Fais ce que dois, advienne que pourra : Récit de Gerda Siepenbrink - article ; n°1 ; vol.25, pg 60-78
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Description

Les Cahiers du GRIF - Année 1982 - Volume 25 - Numéro 1 - Pages 60-78
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1982
Nombre de lectures 12
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jacqueline Aubenas
Fais ce que dois, advienne que pourra : Récit de Gerda
Siepenbrink
In: Les Cahiers du GRIF, N. 25, 1982. Jutta Brückner : cinéma regard violence. pp. 60-78.
Citer ce document / Cite this document :
Aubenas Jacqueline. Fais ce que dois, advienne que pourra : Récit de Gerda Siepenbrink. In: Les Cahiers du GRIF, N. 25,
1982. Jutta Brückner : cinéma regard violence. pp. 60-78.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/grif_0770-6081_1982_num_25_1_1354Fais ce que dois, advienne que
pourra
60 Fais ce que dois,
advienne que pourra
(Récit de Gerda Siepenbrink)
Tu qu'après, cela l'impression veux t'intéresse. que une je d'avoir fois te raconte Quand que tout tout ma raté, j'y est vie. tout pense fini, Je l'important. ne que aujourd'hui, sais l'on pas sait pourquoi Ce comn'est j'ai
ment on aurait dû vivre.
George dit que je pense beaucoup trop au passé, que je ^ &ÏS CC QU6 QOIS,
ferais réalisé. mieux Et c'est d'être vrai heureuse que nous de en tout avons ce que fait, nous des choses.avons advienne OUC ' DOUIT21
Mais je suis souvent déprimée. Je ne sais pas pourquoi
j'ai si peur, alors que nous avons la jolie maison et pas
de soucis financiers.
Cette peur, je la tiens peut-être de ma mère. Car si je me f
souviens bien, ma mère a commencé à avoir peur le jour
où l'on est venu lui annoncer que mon père était tombé
de l'échelle et qu'il était à l'hôpital. Elle n'a pas résisté.
Elle s'est immédiatement rendue à l'hôpital et elle est
restée deux jours à son chevet, avec mon frère et les
jumeaux. Moi, j'étais encore trop petite.
Ensuite, mon père a été exposé au salon et toute la
famille du Westerwald'est venue à l'enterrement.
C'étaient de riches paysans. Ils nous ont donné une
somme ridicule pour les bonnes terces que mon père
possédait encore de son héritage. Ils disaient que ma
mère ne pouvait rien en faire. - On n'a pas à posséder de
terres quand on ne les cultive pas - tel était leur avis.
Avec l'argent des terres, ma mère a acheté un caveau de
première classe, pour toute la famille. C'est dur à racont
er aujourd'hui, mais elle avait dans l'idée qu'elle allait
entener tous ses enfants et elle en dernier. Elle était à ce
point désespérée qu'elle ne savait plus quoi faire de sa
vie. Et nous, elle voulait nous épargner toute cette
misère; sa famille était sacrée, elle voulait nous aider,
nous protéger, faire en sorte qu'il ne nous arrive rien. 61 C'est fou, ce qu'on peut faire avec des enfants!
Ma mère s'est donc retrouvée avec 4 enfants et 135
marks de pension - la rente-accident et la pension
d'orphelin. C'était en 1922, et c'était l'inflation.
Les avocats disent: nous regrettons, mais la caisse de
secours de l'usine est une institution bénévole et inatt
aquable en justice. Si l'usine ne veut pas payer plus que
prévu, il n 'existe aucun recours légal. Monsieur le curé,
nous croyons que c'est un cas pour l'Eglise.
Le curé et les prêtres disent: les femmes qui ont servi
dans de bonnes maisons n 'ont plus cette grossièreté du
caractère et des moeurs qui est monnaie courante dans
les classes inférieures. Nous avons affaire ici à un tel cas.
Le soulagement que nous pouvons lui apporter n 'est que
provisoire. Nous vous prions, Monsieur le Directeur, de
revoir en tant que représentant de l'usine, votre point de
vue.
Le directeur dit: en me montrant charitable, je ne ferais
qu'encourager mes ouvriers à ne pas observer les règles
de sécurité - comme l'a fait monsieur Siepenbrink.
La femme du directeur dit: un des enfants pourra venir
manger chez nous une fois par semaine et prendre à la
cuisine de quoi donner à ses frères et soeurs.
Une bonne conscience
Le propriétaire doit la prier de quitter l'appartement
parce qu 'elle ne peut pas payer le loyer. Mais il lui per
met de s'installer chez son frère, sous les toits, pour une
somme ridicule, parce que l'eau est à la cave.
Le fils aîné travaille chez le boulanger. Il balaie le magas
in, porte le pain. Il est payé en nature, et ses frères et
soeurs peuvent manger à satiété. L'épicier propose à la
mère de l'employer à faire le ménage. Il est étonné quand
elle refuse: elle ne veutjpas que ses enfants aient une
mère femme de ménage. Une voisine lui donne des légu
mes et des fruits de son jardin. En échange, les filles gar
dent les trois petits enfants de la voisine. Une autre voi
sine lui fait coudre le trousseau de sa fille qui va se
marier, et lui offre en échange les vêtements d'enfant de
cette fille.
Les gens respectables ne vivent pas de l'assistance
sociale....
Non, il était impensable pour ma mère de vivre de
l'assistance publique. On avait jadis une toute autre idée
62 de l'aide sociale. Je me souviens de la communion de frère: il n'avait pas de costume. Le curé a voulu lui mon
en procurer un de l'assistance, mais ma mère n'aurait
jamais accepté. Elle a fini par lui en acheter un. Com
ment? Je ne sais pas. Mais recourir à l'assistance, jadis,
c'était pour ainsi dire être asocial. Quand on est tombé
si bas, disait ma mère, c'est qu'on n'est plus grand'chose.
C'est certainement pour cela qu'elle accordait tant de
valeur aux convenances et à la propreté. Nous les filles,
nous n'avions qu'une seule belle robe. On la lavait toutes
les semaines et cela demandait une journée. Alors, ce
jour-là, nous mettions des habits rapiécés, mais nous
n'avions pas le droit de sortir, même pas de le raconter!
Les gens respectables ont des enfants bien élevés.
Oui, ses enfants étaient toute sa fierté, et elle accordait
la plus grande valeur à leur éducation. Cela venait aussi
de ce qu'elle avait été première domestique chez un
riche fabricant. Elle avait donc connu les bonnes manièr
es et voulait les transmettre à ses enfants. Elle voulait
des enfants bien élevés, qui ne se salissent pas, qui ne
font pas de bruit, des enfants polis, réservés, serviables
et complaisants. C'est pour cela qu'elle nous tenait
beaucoup à la maison.
Parfois, j'ai bien envié les enfants qui jouaient dans la
rue - mais j'avais mes deux poupées, et puis ma mère
jouait avec moi - mes soeurs étaient déjà trop vieilles. En
outre, je n'étais pas habituée au ton grossier de la plupart
des autres enfants, surtout quand il y avait des garçons
dans la famille. Chez nous, tout était calme, poli, jamais
un mot plus haut que l'autre. Ma mère ne voulait pas
que nous jouions avec des enfants mal élevés, parce
qu'elle-même n'avait aucun contact avec les gens chez
qui quelque chose clochait. Notre mère était une femme
très bien.
Je n'avais pas une seule amie. Et les anniversaires, chez
nous, ça n'existait pas: nous n'avions pas d'argent pour
les fêter. En fait, j'ai toujours été une solitaire.
Aujourd'hui encore, je supporte très bien la solitude, je
n'ai besoin de personne autour de moi.
Les gens étaient extrêmement pointilleux jadis. Je ne sais
pas ce que les autres avaient le droit de faire. Nous, nous
ne pouvions rien nous permettre.
Les maîtres d'école disent: l'élève Gerda Siepenbrink a
une bonne conduite, elle est ponctuelle et consciencieuse, 63 mais c 'est encore une enfant distraite. Il faut se montrer
compréhensif mais aussi sévère.
Les enfants apprennent: « notre patrie est belle, ses mont
agnes sont hautes, ses rivières claires, ses forêts immens
es, ses vallées profondes.»
Gerda est une petite fille travailleuse, à l'intelligence
moyenne mais suffisante, qui est capable de s 'adapter
rapidement.
Les enfants apprennent: «Notre maître d'école nous a
fait voir notre beau pays. Nous l'en remercions de tout
coeur».
Gerda possède déjà toutes les qualités de la femme. Elle
s 'adapte facilement, elle apprend bien, et elle compense
son manque d'aptitudes par le zèle et l'application.
Les enfants apprennent: «Notre mère est au fourneau et
fait la cuisine. Notre père est un ouvrier sérieux. Le
dimanche nous a

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