Esclaves et rites de passage - article ; n°1 ; vol.102, pg 53-81
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Description

Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité - Année 1990 - Volume 102 - Numéro 1 - Pages 53-81
Marie-Madeleine Mactoux, Esclaves et rites de passage, p. 53-81. Les vers d'Aristophane (Ploutos, 768-801) où est mentionnée l'aspersion des katachysmata visant le dieu Ploutos doivent être compris comme la manifestation de toutes les étapes d'une séquence rituelle de passage imposée aux esclaves nouvellement achetés au moment de leur arrivée dans l'oikos. Elle est médiatisée par un opérateur rituel dominant, les figues, à la double valeur séparatrice-agrégative, fonctionnant aussi comme métonymie de la cité, et par un schéma spatial. La permanence de l'intervention de la maîtresse de l'oikos assure l'appropriation de l'esclave producteur associé aux sundouloi de l'oikos. Les pratiques discursives, marquées par différentes formes de démasquage de la théâtralité, en particulier la synecdoque qui désigne Ploutos par les yeux, servent à dévoiler les rapports sociaux spécifiques inclus dans l'actualisation rituelle.
29 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1990
Nombre de lectures 89
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Marie-Madeleine Mactoux
Esclaves et rites de passage
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité T. 102, N°1. 1990. pp. 53-81.
Résumé
Marie-Madeleine Mactoux, Esclaves et rites de passage, p. 53-81.
Les vers d'Aristophane (Ploutos, 768-801) où est mentionnée l'aspersion des katachysmata visant le dieu Ploutos doivent être
compris comme la manifestation de toutes les étapes d'une séquence rituelle de passage imposée aux esclaves nouvellement
achetés au moment de leur arrivée dans l'oikos. Elle est médiatisée par un opérateur rituel dominant, les figues, à la double
valeur séparatrice-agrégative, fonctionnant aussi comme métonymie de la cité, et par un schéma spatial. La permanence de
l'intervention de la maîtresse de l'oikos assure l'appropriation de l'esclave producteur associé aux sundouloi de l'oikos. Les
pratiques discursives, marquées par différentes formes de démasquage de la théâtralité, en particulier la synecdoque qui
désigne Ploutos par les yeux, servent à dévoiler les rapports sociaux spécifiques inclus dans l'actualisation rituelle.
Citer ce document / Cite this document :
Mactoux Marie-Madeleine. Esclaves et rites de passage. In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité T. 102, N°1.
1990. pp. 53-81.
doi : 10.3406/mefr.1990.1659
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-5102_1990_num_102_1_1659MARIE-MADELEINE MACTOUX
ESCLAVES ET RITES DE PASSAGE
Dans la société athénienne la réduction en esclavage, la transformat
ion d'un homme libre en esclave, a été toujours vécue comme un traumat
isme personnel déshonorant, un acte générateur de tensions sociales,
mais à une condition fondamentale, qu'il entrât dans la catégorie des
actes illégitimes. Dans les autres cas, pour les non-Grecs et les Barbares,
la naturalité de l'acte, théorisée par Aristote, s'imposait. C'est ce caractère
« naturel » que nous voudrions interroger à la lumière des travaux anthro
pologiques. Déjà Van Gennep, évoquait, sans s'y attarder, les rites de
changement de maître1, mais ses remarques ont trouvé peu d'écho parmi
les historiens de l'Antiquité. Alors qu'on n'est pas surpris que naître, se
marier, mourir soient des événements naturels dont les termes soient
réaffirmés périodiquement pour maintenir la cohérence de la vie sociale,
l'esclavage comme changement d'état échappe à l'investigation. Très peu
de données, il est vrai, permettent de répondre à cette problématique. Ce
silence n'est sans doute pas un hasard. On reviendra sur le fait que la
seule explication fournie par les commentateurs antiques à propos de
l'unique rituel conservé impliquant des esclaves le réduit à n'être qu'un
rite de fécondité banal et banalisé par sa diffusion. Il y a pourtant un
texte d'Aristophane qui nous paraît contenir un enchaînement ordonné et
cohérent d'actes rituels concernant les esclaves, consciemment distingués,
à défaut d'être montrés. Ce matériau qui nous tiendra lieu d'observation
est à la fois si connu et apparemment si peu fiable que notre entreprise
peut sembler une gageure. Mais la divergence des lectures, qui, au mieux,
parlent de rites divers, est, à l'évidence, le résultat d'approches partielles
et atomisées, quand elles ne sont pas gauchies par une conception pa
triarcale de la société esclavagiste athénienne.
Ce matériau nous offre aussi l'occasion rare d'analyser, à partir d'un
texte théâtral, élément d'une cérémonie à laquelle participait la commu-
1 Les rites de passage, Paris, 1908, p. 54-55.
MEFRA - 102 - 1990 - 1, p. 53-81. MARIE-MADELEINE MACTOUX 54
nauté athénienne, ce pour quoi les rites énoncés dans un discours théâtral
se font passer; en bref de dégager, à partir des traits qui qualifient le
rituel, certaines formes de reconnaissance sociale d'une séquence vécue
ailleurs, qui fonctionne aussi à travers cette reconnaissance. Cette distinc
tion ne recouvre pas la différenciation stérile du fonds et de la forme,
mais celle du sens et de la signification. Signification elle-même plurielle,
produite dans des conditions spécifiques de communication, ici des don
nées textuelles particulières intégrées dans la représentation d'une coméd
ie incorporant les conditions historiques dans laquelle elle a été jouée la
première fois, dans une société où l'esclavage structure l'organisation
sociale.
En tenir compte n'est pas méconnaître le place prise par le processus
historique dans l'élaboration du sens même s'il repose sur un schéma
dont on peut découvrir ailleurs la matrice. Il est bien évident que tout rite
inclut dans sa compréhension des formes symboliques culturelles et des
rôles sociaux historiquement déterminés. Mais la signification à un mo
ment précis, c'est-à-dire la façon dont le sens s'impose, débouche sur une
forme historique du sens. Elle en est une composante indissociable parce
qu'elle peut agir comme facteur de reformulation et de transposition du
sens avec lequel elle se combine et s'articule dans une certaine pratique
sociale. En somme notre approche implique le refus de traiter un rituel
comme le décalque d'une structure universelle et la nécessité de la conce
voir comme un système imaginaire vécu à plusieurs niveaux, selon des
modalités diverses.
Le document de base est un court passage2 de la dernière comédie
d'Aristophane, Ploutos, jouée en 388. Il nous renseigne incidemment et
brièvement sur un geste accompagnant l'arrivée des esclaves récemment
achetés dans la maison de leur nouveau maître « Allons je rentre chercher
des katachysmata pour les yeux comme on fait pour des esclaves nouvel
lement achetés»3. Nous reviendrons ultérieurement sur le procédé rhéto
rique par lequel Ploutos est désigné. Mais cette réplique, prononcée par la
femme de Chrémyle, concerne bien le dieu qui, après avoir recouvré la
vue, s'apprête à pénétrer dans la maison de Chrémyle pour lui dispenser
les richesses qu'il mérite de posséder parce qu'il est un homme juste. La
guérison de Ploutos ne suffit pas; sa présence physique est nécessaire
pour faire disparaître la pauvreté de Yoikos de Chrémyle comme de la
polis. On a ici le lieu majeur où s'affirme clairement l'interconnexion
768-801.
768-769. ESCLAVES ET RITES DE PASSAGE 55
entre les thèmes contradictoires qui traversent la pièce4 : l'inégale distr
ibution des richesses résolue simplement par la guérison du dieu, et la
pauvreté généralisée qui ne peut devenir richesse pour tous5 que par la
présence réelle du dieu-gardien dans l'opisthodome de la déesse6 où est
conservé le trésor de la cité. La réplique marque le début d'une unité nar
rative qui se termine par l'entrée matérielle de Ploutos dans la demeure.
Cette séquence textuelle coïncide à mes yeux avec une séquence rituelle
inaugurée par la comparaison qui fournit le cadre interprétatif. Cette
comparaison qui établit une relation avec la réalité de l'esclavage a été
préparée, dans les vers précédents7, par la modification de la nature de la
couronne promise en récompense à l'esclave-messager Carion par la maî
tresse de Yoikos, celle même qui accueille Ploutos. La couronne habituel
lement remise à un messager devient une couronne de petits fours, non
pas à cause de la gourmandise de Carion, mais parce que les rapports à la
nourriture servent à qualifier la conduite des esclaves et informent les
rapports de domination du maître. La comparaison s'inscrit dans le
même schéma relationnel mis en lumière par la place de la comparaison
dans le récit. Elle intervient dans un épisode-charnière, l'arrivée du dieu
guéri par Asclépios, mettant fin au désordre créé par sa cécité infligée
par Zeus. C'est la condition nécessaire pour que les bons, que Ploutos sera
en mesure de reconnaître, reçoivent les biens de toute sorte. Non seule
ment Chrémyle est de ceux-là, mais il est le représentant de tous les hon

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