte le plus grossier des traces de spiritualisme
chrétien (5).
Certes, l'historien doit souligner qu'en dehors d'une telle
opposition entre deux conceptions de la religion, les posi
tions de Chateaubriand et de Constant se sont pour un
très bref moment, celui de YEssai sur les Révolutions, rap
prochées. En effet, dans la critique socio-politique que le
jeune émigré rédige, il professe bien qu'une religion vien
dra, de toute nécessité, qui relaiera un christianisme qu'il
juge dépassé et trop lié aux structures temporelles, mais
cette idée d'une progression des formes religieuses, que
développera plus tard Constant, ne le retient guère (6).
Déjà il vante « les charmes, la ferveur, la tendresse de
cœur, la séduction de l'esprit que revêt le christianisme » et
il insiste sur « le besoin que le cœur humain éprouve du
mystère de la religion ». Bien plus que l'annonce du temps
que j'appellerai volontiers celui des Dieux morts, YEssai
révèle la nostalgie d'une re

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