Essais critiques sur les historiens originaux du règne de Charles VII. Premier essai : chronique de Cousinot (suite et fin). - article ; n°1 ; vol.18, pg 105-126

Auguste Vallet De Viriville

Description

Bibliothèque de l'école des chartes - Année 1857 - Volume 18 - Numéro 1 - Pages 105-126
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: BIBLIOTHEQUE_DE_L-ECOLE_DES_CHARTES
• Publié le: 01 janvier 1857
• Nombre de lectures: 11
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Auguste Vallet de Viriville
Essais critiques sur les historiens originaux du règne de Charles
VII. Premier essai : chronique de Cousinot (suite et fin).
In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1857, tome 18. pp. 105-126.
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Vallet de Viriville Auguste. Essais critiques sur les historiens originaux du règne de Charles VII. Premier essai : chronique de
Cousinot (suite et fin). In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1857, tome 18. pp. 105-126.
doi : 10.3406/bec.1857.461883
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_1857_num_18_1_461883Ol h,
ESSAIS CRITIQUES
SUR LES
HISTORIENS ORIGINAUX
DU RÈGNE DE CHARLES VTI.
( Premier Essai. — Suite et fin.)
CHRONIQUE DE COUSINOT1.
§ 5. Quel est Г auteur delà Geste des nobles françois?
Cette chronique remonte aux origines troyennes des Francs.
Dans l'espoir que je pourrai , grâce à ce moyen de signalement ,
aider le lecteur à découvrir quelque nouveau manuscrit de l'ou
vrage, je commencerai par transcrire le début avec une certaine
étendue2.
Geste des nobles françoys descendus de la royalle lignée du no
ble roy Priam de Troye jusques au noble Charles fîlz du roy Charles,
le sixyesme, qui tant fut aimé des nobles et touz autres ;î.
Comment Troye la grant fut fondée et destruite.
Troye 4 la grant et le royaume qui tant furent de grant puis-
1. voy. plus haut, p. l.
f° ij, après le relevé des rubriques. 2. Exemplaire 10297,
3 Ceci est le titre intérieur. Une seconde main a écrit sur l'un des feuillets limi
naires (aujourd'hui feuillet 5, л") : « Gestes des Françoys descendus du roy Priam
jusque à Charles iîlz de Charles sixiesme — et Jehanne la Pucelle » L'addition souli
gnée est d'une troisième main, qui parait, comme la seconde, dater du seizième siècle.
Cette addition doit être remarquée.
4. Ici se trouve le blason du comte d'Angoulême, à qui ce livre fut adressé. Jean ,
comte d'Angoulême, était le propre frère de Charles duc d'Orléans .T'ai traité, ce point
de possession ou de propriété avec développements dans la notice du ms. 10297.
voy. Notices et extraits des manuscrits, etc., t. XIX, 2e partie, pages 139 et suiv.
III. (Quatrième série.) 8 106
sance, après la ciéacion du monde ťan iijmviijcxl furent fondez, qui
en grant félicité durèrent jusques au temps du roy Priam ixclxxij ans,
que destruits furent par les Grecz, ou quel temps furent iiiimviijcxij
ans.
De Françio et de Turcus qui es palus de Méode prinstrent port.
Ou conflit de la destruction, etc., etc.
Ainsi que ce début l'indique, la Geste française paraît, dans sa
première partie , n'être qu'un abrégé très-succinct des Grandes
Chroniques de Saint-Denis et d'autres chroniqueurs anciens 1 .
Plus on se rapproche des origines , plus cette rapidité ou cette
réduction excessive est sensible. A partir du roi Jean (1350), la
chronique a pris des proportions plus grandes. Le caractère
qu'elle revêt offre assez d'originalité pour avoir fixé l'attention
du savant Secousse, auteur d'une monographie estimée sur l'un
des principaux personnages de cette époque. Le docte académi
cien en fait un fréquent usage dans ses Mémoires pour servir à
l'histoire de Charles II, roi de Navarre 2. Au fur et à mesure que
l'on descend vers le terme final de l'ouvrage , ses proportions et
son originalité augmentent. Sous le règne de Charles VI, on com
mence à reconnaître dans la personne de l'auteur, quoique celui-ci
ne se mette jamais directement en scène , un contemporain , t
émoin et appréciateur des événements qu'il retrace. Cette partie
du manuscrit est à peu près complètement inédite , comme l'e
nsemble de l'ouvrage. Pour les sept années de Charles VII qui le
terminent, ce n'est plus une histoire, mais plutôt un journal.
Tels sont les traits d'ensemble qui distinguent cette composition
historique. Efforçons-nous maintenant de découvrir à des traits
particuliers quel en a pu être l'auteur.
Durant la seconde moitié du règne de Charles VI, deux partis
occupent le théâtre de l'histoire : les Bourguignons et les Armag
nacs. Même sans ouvrir le texte, il suffit de parcourir la table
des rubriques placée en tète de la Geste pour reconnaître ce que
nous appellerions aujourd'hui sa couleur politique :
1. La Geste des nobles françois ressemble, non pas pour le plan et l'ordre des mat
ières, mais pour les dimensions des chapitres et de l'ensemble, à l'un de nos pre
miers épitomés de l'histoire nationale-, imprimé plusieurs lois vers 1490, sous le titre
de Chroniques abrégées, etc., in-8°.
2. 1755-1758, 2 volumes in-4", tome Ier, 1" partie, pages 148, loi, 206, 210,
240, 276, 301, et 2e partie, page 200. .
107
De la mort du duc ďOrléans; fuite première du duc de Bour
gogne, f° 55.
Passage du duc d'Orléans outre Saine ; fuite seconde du duc de
Bourgogne à Montdidier, f° 88.
Comment le duc de Guyenne se mist sus et chevaucha à puis
sance parmi Paris... De la tierce fuite le duc de Bourgoigne;
De la venue des princes à Paris; du duc de Bourgoigne qui à puis
sance vint devant Paris et la quarte fuite prinst honteusement.
f« 981.
Ces rapprochements satiriques indiquent assez déjà Г écrivain
antibourguignon. L'auteur , dans toute cette portion de la Geste,
se montre un partisan modéré, mais ferme et bien distinct , de la
cause Armagnac ou Orléans, contre la cause opposée. Les actes
et la conduite du duc de Bourgogne sont, toujours présentés par
lui d'une manière hostile. On n'en voudra pour preuves et pour
spécimen que les rubriques mêmes qui précèdent. Les faits et
gestes de la maison d'Orléans y sont peints au contraire , non
point avec le zèle affecté d'un panégyriste , mais avec la sympat
hie d'un homme qui appartient de conscience et d'affection à ce
parti. Son langage , généralement calme et décent, est celui d'un
écrivain qui rapporte les faits devant un maître éclairé, et qui
n'a besoin ni de louer ni de convaincre. 11 s'arrête avec une comp
laisance marquée sur tous les actes de l'histoire générale qui
peuvent intéresser le lecteur aux membres de la famille d'Orléans.
Souvent même des événements de famille prennent, sous sa pi mne
affectueuse, les proportions défaits historiques. Parla il trahit ce
caractère de domesticité qui est propre généralement à tous les
chroniqueurs du quinzième siècle. La livrée que porte notre chro
niqueur (et j'emploie sans défaveur, mais dans leur sens histo
rique et vrai , les deux expressions soulignées ) est aux couleurs
ou à la devise de la maison d'Orléans. Les extraits assez étendus
que j'ai reproduits, soit dans la notice, soit ailleurs 2, pourront
servir à justifier pleinement les précédentes assertions.
La chronique, dès qu'elle a atteint la venue de la Pucelle ,
change tout d'un coup de proportions. Elle devient aussitôt un
mémoire étendu, jusqu'à reproduire des documents entiers dans
1. Ms. 10297, tablo des rubriques en tête.
2. J'indiquerai ci-après, page 125, dans une note, les divers fragments de la chro
nique de Cousinot qui ont été <;à et là publiés jusqu'à ce jour.
8. 108
le texte de la narration. Telle est, par exemple, la fameuse lettre
écrite par la Pucelle aux Anglais, pour les sommer de retourner
en Angleterre. La Geste poursuit dans ces conditions le récit des
événements jusqu'au 6 juillet 1429, au moment où le roi et la
Pucelle viennent de mettre le siège devant Troyes. Puis le texte
s'interrompt ici brusquement, sans même faire connaître l'issue
de cet épisode intermédiaire, et sans ajouter un mot sur le dé-
noûment de cette merveilleuse campagne.
Cette brusque interruption, qui se remarque dans les deux ma
nuscrits de la Geste française, mérite que nous nous y arrêtions et
que nous essayions d'en rendre compte. On se demande quelle
peut être la cause de cette suspension presque subite, au milieu
du drame, si rapide et si court, qui entraînait l'héroïne vers sa iin
tragique. Je crois que l'on peut assigner à ce fait une cause toute
simple, et cette cause se rapporte directement