Fragments d une psychologie des femmes, 1904 - article ; n°1 ; vol.40, pg 79-85
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Description

Les Cahiers du GRIF - Année 1989 - Volume 40 - Numéro 1 - Pages 79-85
7 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 39
Langue Français

Extrait

Georg Simmel
Henri Plard
Fragments d'une psychologie des femmes, 1904
In: Les Cahiers du GRIF, N. 40, 1989. Georg Simmel. pp. 79-85.
Citer ce document / Cite this document :
Simmel Georg, Plard Henri. Fragments d'une psychologie des femmes, 1904. In: Les Cahiers du GRIF, N. 40, 1989. Georg
Simmel. pp. 79-85.
doi : 10.3406/grif.1989.1787
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/grif_0770-6081_1989_num_40_1_1787Fragments d'une psychologie des
femmes (1904)
Georg Simmel
« Parler des "belles" au pluriel, c'est se ré
signer d'avance à traiter, dans le meilleur
des cas, une simple majorité comme si
c'était une totalité ».-
En apprenant à assumer la culture de la maison, les I
femmes ont vu s'éveiller en elles la nature spirituelle dont
la maison est le symbole, par opposition aux métiers qui,
attirant au dehors ceux qui les exercent, rayonnent dans
toutes les directions : constance, harmonie, unité, en les
quelles s'apaisent la multiplicité et les dissonances de la
vie extérieure. Le rôle qui revenait à chacun dans la divi
sion du travail entre hommes et femmes n'était, en fait,
déterminé par la Nature qu'en ce qui concerne les
femmes, car la responsabilité et le soin de la génération
suivante, avec tout ce qu'ils entraînent en pratique, étaient
un accomplissement vital dont l'homme ne possédait rien
d'analogue qui fût aussi harmonieusement circonscrit à
l'avance. Cette absence d'un contenu fixé par la Nature à
ses activités le contraignait à une liberté créatrice, faisait
de lui le support de la division du travail. C'est ainsi que
l'homme, pris individuellement, pouvait bien être tran
sformé par sa spécialisation en une créature étroite et bor
née; mais le sexe masculin, pris dans son ensemble, n'en
a pas moins créé la richesse multiple, l'individualité des
manifestations de la vie culturelle, auxquelles s'oppose la
femme, qui en est le centre d'harmonie et de cohésion, 79 la maison à l'agitation et à la spécialisation de comme
chaque métier selon sa nature particulière.
II Cette harmonie, transposée du rôle culturel de la fem
me à sa vie intérieure, ou qui l'a créé à partir de cette der
nière, lui confère, lorsqu'elle peut s'incarner purement, un
quelque chose du caractère de l'uvre d'art Car l'essence
de celle-ci est l'harmonie qui se satisfait d'elle-même,
l'autonomie que la Nature n'accorde à aucune de ses créa
tions. En effet, chacune d'elles est intégrée dans le monde
qui l'entoure par mille connexions, des milliers de fils qui
se prolongent à l'infini, se tissent à partir de chaque objet
et vers chacun d'eux, si bien qu'aucun d'eux n'a de limites
définitivement tracées. Seule, l'uvre d'art est un tout tel
que l'est l'Univers pris dans son ensemble, et son cadre la
sépare avec une netteté infrangible de tout le chaos divers
ifié des choses. La femme représente une unité semb
lable, comparée à l'homme, prisonnier de la multiplicité
éclatée et d'une vie sans fin ni limites. Ce ne sont pas seu
lement les convenances qui, de tous temps, interdisent
aux femmes les gestes théâtraux, les paroles agressives,
une manière brutale de sortir hors de soi-même. Si ce re
pli sur soi, ce renoncement à toute manifestation pathé
tique de son être est devenu la forme que lui prescrivent
les murs, c'est en cela même que s'exprime l'harmonie
de son existence, ou bien l'un et l'autre tissent entre elles
un rapport de réciprocité.
III Un rapport analogue est peut-être le principe vital de
cette harmonie et de l'exigence de préserver aussi long
temps qu'il se peut « l'innocence » de la femme, dans l'a
cception théorique du mot, c'est-à-dire son ignorance de
choses dont la réalisation détruit « l'innocence » au sens
concret de ce terme. Il se peut que cette singularité soit
une pousse folle née du juste instinct de l'unité psy-,
chique de la femme, en vertu de laquelle le savoir et l'ac
te sont chez elle plus étroitement liés que chez l'homme,
80 être différencié, dont la raison et le sentiment entretien- chacun de son côté, deux comptabilités beaucoup nent,
plus distinctes.
Les énergies psychiques de la femme se concentrent
bien plus étroitement autour d'un point d'unité, si bien
qu'une seule émotion en met, beaucoup plus que chez
l'homme, la totalité en mouvement. La délicatesse vulné
rable, en vertu de laquelle le savoir est déjà ressenti com
me un assentiment, l'initiation théorique à l'impur comme
une souillure de la personne, ne se caricature que trop, il
est vrai, dans l'histoire des femmes, sous l'aspect d'une
pruderie ridicule; mais cela n'est que l'exagération de ce
trait, le plus profond, de toute nature féminine : l'interd
épendance profonde de toutes les provinces de l'âme, telle
que les contenus de l'une déclenchent inévitablement les
réactions de toutes les autres. Depuis qu'on étudie la psy
chologie des femmes, on leur a de tous temps reproché
leur manque d'objectivité. Mais à supposer, pour aller
jusqu'à l'extrême, qu'elles prennent réellement toute cho
se sous l'angle des sentiments et des intérêts, des états
d'âme et des impulsions, ce qui se révèle ainsi, ce n'est
que l'étroite cohésion qui relie chez elles toutes les manif
estations du psychisme. Il est possible qu'elles soient ef
fectivement incapables d'arracher la nature objective des
choses à cette lumière et cette ombre que l'âme projette
de tous côtés sur elle - mais ce n'est tout simplement un
« défaut » que pour l'arrogance des cuistres. Il s'agit là
bien plutôt de la relation profondément enracinée qu'en
tretiennent avec le monde des âmes dont les manifesta^
tions périphériques se confondent avec leur centre, si
bien qu'en elles, c'est toute leur vie secrète qui répond et
se met à vibrer sitôt qu'on en tire ne fût-ce qu'un son. On
peut qualifier cette disposition de subjectivité, par oppos
ition au psychisme différencié de l'homme qui s'entend à
isoler les uns des autres les contenus multiples de sa vie
intérieure, et arrache ainsi la pure objectivité aux remous
de la vie de la personne. Mais en présence de telles réali
tés, sans lesquelles la vie de notre espèce, privée des inci
tations qu'elle doit à ses contradictions les plus pro
fondes, subirait des métamorphoses aux conséquences
infimes - on ne peut s'arroger le rôle de juge, ni établir 81 .
une hiérarchie entre deux formes d'être, l'une inférieure,
l'autre supérieure, puisqu'aussi bien chacune d'elles est
un monde parfait en lui-même, et que l'histoire de l'h
umanité n'a d'autre origine que leur coexistence et leur a
ffrontement
IV Ce point central dans la psychologie des femmes : le
fait qu'elles soient les créatures les plus harmonieuses et
les plus complètes, c'est-à-dire celles chez qui les él
éments de l'existence intime sont entre eux plus étroit
ement liés - le reflet psychique de leur enracinement diffi
cile à définir, plus profond, au cur de l'obscure unité de
tout ce qui est Nature -, ce point permet de comprendre
qu'elles soient plus fidèles que les hommes, à commencer
par leur attachement à des vieilleries, des objets qu'elles,
ou les êtres qu'elles ont aimés, ont possédé, aux souvenirs
les plus tangibles tout aussi bien que les plus désincarnés.
Car la structure de leur âme fait qu'elles ont de la peine à
séparer des objets les valeurs, les pensées et les sent
iments qui jadis s'y sont rattachés, et l'énergie de leur uni
té d'âme maintient la cohésion de tout ce qui a jamais pu
s'y rencontrer. L'homme a moins le culte des objets, parce
qu'il les envisage plutôt selon leur valeur effective et iso
lée, et que l'objet particulier ne jouit plus dans son âme
du privilège d'être ennobli et transfiguré par tout ce qu'il
a jadis signifié, et par ce avec quoi il est,

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