Hyperbolos, la création d une légende noire - article ; n°1 ; vol.13, pg 183-198
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Description

Dialogues d'histoire ancienne - Année 1987 - Volume 13 - Numéro 1 - Pages 183-198
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 25
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Patrice Brun
Hyperbolos, la création d'une "légende noire"
In: Dialogues d'histoire ancienne. Vol. 13, 1987. pp. 183-198.
Citer ce document / Cite this document :
Brun Patrice. Hyperbolos, la création d'une "légende noire". In: Dialogues d'histoire ancienne. Vol. 13, 1987. pp. 183-198.
doi : 10.3406/dha.1987.1756
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/dha_0755-7256_1987_num_13_1_1756LA CREATION D'UNE HYPERBOLOS,
"LEGENDE NOIRE"
Patrice BRUN
La place et le rôle d'Hyperbolos dans la vie politique
athénienne ne sont pas simples à définir. Si les sources sur le
personnage sont relativement abondantes (1), elles sont pour la
plupart très partiales et ne donnent qu'une image déformée du
démagogue athénien. D'autre part, les historiens modernes ne se
sont essentiellement intéressés à lui qu'au travers de son ostracisme
dont il fut, on le sait, la dernière victime : la bibliographie est
considérable sur cet épisode (2). L'homme, par contre, demeure
mystérieux, éclairé seulement par l'article de H. Swoboda dans la
"Real Encyclopaedia" (3) et une suite de cinq articles, laissée
malheureusement sans synthèse finale, de F. Camon (4). L'étude
que nous nous proposons de réaliser ici se voudra analyse des
sources tout autant qu'état de la question bibliographique. Elle
exclura toutefois l'ostracisme : il ne servirait guère d'allonger une
bibliographie dans ce domaine, tant elle est déjà vaste.
THUCYDIDE VIII 73, 3.
Si l'on excepte les allusions - fort nombreuses - des poètes
comiques, la source contemporaine majeure (5) est Thucydide
VIII. 73.3 : "Hyperbolos, un Athénien méprisable qu'on avait
ostracise, non par peur de son influence et de son prestige mais
parce que c'était un malhonnête homme qui déshonorait la cité".
C'est le seul passage où Thucydide parle d'Hyperbolos et il est 184 PATRICE BRUN
intéressant de constater qu'il fait allusion à son ostracisme non en
son temps, mais à propos de son assassinat lors de la révolution de
411.
On ne peut qu'être frappé de la tonalité générale employée par
l'historien. Certes, Thucydide utilise vis-à-vis de Cléon des mots
presque aussi durs quand il écrit notamment que ce dernier "pensait
que le retour au calme rendrait plus manifestes ses méfaits et moins
convaincantes ses calomnies" (6). Mais, dans le cas d'Hyperbolos,
l'expression est entièrement polémique et se rapproche de la
tonalité générale de la poésie comique et de ses outrances. Cette
condamnation morale est accentuée encore par la forme lapidaire de
la phrase et la parataxe.
Ce n'est pas sans intérêt que l'on soulignera les mots choisis
par Thucydide : la première expression pour désigner Hyperbolos
est mokhthèros anîhropos . Or, c'est la seule fois que l'on trouve
l'adjectif mokhthèros dans l'oeuvre de l'historien (7). Ces mots
sont d'une troublante similitude avec ceux dont se sert Aristophane
pour qualifier Hyperbolos, appelé mokhthèros polîtes (8). Nous
reviendrons plus loins sur les conclusions à tirer de cette remarque
lourde de signification.
Comment expliquer ce jugement sans appel ? Hyperbolos
n'apparaît, on l'a vu, qu'en cette occasion dans la Guerre du
Péloponnèse et à contre-temps. Or, il est patent qu'il a eu une
indiscutable influence dans l'Athènes des années 424-417. Toul
autant que la phrase définitive de Thucydide, le silence de celui-ci
sur la vie publique d'Hyperbolos et son ostracisme pose problème.
Une explication simple -simpliste ?- vient à l'esprit : exilé
depuis 424, Thucydide avait connu l'ascension de Cléon, mais
n'avait pu après la mort de celui-ci en 422 assister à la succession
qui s'opère à ce moment-là dans la faction démocratique et dont les
modalités exactes lui auraient donc échappé. A.W. Gomme note
d'ailleurs que l'éloignement de Thucydide ne va pas sans poser des
problèmes, car les informations du côté athénien lui parviennent
irrégulièrement (9).
Cependant, cette analyse est insuffisante. L'ostracisme
d'Hyperbolos fut un événement marquant à Athènes, ainsi que
l'atteste le déchaînement des passions perceptible au travers des
relations successives qu'en a faites Plutarque (10) et du discours
parvenu jusqu'à nous sous le nom de Contre Alcibiade , exercice
d'école faussement attribué à Andocide (11). Il est difficile
d'imaginer que Thucydide a oublié de narrer cet épisode. Bien
plutôt, il a dû le considérer comme accessoire dans son analyse du DIALOGUES D'HISTOIRE ANCIENNE 185
conflit entre Athènes et Sparte et Га par conséquent passé sous
silence.
Pourquoi toutefois cette dureté de langage ? Nous retrouvons
là la concordance de vocabulaire que je soulignais plus haut entre
Aristophane et Thucydide, Faut-il y voir une simple coïncidence ?
Je serait peu enclin à l'admettre. Hyperboles est sans nul doute le
démagogue athénien le plus rudoyé par les poètes comiques de son.
temps, traité tour à tour d'ignorant (12), de malhonnête (13), de
sycophante (14) et autres insultes classiques, Platon le Comique
avait composé une pièce au titre direct ďHyperbolos et Eupolis le
traîna sou s le nom d'emprunt de Maricas (15). Aristophane, qui le
prit pour cible favorite après la mort de Cléon reconnaît d'ailleurs
implicitement le caractère outrancier de ces attaques (16), II ne me
paraît pas impensable que la virulence de ces assauts ait été
entendue de son exil par Thucydide et cela d'autant plus que la.
démarche de l'historien favorisait une telle perception. Car
l'attitude de Thucydide à l'égard des belligérants est éclairante ;
Cléon et Brasidas, en tant qu'adversaires de la paix, ne sont guère:
ménagés (17) et Hyperboles, suivant en cela la politique de son
prédécesseur, a sans doute eu un comportement belliciste peu
apprécié de l'historien (18).
On peut penser également qu'Hyperbolos fui:
personnellement impliqué dans l'exil de l'historien après son échec
sur Amphipolis mais nous entrons la dans le domaine des
hypothèses invérifiables, Quoiqu'il en soit, Hyperbolos défendait
la ligne politique des adversaires de Thucydide et cela lui suffisait
peut-être pour accorder du crédit aux propos hostiles des comiques
jusqu'à en puiser même les termes exacts.
Or, et c'est sans doute là l'essentiel, le jugement de
Thucydide est, sans nuances, passé à la postérité : Philochore cite
presque mot à mot Aristophane et Thucydide, puisqu'il affirme
qu'Hyperbolos fut ostracise dia mokhtèria tropôn (19). Plutarque
reprend les mêmes expressions à deux reprises dans la Vie de
Nicias pour les appliquer dans les cas à Hyperbolos (20). On
ne saurait voir là une coïncidence supplémentaire, puisque
Plutarque, si l'on peut dire, cite ses sources sur de la
façon la plus éclatante : "II y avait un certain Hyperbolos, du dème
de Périthoides, dont Thucydide parle comme d'un méchant homme
(hôs anthrôpou ponèrou ) et qui fournissait à tous les poètes
comiques indistinctement une matière perpétuelle de railleries sur la
scène" (21). Thucydide, les poètes comiques, autant dire que
Plutarque n'en sait pas plus que nous sur le personnage. On 186 PATRICE BRUN
comprend bien alors que les jugements moraux que le Béotien se
plaît à porter sur Hyperbolos (22) n'ont aucun fondement réel. Ses
accusations sont vagues et écrites dans un style d'autant plus
percutant qu'elles ne se rattachent à aucun exemple précis.
Il n'y a pas que le doublet mokhthèros-mokhtèria qui ait fait
florès. Souvenons-nous que Thucydide, après avoir traité le
démagogue de mokhthèros, indiquait qu'il avait été ostracise "non
par peur de son influence et de son prestige, mais parce que c'était
un malhonnête homme qui déshonorait la cité" (23). Or, on
retrouve cette expression au terme près dans une scholie
d'Aristophane dont la source n'est autre que Théopompe (24).
Pour tout dire, nous ne possédons aucun témoignage ancien nous
offrant d'Hyperbolos

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