Jean Giono ou l expérience du désordre, Jean Giono : disorder experiences
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Description

Sous la direction de Christian Morzewski
Thèse soutenue le 10 décembre 2010: Artois
La thèse explore les différentes voies du désordre empruntées par l’œuvre de Jean Giono, en adoptant une lecture littéraire, mais aussi anthropologique, ethnologique et sociologique des textes. L’étude s’intéresse d’abord à l’importance thématique de la nature, et montre qu’au-delà des apparents désordres climatiques ou saisonniers, le monde gionien est globalement ordonné. La deuxième partie de la thèse examine alors le traitement que Giono réserve aux hommes : confrontés à un ordre quotidien ennuyeux, ceux-ci explorent des divertissements qui les conduisent à un désordre de l’action démesuré et mortifère. Finalement, l’étude aboutit à l’idée que seul le désordre parfaitement organisé de l’art, et plus particulièrement de la littérature, constitue un divertissement suffisant selon Giono qui, tout au long de son œuvre, expérimente dans le contenu comme dans la forme de ses textes un désordre total au travers duquel il cherche à profiter d’un vertige systématique, d’un déséquilibre savamment maîtrisé
-Giono
-Désordre
-Démesure
-Cosmos
-Monstre
-Scandale
-Divertissement
-Roi
-Vertige
-Déséquilibre
This thesis deals with the various forms of disorder that can be found in Jean Giono’s literary work. The chosen approach for this analysis is multifaceted, mainly literary but also anthropological, ethnological and sociological. The study first examines the thematic importance of nature. It reveals, despite climatic and seasonal disorders, the orderliness of the natural world Giono usually describes. The study then focuses on human beings in Giono’s work: philosophically bored by the monotony of a day-to-day order, they investigate various forms of diversions, and in doing so eventually experiment a dangerous violent action disorder, which leads them to physical or mental death. The study finally proves that artistic disorder seems to be the only one that can save mankind from everlasting metaphysical boredom: Giono’s work insists on the value of literary disorder. Writing enables him to test absolute disorder, considered to be the only way to benefit from a systematic vertiginous lack of balance.
Source: http://www.theses.fr/2010ARTO0003/document

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Nombre de lectures 297
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait


U n i ve rs it é d ’A rt ois
L a bo rat o ir e Text e s et C u lt u res
( E A 4 02 8)



Jean Giono
ou
l’expérience du désordre



Thèse présentée en vue du Doctorat ès-Lettres
Analyses littéraires et histoire de la langue française



Par Corinne VON KYMMEL-ZIMMERMANN



Sous la direction de
Monsieur le Professeur Christian MORZEWSKI



2 0 10







Durant mon travail de recherches, je n’ai jamais été seule, en haut de mon « phare » ou perchée sur
les hauteurs désertiques d’un volcan ressemblant à celui de Tristan da Cunha. Nombreux sont ceux qui
m’ont aidée et soutenue, et je souhaite dans cette note liminaire les remercier très sincèrement.
Monsieur le Professeur Christian Morzewski m’a fait l’honneur d’agréer mon sujet de thèse, et m’a
accompagnée durant toutes les phases de ce travail, depuis le brouillon d’une pensée informe jusqu’à la
rédaction définitive : toujours présent, à Arras comme à Manosque, il a patiemment guidé mes
recherches, me conduisant avec une extrême gentillesse et une très intense exigence intellectuelle à
explorer tous les recoins de la pensée gionienne, bien au-delà de mes premiers essais et de mes très
nombreuses hésitations, répondant à toutes mes questions, ouvrant des pistes fructueuses et m’apportant
des informations ainsi que des documents précieux. Je l’en remercie infiniment, comme je tiens à
témoigner ma reconnaissance à Madame le Professeur Agnès Spiquel qui, au cours d’une discussion
improvisée, a relancé ma réflexion à propos de Jean Giono après des années consacrées à d’autres
occupations professionnelles, et m’a accompagnée durant un travail de DEA qui m’a permis de renouer
avec la recherche à son plus haut niveau.
Cette thèse doit aussi beaucoup à toute la famille gionienne. À Manosque, Madame Sylvie Durbet-
Giono a montré son intérêt pour mes travaux, particulièrement à la suite de mon intervention concernant
la poétique de l’eau dans l’œuvre de Jean Giono. Madame le Professeur Mireille Sacotte et Madame
Marie-Anne Arnaud-Toulouse, par leurs interventions toujours judicieuses et précises, m’ont permis
d’interroger avec plus d’acuité certains aspects de l’œuvre que j’ai étudiée : leur aide m’a été très
précieuse, comme le sera celle des chercheurs qui m’ont fait l’honneur d’accepter de siéger à mon jury,
Monsieur le Professeur Jean-Yves Laurichesse et Monsieur le Professeur Jean-François Durand.
Monsieur Jacques Mény, président de l’Association des Amis de Jean Giono, m’a toujours réservé un
accueil très amical et chaleureux, et les autres membres de l’association, Mesdames Jacqueline Bélichard
et Geneviève Frandon notamment, ont répondu avec beaucoup de gentillesse à toutes mes questions
concernant Jean Giono. Qu’ils en soient ici chaleureusement remerciés en retour.
La famille gionienne se rassemble parfois à Manosque mais habite aussi d’autres lieux. Ma
participation au jury du CAPES de Lettres modernes m’a ainsi permis d’assister à des rencontres
impromptues tout à fait passionnantes : Madame Agnès Castiglione d’abord a enrichi mon approche des
œuvres de Jean Giono par ses réflexions qu’elle a accepté de me faire partager ; Messieurs Michel
Gramain et Jean-Paul Pilorget ont de leur côté répondu très amicalement à ma curiosité, comme
Monsieur Denis Hüe. Grâce à eux, mes séjours à Paris et à Tours ont eu un goût de « Provence
imaginaire » et je les remercie de m’avoir ainsi permis d’entrevoir d’autres aspects des « gouffres du
ciel » et des « gouffres de la mer » chers à Jean Giono.
Enfin, des amis très précieux m’ont accompagnée dans ce long cheminement : je remercie donc
Madame Annette Degorre-Deschamps, pour son intelligente curiosité littéraire, son enthousiasme et le
réconfort qu’elle m’a apportés de façon systématique, Madame Catherine Golieth, pour ses remarques
extrêmement précises, ses exigences de résultats et sa connaissance du sujet, ainsi que Monsieur
François-Marie Mourad, pour ses encouragements à dépasser sans cesse mes premiers essais et à
approcher d’une certaine forme de perfection intellectuelle. Sans eux, ma thèse n’aurait sans doute
jamais dépassé le projet rêveur. Et, pour terminer, je remercie aussi mon époux, Monsieur Stéphane
Zimmermann : son soutien quotidien sans faille m’a encouragée à donner forme à ma réflexion.
Merci à vous : je sais désormais que j’ai la chance de marcher dans « le fouettement furieux des
ailes de l’ange » (III, 17).


« oh ! surtout pas d’ordre ! Ai-je l’air de
quelqu’un qui met de l’ordre ? Simplement
un peu de grandeur chevaleresque, de pitié,
et du goût pour un certain bonheur. »
Le Voyage en calèche, Acte III, scène 3.




1














Introduction

La chasse au bonheur,
une chasse au désordre…


« nous pourrions nous accommoder de la
pluie, et d’être enfermés […], mais nous
voudrions gouverner. »
Fragments d’un paradis, III, 1013.
2
« J’aurais pu passer cette nuit de Noël comme tout le
monde, en tout cas comme un célibataire qui a du feu
chez lui, mais j’eus ce soir-là des démangeaisons dans la
poignée de mon sabre. » (Les Récits de la demi-brigade,
1« Noël », V, 3 )
Dans une histoire, les personnages confrontés à des péripéties qui perturbent leur
bien-être ont souvent pour but de résoudre les conflits, de viser une certaine forme de
bonheur, en somme de rechercher un ordre rassurant qui se substituerait à un désordre
déroutant. Les textes narratifs comme les pièces de théâtre et les textes de réflexion
écrits par Jean Giono reposent sur cette dialectique entre ordre et désordre, mais ne
conduisent pas nécessairement d’un désordre rejeté à un ordre espéré. Au contraire,
l’œuvre de Giono semble tout entière contenue dans une tension en apparence insoluble
entre le désir de profiter d’un univers ordonné dans lequel la tradition maîtrisée permet
le repos des hommes, et la volonté formidable de « belles taches de sang frais sur la
neige vierge », évoquées explicitement dans Un roi sans divertissement (III, 464),
volonté qui traduit le souhait plus ou moins explicite d’un désordre à la fois
déstabilisant et efficace.

Dans un premier temps, certes, les personnages créés ou évoqués par Giono
cherchent à profiter d’un bien-être simple, par exemple autour d’un foyer, d’un âtre qui
les renvoie aux temps archaïques des premiers instincts de l’homme. Louis, dans Cœurs,
passions, caractères, symbolise cette aspiration, lui qui aime se réchauffer au « poêle
Godin » d’un bistrot :
« On n’a qu’à s’asseoir assez près, on est rôti comme une grive pendant
qu’on a froid dans le dos. Il aime ça, quand dehors on entend la neige. […]
Le ronflement du poêle et de la neige, c’est un beau duo. » (VI, 556)
Par nature, explique Giono, les hommes aiment à se rassurer par un confort chaleureux,
très apprécié notamment « quand dehors on entend la neige » : l’ordre intérieur acquiert
une saveur supplémentaire lorsqu’il est comparé à l’hostilité de la nature. De nombreux
personnages adoptent cette attitude, comme le compagnon de l’Artiste dans Les Grands
Chemins ou Langlois qui aime se réfugier au Café de la Route tenu par Saucisse dans

1 Les références aux œuvres de Giono parues dans « La Bibliothèque de la Pléiade » seront dans le présent travail
indiquées sous la forme tome-page. 3
Un roi sans divertissement. Pour renforcer l’ordre domestique de l’âtre, les personnages
fument par ailleurs souvent voluptueusement la pipe, ou se délectent de plats mijotés
savoureux, à l’instar d’Ulysse et Contolavos se régalant dans Naissance de l’Odyssée de
la blanquette concoctée par Phaétousa, appréciant un plat qui se révèle « un délice de
printemps » et qui permet de « claquer la langue » (I, 46) pour marquer le plaisir. La
nourriture permet en effet de retrouver les sensations vivifiantes d’une nature au service
du bonheur des hom

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