Entre rhétorique et dialectique : la constitution des figures d argumentation - article ; n°137 ; vol.34, pg 63-86
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Description

Langages - Année 2000 - Volume 34 - Numéro 137 - Pages 63-86
Recent theories of argumentation taught us that it was not possible to dissociate a theory of language from the principles of argumentation. The faculty of reasonning is at the core of the language in the same way as argumentation uses its resources and its implicit representations of the world to build procedures of validation for its arguments. We find here classical propositions of rhetorics, namely the notions of exemple (exemplum, paradeigma) and enthymem. Notwithstanding the fact that it will be taken care of by speakers, this dialectic at the core of language states the problem of its conceptualization outside of the classical limits of a linguistic. This is why we propose a new direction, taking place in a wider project, based on a module named templum (plur. templa). In particular, we find again Peirce's considerations about abduction, that wider the traditional field of logics in order to integrate new processes of discovery.
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 36
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Pierre Boudon
Entre rhétorique et dialectique : la constitution des figures
d'argumentation
In: Langages, 34e année, n°137, 2000. pp. 63-86.
Abstract
Recent theories of argumentation taught us that it was not possible to dissociate a theory of language from the principles of
argumentation. The faculty of reasonning is at the core of the language in the same way as argumentation uses its resources and
its implicit representations of the world to build procedures of validation for its arguments. We find here classical propositions of
rhetorics, namely the notions of exemple (exemplum, paradeigma) and enthymem.
Notwithstanding the fact that it will be taken care of by speakers, this dialectic at the core of language states the problem of its
conceptualization outside of the classical limits of a linguistic. This is why we propose a new direction, taking place in a wider
project, based on a module named templum (plur. templa). In particular, we find again Peirce's considerations about abduction,
that wider the traditional field of logics in order to integrate new processes of discovery.
Citer ce document / Cite this document :
Boudon Pierre. Entre rhétorique et dialectique : la constitution des figures d'argumentation. In: Langages, 34e année, n°137,
2000. pp. 63-86.
doi : 10.3406/lgge.2000.1785
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_2000_num_34_137_1785BOUDON Pierre
Université de Montréal
ENTRE RHÉTORIQUE ET DIALECTIQUE :
LA CONSTITUTION DES FIGURES D'ARGUMENTATION
À J. B. Grize
Problématique
Les différentes théories contemporaines de l'argumentation (Grize, Ducrot &
Anscombre, Martin, Meyer) nous ont appris qu'il n'était pas possible de dissocier
théorie du langage et théorie de l'argumentation ; le raisonnement est au cœur du
langage comme les argumentaires se servent de ses ressources, de ses représentations
tacites du monde, pour construire des procédures de validation des propositions
avancées. Cette dialectique au sein du langage, indépendamment de sa prise en
charge par des locuteurs et dans des contextes donnés, soulève bien sûr la question
de sa conceptualisation. On ne peut plus ainsi proposer un mécanisme grammatical
strictement génératif qui serait dépourvu d'une valeur potentiellement polémique.
La notion de discours implique ce qu'on pourrait appeler une « scène de la parole »
qui serait minimalement constituée par les couples : assertion-objection et
interrogation-réponse, permettant de fixer une alternance dialogique entre eux.
Dans la notion de discours, comme entité générale, nous avons d'un côté des
formes qui permettent d'articuler polémiquement un « suivi argumentatif » (c'est
ainsi l'usage qui est fait de ce que Ducrot (Ducrot et alii. 1980) a appelé les
connecteurs argumentatifs : mais, pourtant, quand même, toutefois, ...) et de
l'autre des contenus qui renvoient à une connaissance du monde (savoir encyclopéd
ique). Ces ne sont pas seulement donnés mais construits, articulés selon
certaines propriétés que nous allons tenter de définir.
Le discours est ainsi constitué par une pluralité de renvois incluant des propriét
és : predicatives, énonciatives, narratives-descriptives, textuelles, lesquelles impli
quent des propriétés sous-jacentes plus abstraites telles que celles d'une temporalité,
d'une aspectualité, d'une phorie (anaphore et cataphore ; tropes), etc. Le discours,
comme lieu d'énonciation pluriel, convoque ainsi une multiplicité de ces propriétés
que nous devrions rassembler dans un réseau de mises en correspondance.
63 Pour organiser ces pôles comme dispositif d'engendrement, nous pouvons les
définir en tant que régis par une même opération sémiotique qui permet de les
associer selon des rapports de congruence les uns en fonction des autres. Ces
propriétés (temporalité, modalité, actantialité, ...) forment ainsi autant de pôles
constitutifs d'une chaîne discursive dont chaque énoncé (qui résulte de ces opérat
ions) serait la synthèse des différentes valeurs. C'est ce que j'ai appelé le réseau du
sens, dans un ouvrage récent où sont développées quelques-unes de ces thémati
ques l.
Parmi ces pôles de constitution, nous allons en privilégier deux : a) celui d'une
topique argumentative comme mise en place des rapports entre hypothèse, argument
et preuve qui serait le lieu d'une causalité, et b) celui d'une « duction » (expression
générique proposée par C. Zilberberg) comme dynamique de raisonnement basée
sur les rapports entre induction, déduction et abduction. Cette double procédure, à
laquelle il faudrait adjoindre les problèmes de la véridiction, représenterait — à la
façon des Topiques aristotéliciennes — le « moteur d'inférence » permettant de
construire des parcours argumentatifs à titre d'heuristiques. Ainsi, dans la rhétori
que classique, la duction représentait à la fois une opération figurative (Г exemplum,
l'enthymème, comme on va le voir) et cognitive (l'abduction est alors une procédure
d'enquête permettant de découvrir de nouveaux faits).
Considérons ce premier exemple (emprunté à Wilson & Sperber, 1993) :
(i) Jean a sorti la clé de sa poche et a ouvert la porte
Jean a sorti son mouchoir de sa poche et a ouvert la porte
Pour comprendre l'implicite de la duction sous-jacente, et donc la valeur du et qui
relie ces deux propositions, il faut avoir recours, à titre d'hypothèse, à trois types de
relations actantielles :
agentive : dans les deux cas, Jean fait une même action (cf. il sort quelque chose
de sa poche) ;
instrumentale : la clé ouvre la porte (cf. identité : clé = serrure) alors que dans le
second cas nous n'avons qu'une cooccurrence de deux gestes (sortir un mouc
hoir, ouvrir la porte) ;
résultative : dans le premier cas, Jean a ouvert la porte grâce à la clé (et cette
identité est fondamentale), alors que dans le second, il est entré (parce qu'elle
n'était pas fermée à clé sans doute) tout en se mouchant par exemple.
Nous obtenons un véritable scheme conceptuel (cf. principe de causalité) qui est à la
base de ce petit scénario, dont l'explication n'est rendue possible qu'en ayant
1. P. Boudon, Le réseau du sens, Berne, Peter Lang, 1999.
64 recours à des catégories sous-jacentes (agentif, instrumental, résultatif) qui font
partie de la théorie du langage avant même d'être celles du discours.
Autre exemple d'implicite :
(ii) En déplaçant la cafetière, Jean a fait tomber la tasse
Nous avons deux mouvements, relevant de deux actants distincts : un geste et une
chute, l'un entraînant l'autre (causalité). Ici, l'implicite est d'abord de localisation
(près de puis de heurt (renverser, faire tomber) ; enfin, de par sa matière (une tasse
n'est pas un gobelet) on peut en déduire (projeter) que la tasse s'est cassée.
Tous ces problèmes d'une liaison entre propositions argumentatives et énoncia-
tion discursive sont actuellement associés à une théorie de l'inférence et c'est
pourquoi nous évoquions métaphoriquement un « moteur d'inférence » dans le
langage, à la façon de la technique des systèmes experts dans laquelle on peut trier les
propositions (Boudon, 1987) au moyen de leur insertion dans des chaînes causales.
L'inférence, à un moment donné de la chaîne, exprime des choix, consignés dans des
règles et plus ou moins conditionnés par des situations prototypiques ; elle est le
maillon qui permet de construire un suivi argumentatif et c'est à travers cet enchaî
nement (chaînage avant, chaînage arrière) que nous pouvons évaluer la portée d'un
argument, que nous pouvons le comparer à d'autres. Mais ce choix représente
toujours un « saut cognitif » qu'une auscultation des tenants et aboutissants n'arrive
pas à résorber entièrement (et, dans les systèmes experts, c'est la notion de « méta-
connaissance », coiffant les règles de premier niveau, qui devient essentielle).
Cela vient du fait que dans la notion d'inférence nous pouvons avoir aussi bien
une spécification focalisante (détermination restrictive, comme dans les classifica
tions taxinomiques) qu'une amplification subreptice (mouvement beaucoup moins
contrôlable, ou alors, exigeant l'assentiment de l'interl

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