Être un brahmane smārta aujourd hui  - article ; n°1 ; vol.87, pg 317-339
25 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Être un brahmane smārta aujourd'hui - article ; n°1 ; vol.87, pg 317-339

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
25 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient - Année 2000 - Volume 87 - Numéro 1 - Pages 317-339
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 24
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Mme Catherine Clementin-Ojha
Être un brahmane smārta aujourd'hui
In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 87 N°1, 2000. pp. 317-339.
Citer ce document / Cite this document :
Clementin-Ojha Catherine. Être un brahmane smārta aujourd'hui . In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 87
N°1, 2000. pp. 317-339.
doi : 10.3406/befeo.2000.3482
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/befeo_0336-1519_2000_num_87_1_3482Abstract
Catherine Clémentin-Ojha
Being a Smārta brahmin today
A few landmarks from an ethnographic survey in Benares
The label "smārta" refers to such shifting Hindu realities that it is difficult to see how it operates on a
daily basis: it concerns both textual norms and the men who live by them; it concerns especially the
brahmins whom indological literature calls "orthodox" because they hold the smrti (the human tradition
based on the Vedic Revelation) to be the absolute authority. But who are the smārta brahmins today?
Starting from the observation that smrti literature and the calendar relate some festive dates connected
with Visnu to the "Smārtas"and others to the "Vaishnavas", the author inquired among the learned
brahmins of Benares in order to ascertain how they understand and define both mentions. It appears
that the opposition to the Vaishnavas is necessary to the definition of themselves as smārta. Yet the
categories of Shaiva and Vaishnava show through the surface of their label "smārta", and it is argued
that these categories are a far more apposite description of reality in an Hinduism marked by bhakti.
The Smārta brahmins are in fact divided according to theistic criteria which bear close resemblance to
those which distinguish them as a whole from the brahmins belonging to the Vaishnava sects.
Résumé
Catherine Clémentin-Ojha
Être un brahmane smārta aujourd'hui
Quelques points de repère à partir d'une enquête ethnographique à Bénarès L'étiquette « smārta »
recouvre des réalités hindoues tellement mouvantes qu'on s'étonne qu'elle puisse être opérante dans la
vie quotidienne : elle concerne à la fois des normes textuelles et les hommes qui les observent ; elle
renvoie de manière privilégiée aux brahmanes qui, parce qu'ils font de la smrti (la tradition d'origine
humaine basée sur la Révélation du Veda) l'autorité absolue, sont qualifiés d'« orthodoxes » dans la
littérature indianiste. Mais qui sont les brahmanes smârta aujourd'hui ? Partant du constat que la smrti
et le calendrier réservent certaines dates festives associées à Visnu aux « Smārta » et d'autres aux «
Vishnouites », l'auteur conduit une enquête dans le milieu des brahmanes lettrés de la ville de Bénarès
afin d'examiner comment ses interlocuteurs comprennent les deux mentions. Elle observe que
l'opposition au vishnouite est constitutive de la manière dont ils se perçoivent. Mais elle constate aussi
que sous l'étiquette smārta dont ils s'affublent, affleurent les catégories de shivaïte et de vishnouite, qui,
dans un hindouisme marqué par la bhakti, sont des catégories autrement plus pertinentes. En fait, les
brahmanes smārta se répartissent selon des critères théistes proches de ceux qui les opposent en bloc
aux brahmanes membres des sectes vishnouites.Être un brahmane smârt a aujourd'hui
Quelques points de repère à partir d'une enquête
ethnographique à Bénarès 1
Catherine ClÉmentin-Ojha
La notion d'orthodoxie manque de stabilité : elle
survit certes dans le Vedânta çankarien, fidèle
continuateur des Upanhad, mais ce n'est là qu'une
projection philosophique [...]. Sur le domaine rituel,
ce sont les smârta qui ont hérité de l'orthodoxie et qui
partant s'opposent à toutes les sectes, mais leur
obédience théologique reste flottante, au moins dans
l'Inde du Nord 2.
En 1979, j'eus l'occasion de consulter à Bénarès le célèbre renonçant shankarien
Svàmï Karapatrî et de lui demander son point de vue sur ses homologues féminins. Il me
fut répondu sur un ton sans appel qu'il n'y avait jamais eu de femmes dans les ordres
monastiques hindous (contre toute évidence) et qu'il n'y en aurait jamais pour la simple et
suffisante raison que les traités de la smrti interdisaient une telle conduite à la femme.
Ainsi, parce qu'il était en contradiction flagrante avec les textes normatifs qui définissaient
la société hindoue idéale, un fait avéré et observable perdait toute réalité et ne pouvait
même pas être pris en compte dans une discussion sérieuse. Ce fut là ma première
rencontre avec un interprète professionnel de la smrti et avec son mode de raisonnement.
Rencontre privilégiée puisque l'interprète en question jouissait d'une haute réputation, qui
plus est à Bénarès, la ville dont les décisions en matière de dharma faisaient référence
pour le milieu hindou orthodoxe, encore que son autorité religieuse fut en réalité
fragmentée entre plusieurs instances qui étaient loin d'être unanimes entre elles. À
Bénarès en effet, Svàmï Karapatrî passait pour le champion des brahmanes smârta (le
terme est dérivé de smrti).
Mais en 1979, celui qui, la smrti à la main, avait consacré sa vie à la «défense du
sanâtana dharma (le dharma de toujours)», pour reprendre son expression favorite3,
n'avait rien de triomphant, il était désabusé au point de laisser tomber devant une
étrangère : « le dharma de toujours est à bout de souffle »4. Quelques années auparavant
1. Je remercie Madeleine Biardeau, Gérard Colas, Pierre Lachaier et Gilles Tarabout pour leurs
commentaires sur une première version de cet article.
2. Renou dans Renou et Filliozat, 1947-1949 : § 1270.
3. Svâmï Karapatrî (Hariharânanda Sarasvatï, 1901-1982) appartenait à la branche réservée aux
brahmanes du dasanàmï sampradâya, l'ordre monastique fondé par le philosophe Šaňkara (VIIIe siècle) ;
il conduisit de front une carrière religieuse et politique sans toujours distinguer les deux sphères. Sur sa
vie, cf. Lutgendorf, 1994 : 382-390.
4. « sanâtana dharma jaise taise sàmsa le rahâ hai ».
Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient, 87 (2000), p. 3 17-339 3 1 8 Catherine ClÉmentin-Оша
pourtant, Kubernath Sukul, fils et petit-fils de brahmanes smàrta, n'avait pas hésité, pour
présenter la vie religieuse à Bénarès, la ville de ses ancêtres, à distinguer « la religion des
dvija (deux fois nés) » de celle des « dasyu et sudra », démontrant ainsi la résistance
imperturbable des catégories de la smrti, qui depuis des siècles structuraient la réflexion
brahmanique, et du découpage de la réalité sociale qui en était issu. À propos des « deux
fois nés » - les trois premières classes de la société idéale qui ont droit aux rites védiques -, il
avait écrit (en anglais) : « Après l'époque de Shankaracharya (VIIIe siècle), il n'y a guère
eu de changement dans les pratiques ou croyances religieuses de l'hindou védique {Vedic
Hindu). Il rend culte aux symboles concrets des divinités, surtout au pancâyatana
[quintuple-siège], il célèbre les cinq mahâyajna [sacrifices] prescrits dans la smrti, est
régulier dans la prière de la samdhyâ, récite la littérature sacrée à la gloire de Dieu, offre
des japayajňa [récitations de mantra] et des kïrtana [chants de louange] et accomplit des
pèlerinages et offre des donations selon ses pouvoirs et sa bourse. On appelle maintenant
cette forme de pratique religieuse sanàtana dharma au lieu de lui garder son nom originel
de religion védique, car YÂrya Samàja s'est approprié ce nom » (Sukul, 1974 : 145-146).
Ainsi Kubernath Sukul n'était pas aussi pessimiste que son contemporain renonçant :
la « religion des deux fois nés » n'était pas moribonde ; mieux, elle n'avait pas pris une
ride, n'ayant guère changé depuis le VIIIe siècle, elle avait seulement été dépossédée de son
nom originel ; mais sa caractéristique essentielle, à savoir sa résistance au changement,
semblait assurée par ce nouveau nom même de « dharma de toujours ». En réalité,
l'absen

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents