Idéologie verte et rhétorique paysagère - article ; n°1 ; vol.74, pg 33-47
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Description

Communications - Année 2003 - Volume 74 - Numéro 1 - Pages 33-47
L'analyse des divers documents d'urbanisme et d'aménagement des territoires montre à l'évidence une prégnance croissante du « vert » dans les cartes et du vocabulaire végétal et paysager dans les textes. Il y a incontestablement là une forme de discours « politiquement correct » et thaumaturge face aux maux des villes et aux difficultés de l'action urbaine. Prendre ce discours au sérieux peut permettre d'identifier des gestes urbanistiques en fait divergents, mais qui semblent aller souvent vers une dissolution de la ville « en nature ».
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2003
Nombre de lectures 24
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Mr Christian Calenge
Idéologie verte et rhétorique paysagère
In: Communications, 74, 2003. pp. 33-47.
Résumé
L'analyse des divers documents d'urbanisme et d'aménagement des territoires montre à l'évidence une prégnance croissante du
« vert » dans les cartes et du vocabulaire végétal et paysager dans les textes. Il y a incontestablement là une forme de discours
« politiquement correct » et thaumaturge face aux maux des villes et aux difficultés de l'action urbaine. Prendre ce au
sérieux peut permettre d'identifier des gestes urbanistiques en fait divergents, mais qui semblent aller souvent vers une
dissolution de la ville « en nature ».
Citer ce document / Cite this document :
Calenge Christian . Idéologie verte et rhétorique paysagère. In: Communications, 74, 2003. pp. 33-47.
doi : 10.3406/comm.2003.2127
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_2003_num_74_1_2127Christian Calenge
Idéologie verte
et rhétorique paysagère
Après avoir marché sept jours à travers bois, celui qui va à Baucis ne
réussit pas à le voir, et il est arrivé. Des perches qui s'élèvent du sol à
grande distance les unes des autres et se perdent au-dessus des nuages
soutiennent la ville. On y monte par de petits escaliers. Les habitants
se montrent rarement à même le sol : ils ont déjà là-haut tout le néces
saire et ils préfèrent ne pas descendre. Rien de la ville ne touche terre
en dehors de ces longues pattes de phénicoptère sur lesquelles elle
s'appuie et, les jours où il y a de la lumière, d'une ombre dentelée,
anguleuse, qui se dessine sur le feuillage.
On fait trois hypothèses sur les habitants de Baucis : qu'ils haïssent la
Terre ; qu'ils la respectent au point d'éviter tout contact avec elle ; qu'ils
l'aiment telle qu'elle était avant eux, et que, s'aidant de longues-vues
et de télescopes pointés vers le bas, ils ne se lassent pas de la passer en
revue, feuille par feuille, rocher par rocher, fourmi par fourmi, y
contemplant fascinés leur propre absence1.
Aux trois hypothèses d'Italo Calvino, nous pouvons imaginer faire cor
respondre trois figures connues : l'adepte du Mouvement moderne, sus
pect d'avoir sinon haï, du moins négligé et méprisé la nature ; l'écologiste
radical, pour qui la nature doit rester un sanctuaire protégé de la foule ;
le nostalgique rêvant d'une Arcadie heureuse ou d'un paradis perdu...
Mais aujourd'hui surgit peut-être la figure nouvelle du citadin désireux
de voir la nature envahir la ville, au point de la rendre invisible...
Le vert (et le bleu, souvent symbole des eaux bénéfiques) est devenu
la couleur de la plus grande partie des documents d'urbanisme et d'amé
nagement des territoires. Ces documents constituent des matériaux pri
vilégiés pour l'analyse d'un discours qui s'est par ailleurs enrichi avec la
création de nombreux sites Internet. Quelques exemples, pour la plupart
situés dans les périphéries urbaines (couronne parisienne, banlieues de
Tours et de Grenoble), illustreront l'existence de la doxa paysagère.
33 Christian Calenge
Une rhétorique paysagère.
Ainsi, la Ville de Grigny, dans l'Essonne, développe un Grand Projet
de ville 2 qui cherche à définir une « finalité 3 » aux actions urbanistiques
diverses, déjà entreprises ou à venir. Les objectifs ne sont pas nouveaux.
Ils sont classés en « objectifs sociaux » (« réduire le chômage, aider les
personnes en difficulté, améliorer la sécurité, rééquilibrer le peuplement,
mettre en place un projet éducatif, améliorer la vie collective, etc. 4 »), en
« objectifs économiques » (augmenter le nombre d'emplois, améliorer les
finances communales...) et en « objectifs urbains » (constituer une ville
offrant les fonctions que l'on trouve généralement dans une agglomération
de 25 000 habitants : création d'un centre-ville, réalisation d'équipements
et d'espaces publics, implantation de commerces et de services... ; amél
iorer l'accessibilité et les communications avec le reste de l'agglomérat
ion). Les modes d'action pour obtenir la meilleure qualité de vie possible
dans une ville « normale » sont divers, mais la plupart portent sur un
traitement paysager des espaces publics. En 2000 par exemple, est mise
en chantier l'esplanade des Droits-de-1'Homme qui « relie et fédère plu
sieurs équipements publics municipaux... [Elle] s'inscrit dans un contexte
urbain fort, elle est desservie par les nouvelles voies de liaison du centre-
ville avec les quartiers de Grigny II, les quartiers de la Grande-Borne et
la zone d'activité des Radars » . Cette esplanade sera « un des points forts
d'articulation de la trame verte », et son traitement paysager, à la fois
minéral et végétal, permettra de réunifier « un ensemble jusque-là di
sparate ». Plus loin, on apprend qu'il s'agit de créer « un mail piéton, et
encore un grand espace libre traité en pelouse avec encadrement d'arbres,
qui permettra d'accueillir différentes manifestations festives et cultu
relles ». Et surtout, « à terme, la trame verte articulera l'ensemble aux
aménagements extérieurs du centre-ville ».
Dans ce premier exemple, on peut retenir certaines figures presque
classiques du discours « vert » : la « trame verte », qui revient comme un
leitmotiv ; l'arbre, multiplié et quasi sacralisé dans les représentations
habitantes ; le mail ou le boulevard dit « urbain », qui succède en lieu et
place aux routes et rues principales d'un quartier ou d'une ville ; le « pré
verdissement » des lotissements ; les fleurissements divers qui gagnent le
moindre espace urbain, à l'image des ronds-points. Tout l'espace urbain,
banlieusard et périurbain environnant est l'objet d'actions et de discours
paysagers, et aucun projet d'aménagement, aussi modeste soit-il, ne sau
rait oublier le « volet paysager » : le Syndicat intercommunal de la vallée
de l'Orge aval centre son activité sur l'aménagement des berges et la mise
34 Idéologie verte et rhétorique paysagère
en valeur d'une trame verte ; le Syndicat intercommunal d'aménagement
de la vallée de la Bièvre veut faire « redécouvrir la Bièvre » (au sens propre
aussi dans certaines communes, où elle sera remise à ciel ouvert), « maint
enir et développer la faune et la flore. Les techniques végétales de défense
des berges seront préférées » °. Une trame verte « concrétisera cette mise
en valeur », une fois la Bièvre « délivrée de ses pollutions ». Tout près de
là, la Ville d'Athis-Mons affirme dans son Projet urbain global avoir « déjà
une trame verte (les coteaux, le Val de l'Orge, les berges de Seine) ». Elle
veut transformer la RN7 en « boulevard urbain », reconquérir les rives
de la Seine, mettre au point un plan d'embellissement, et valoriser le
patrimoine architectural des maisons de banlieue. Là encore, c'est tout
un programme paysager reposant sur le végétal et les eaux (mais incluant
pour une fois l'architecture) qui est chargé de fournir un sens à l'action
municipale.
Mise en scène de la ville.
Une réflexion de même nature est menée à La Riche, commune limi
trophe et periurbaine de Tours. Elle s'appuie sur une étude effectuée par
une agence d'urbanisme, dont le travail est dû pour l'essentiel à une
paysagiste6. Le Projet global de développement urbain ainsi défini affiche
les objectifs de la municipalité7, qui a notamment renouvelé le POS à
partir de ses prescriptions.- L'ambition est globalement «de créer un
nouveau paysage communal, de mettre en scène la ville » pour lui redon
ner du sens. Cette commune offre en effet un espace extrêmement hété
rogène - sinon hétéroclite -, qui mêle des quartiers de banlieue classiques,
des lotissements récents, des cités d'immeubles collectifs (parmi les plus
socialement stigmatisés de l'agglomération), des zones industrielles, des
exploitations maraîchères (en recul mais encore vivaces), des jardins
ouvriers (en friche ou recréés), des voies ferrées qui segmentent le terri

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