Images de Timor en France (1812-1824) - article ; n°1 ; vol.62, pg 71-90
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Description

Archipel - Année 2001 - Volume 62 - Numéro 1 - Pages 71-90
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2001
Nombre de lectures 10
Langue Français

Extrait

Pierre Labrousse
Images de Timor en France (1812-1824)
In: Archipel. Volume 62, 2001. pp. 71-90.
Citer ce document / Cite this document :
Labrousse Pierre. Images de Timor en France (1812-1824). In: Archipel. Volume 62, 2001. pp. 71-90.
doi : 10.3406/arch.2001.3664
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arch_0044-8613_2001_num_62_1_3664IMAGES
Pierre LABROUSSE
Images de Timor en France (1812-1824)
L'iconographie sur Timor publiée en France au début du XIXe siècle
constitue un ensemble d'une quarantaine de planches, tout à fait remarquable
par sa qualité et son originalité. Il provient pour l'essentiel de deux voyages
d'exploration : le premier dirigé par Nicolas Baudin, de 1800 à 1804, sur les
bateaux le Géographe et le Naturaliste, le deuxième par Louis de Freycinet, à
bord de YUranie et de la Physicienne, de 1817 à 18200). Les croquis des des
sinateurs embarqués pour l'expédition ont été conservés dans les archives (2).
Ils servirent à la fabrication des planches des «Atlas historiques» ou «Atlas
pittoresques» qui accompagnaient les récits du voyage. Ces ensembles de
prestige dont la publication dura 17 années dans le cas du premier (1807-
1824) et 20 ans dans le cas du second (1824-1844) contiennent un ou plu
sieurs volumes de planches composées à partir des croquis pris sur le vif.
La lithographie était une technique tout à fait récente et la finesse des
planches, à laquelle les dessinateurs N. Petit et A. Lesueur avaient largement
contribué par la précision de leurs relevés, fît de la publication de Y Atlas du
premier voyage une réussite (3). Mais ce qui constituait une nouveauté en
1. Voir bibliographie in fine. Pour une connaissance générale, voir Jacques Brosse, Les tours
du Monde des explorateurs, Les grands voyages maritimes, 1764-1843, Bordas, 1993.
2. L'essentiel des documents se trouvent aux Archives de la Marine, au Musée de la Marine,
au Museum d'histoire naturelle de Paris, au Museum d'histoire naturelle du Havre.
Rappelons que plusieurs articles ont déjà utilisé comme sources les documents de ces
voyages, en particulier Anne Lombard-Jourdan & Claudine Salmon, «Les Chinois de
Kupang (Timor), aux alentours de 1800», Archipel 56, 1998, pp. 393-428.
3. Nous renvoyons aux publications de Jacqueline Bonnemains (op. cit. ci-après, pp. 422-424)
Archipel 62, Paris, 2001, pp. 71-90 72 Pierre Labrousse
1812, l'était moins en 1824, avec la deuxième édition, pour plusieurs rai
sons. La première était que 1824 fut une année phare dans la découverte du
monde malais par le public, avec la publication simultanée de la deuxième
édition du Voyage de découvertes aux terres australes, de l'édition, toujours
par le même Freycinet, de son propre Voyage autour du Monde (1817-1820)
avec de nouvelles planches sur Timor, puis de l'adaptation en français des
livres de Thomas Stamford Raffles, The History of Java et de John Crawfurd,
History of the Indian Archipelago. Le mouvement de curiosité fut surtout
capté par l'ouvrage de Raffles qui révélait l'existence d'antiquités et de
grands royaumes à Java.
La deuxième raison est d'ordre esthétique. Dans l'expédition du com
mandant Baudin, Timor tient une place particulière parce que l'escale fut
conçue comme point de relâche dans la reconnaissance du littoral australien.
L'île apparaît donc comme un havre de grâce, après des rivages hostiles, des
contacts avec des aborigènes inquiétants ou menaçants. La plupart des
savants étaient partis avec un vision rousseauiste de l'homme naturel.
L'Australie constitua une immense désillusion. Par contraste, Timor et ses
environs en furent idéalisés. Même si l'expédition y laissa des morts et des
malades (4), l'île offrait un vaste terrain d'observation d'une société civilisée
ouverte, avec des échanges commerciaux, des lois, des gouvernements, des
religions et toutes les apparences extérieures des hiérarchies sociales (5) :
«Quel contraste avec l'aspect du pays que nous venions de quitter! Mille séduisantes
idées se présentaient à mon imagination ravie. Je me reposais déjà sous un épais tamarin
ier, ou j'étanchais ma soif avec le fruit rafraîchissant du cocotier. Je jouissais de tout,
même du changement» écrit Jacques Arago.®
La plupart des planches faites à partir des dessins de N. Petit et A.
Lesueur restent assez proches de l'original, en ce sens qu'elles ne cherchent
pas à réinterpréter ou inventer un arrière-plan qui n'a pas été relevé au
moment du voyage (pi. 4 et 5). Les personnages sont représentés, isolés, sans
décor. La priorité est donné à l'homme, d'où l'impression de vie et de pré
sence plus intense qui se dégage de ces images, par le regard centré sur la
reproduction de l'altérité.
et à Mon voyage aux Terres Australes. Journal personnel du commandant Baudin, texte éta
bli par Jacqueline Bonnemains avec la collaboration de Jean-Marc Argentin et Martine
Marin, Paris, Imprimerie Nationale, 2000.
4. Parmi les morts, le jardinier Riedlé. Le botaniste Leschenault de la Tour, malade, débar
qua. Il travailla ensuite pour les Hollandais à Java, avant de rentrer en France.
5. Voir le somptueux costume du roi de l'île de Solor, publié en couverture du présent volume.
6. Voir bibliographie, Arago, 1822, 1. 1, p. 286.
Archipel 62, Paris, 2001 Images de Timor en France (1812-1824) 73
La même remarque s'applique aux dessins de Jacques Arago. Il publia en
1822, une première version qui était destinée à satisfaire la curiosité du public,
en attendant que Freycinet pût réunir les fonds nécessaires à l'édition de presti
ge. Arago, il est vrai, ne disposait pas de grands moyens. Il reproduisit ses
esquisses de façon très personnelle en accentuant l'impression farouche des
personnages (7) et la représentation des montagnes qui, si elle était bien de son
siècle du point de vue du style, était une sorte d'ailleurs au niveau de l'image :
«de distance en distance, des masses de laves, vomies par d'antiques volcans, descendent
sur la plage, et offrent un contraste admirable avec ces immenses forêts qui dominent et
enrichissent le sol. Dans l'éloignement, nous distinguons des sommets aigus, dont la hau
teur doit être de plus de mille six cents toises. Lifao, Koussy, Gula-Batou, ont disparu, et
nous louvoyons aujourd'hui devant Batouguédé. Des nuages massifs, poussés par les
vents opposés, se pressent et se déchirent au milieu des pitons volcaniques que frappent
les flots avec un lugubre mugissement. » (8)
À partir du voyage de Louis de Freycinet s'opère un tournant dans l'ic
onographie, qui est particulièrement évident si l'on rapproche les deux publi
cations de 1824, l'une étant la réédition d'une vision datant de 1812 et
l'autre, celle du Voyage de Freycinet, qui était bien sûr traitée au goût du
jour. Des transformations sensibles apparaissent, dont les plus importantes
sont : l'installation d'un décor, la réduction des personnages dans le décor et
- parfois - l'entrée des voyageurs dans le décor. Le dessinateur se représente
dessinant la scène. Le choc des images de l'altérité perd de son impact au
profit d'une mise en scène qui échappe au dessinateur de l'original. En effet,
dans la réinterprétation des dessins pris sur le vif, pour la lithographie des
planches, le dessinateur du voyage n'a plus le contrôle du processus. De
nouveaux artistes interviennent pour reprendre et réinterpréter en tableau les
croquis originaux : F. Garnier (pi. 8, 9, 11), C.-A. Chasselat (pi. 13), S.
Leroy (pi. 12), J. Vasserot (pi. 10), L. Garneray(9), A.-G. Bevalet... Car la
lithographie est devenue une activité commerciale en plein essor qui s'enga
ge dans une mode, popularisée par la série des Voyages pittoresques et
romantiques dans l'ancienne France du baron Taylor et de Charles Nodier.
Elle fait travailler des artistes, spécialisés dans le genre, que l'on a même pu
qualifier d' « industriels du paysage » 0°).
7. Voir pi. 2 et 3 ci-dessous. «C'est une bonne malice du dessinateur que d'avoir refait
d'après nature le portrait des jaunes beautés de ce pays, trop flattées par Péron» écrit Malte
Brun dans les Nouvelles Annales des voyages, XVII, 1823, p. 244.
8. Op. cit., 1.

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