II est là, je le vois, il me parle - article ; n°1 ; vol.38, pg 98-120
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Description

Communications - Année 1983 - Volume 38 - Numéro 1 - Pages 98-120
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1983
Nombre de lectures 34
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Eliseo Verón
II est là, je le vois, il me parle
In: Communications, 38, 1983. pp. 98-120.
Citer ce document / Cite this document :
Verón Eliseo. II est là, je le vois, il me parle. In: Communications, 38, 1983. pp. 98-120.
doi : 10.3406/comm.1983.1570
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1983_num_38_1_1570Eliséo Véron
II est là, je le vois, il me parle
jt.
Ce travail présente une première approche du dispositif d'énonciation
propre à un texte audiovisuel bien déterminé : le journal télévisé. Il
s'agit d'explorer un domaine nouveau, avec tous les risques que cela
comporte : objet familier dans l'expérience quotidienne de millions de
personnes, le « JT » (comme on dit) s'avère d'une complexité
redoutable aussitôt que, ayant attrapé dans une cassette vidéo quelques
exemplaires de son espèce (qui est loin d'être en voie de disparition), on
se penche sur son statut, sa structure d'ensemble, ses modes de cons
truction et de fonctionnement, ses variantes, la combinatoire spécifique
des matières signifiantes et le croisement de genres discursifs qui le
caractérisent.
A cela s'ajoute qu'il est bien difficile de se borner à l'étude d'un corpus
uniquement constitué par des journaux télévisés. Comme c'est toujours
le cas lorsqu'on s'intéresse aux discours sociaux, la description nécessite
une démarche comparative : l'analyse travaille sur les écarts inter
discursifs, et l'économie discursive propre à un type donné n'est
repérable que par l'étude de ses invariants (et, partant, de ses possibles
variations), définissant sa spécificité et donc sa distance vis-à-vis
d'autres types de discours *. Si le critère du travail sur les écarts se
formule ici comme principe de méthode, il est imposé, me semble-t-il,
par la nature des objets : les discours sociaux s'inter-déterminent.
Comprendre la structure et le fonctionnement du journal télévisé exige
de comprendre sa place parmi les supports de l'information. Une
première dimension de la spécificité du journal télévisé est donc
repérable par l'analyse des propriétés discursives qui découlent du
support signifiant : on peut ainsi comparer, dans l'univers du discours
de l'information, le journal télévisé à la presse écrite et à la radio 2.
Mais pour avancer dans la détermination plus globale de ses
propriétés, la question du champ de variations possibles devient
incontournable, et la nécessité d'une démarche d'ordre transculturel
s'impose. C'est pourquoi les réflexions qui suivent, bien que concernant
surtout les modalités de fonctionnement du journal télévisé en France,
reposent en même temps sur une première analyse comparative entre les
98 // est là, je le vois, il me parle
JT français et les journaux nationaux du soir au Brésil, et sur des
observations (moins systématiques) des journaux des grandes chaînes
américaines et des chaînes nationales en Italie 3. De ce point de vue, le
journal pose donc des problèmes particuliers et très différents de ceux
qu'affronte la sémiologie du cinéma : à la différence d'un film qui,
produit dans des conditions économiques, sociales et culturelles spéci
fiques, transite ensuite par le monde entier, la circulation du journal
télévisé est culturellement close : sa production et sa reconnaissance
restent toutes deux enfermées dans un même contexte national.
A ces deux dimensions touchant à sa spécificité (contraintes signifian
tes du support à l'intérieur de l'univers discursif de l'information, et
champ de variations de sa structure à travers des contextes sociocultur
els différents), il faut ajouter celle du temps : il est évident que tout au
long de l'histoire de la télévision dans les pays industriels, les informat
ions télévisées se sont profondément transformées (et nous sommes
d'ailleurs en France, depuis l'élection présidentielle, dans une période de
changement rapide, induit par la nouvelle situation politique) 4.
Ces dimensions (qui ne sont pas les seules en jeu) ne seront pas
abordées directement dans ce travail, essentiellement consacré à cerner
quelques-unes des opérations discursives définissant le dispositif d'é-
nonciation du journal télévisé. Si je les évoque, ce n'est pas seulement
pour inviter le lecteur à une certaine indulgence, eu égard à la
complexité du domaine, mais aussi pour lui rappeler la stratégie de ce
que j'appelle la théorie des discours sociaux : la description d'un
ensemble de propriétés discursives n'est pertinente que si elle est faite à
la lumière d'hypothèses (explicites ou implicites) sur les conditions de
production et de consommation des discours (autrement, nous ne
saurions même pas quoi décrire). L'analyse des discours sociaux ne peut
en aucune façon être une analyse « immanente » ; elle n'est pas non
plus, par conséquent, un simple transfert de concepts (ou de modèles)
linguistiques : si, tout comme les linguistes, l'analyste des discours parle
d'énonciation, il sera nécessairement amené, en cours de route, à
transformer profondément et le contenu et la portée de ce concept.
D'autre part, si elle veut être autre chose que la dernière version d'une
lecture intuitive-interprétative des objets culturels, l'analyse des dis
cours ne peut se fonder sur le simple remaniement d'une quelconque
démarche sociologique : si la sociologie apporte à l'analyse des discours
les outils pour localiser, dans le fonctionnement social, les objets
discursifs qui l'intéressent, elle reste toujours étrangère aux instruments
indispensables à la description de la production de sens. C'est inévit
ablement dans cet espace étroit, dans cette position inconfortable, qu'une
théorie des discours sociaux (ou, si l'on veut, une sociosémiotique) se
doit à l'heure actuelle de travailler 5.
99 Eliséo Véron
Pragmatique et sociosémiotique.
A cet égard, il est peut-être utile de distinguer la démarche qui inspire
ces réflexions de la problématique qui s'est développée ces dernières
années sous le nom de « pragmatique ». Il faut rappeler tout d'abord que
le retour de ce terme tel qu'il s'est produit récemment en France 6, est le
dernier d'une série d'emplois fort diversifiés. Si dans certaines de ses
utilisations la problématique que ce terme recouvre n'a guère de rapport
avec le développement de la linguistique (comme, par exemple, dans la
tradition de la « human communication theory » aux Etats-Unis 7 ou
dans le contexte de la théorie de l'« École de Palo Alto », inspirée des
travaux de Gregory Bateson 8), dans d'autres, par contre (comme c'est le
cas en France), la « pragmatique » peut être considérée comme une sorte
de « linguistique élargie ». (C'est d'ailleurs la vocation première de ce
terme, conçu pour désigner le dernier volet d'un triptyque dont les deux
premiers (la syntaxique et la sémantique) ont été le plus souvent
revendiqués (en dehors des logiciens) par les linguistes eux-mêmes.)
Essayons d'énumérer les principales différences entre ce que j'appelle
ici une « théorie des discours sociaux », ou sociosémiotique, et la
« pragmatique » entendue comme « linguistique élargie ».
La première différence est triviale. Issue d'une démarche d'origine
linguistique, cette pragmatique focalisée sur les « actes de langage » ne
s'intéresse qu'à la matière linguistique : il est évident que les problèmes
d'énonciation dans l'image audiovisuelle, par exemple, ne la concernent
pas, ce qui bien entendu ne saurait être un reproche. La sociosémioti
que, au contraire, dans la mesure où elle trouve son point de départ dans
les discours sociaux tels qu'il se donnent à l'expérience, est obligée
d'affronter le fait que ceux-ci sont toujours des « paquets » constitués
par des matières signifiantes hétérogènes. De ce point de vue, la
sociosémiotique est plus proche de la pragmatique américa

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