Jean-René Suratteau (18 mai 1916-20 octobre 1998) : une esquisse biographique - article ; n°1 ; vol.316, pg 227-235
10 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Jean-René Suratteau (18 mai 1916-20 octobre 1998) : une esquisse biographique - article ; n°1 ; vol.316, pg 227-235

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
10 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Annales historiques de la Révolution française - Année 1999 - Volume 316 - Numéro 1 - Pages 227-235
9 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 42
Langue Français

Extrait

Claude Mazauric
Jean-René Suratteau (18 mai 1916-20 octobre 1998) : une
esquisse biographique
In: Annales historiques de la Révolution française. N°316, 1999. pp. 227-235.
Citer ce document / Cite this document :
Mazauric Claude. Jean-René Suratteau (18 mai 1916-20 octobre 1998) : une esquisse biographique. In: Annales historiques de
la Révolution française. N°316, 1999. pp. 227-235.
doi : 10.3406/ahrf.1999.2234
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahrf_0003-4436_1999_num_316_1_2234JEAN-RENE SURATTEAU
(18 mai 1916-20 octobre 1998)
UNE ESQUISSE BIOGRAPHIQUE
CLAUDE MAZAURIC
L'enfant que nous étions vit en nous la vie durant. De son milieu famil
ial et de ses origines, Jean-René Suratteau avait hérité un type de compor
tement et une manière d'être qui le distinguaient entre tous : il affichait son
horreur de l'hypocrisie et montrait en tous lieux qu'il méprisait les ronds de
jambe comme la servilité. Il repoussait avec véhémence l'idée si fréquente
que dans le grand théâtre de la vie, on eût à tenir un rôle ou à se contrefaire
sur le devant de la scène publique. Homme lucide et entier, pétri d'une seule
pâte généreuse et limpide, il savait se faire aimer de ceux qui l'aimaient pour
sa loyauté absolue, sa bonté vraie et son entrain perpétuel, mais il se détourn
ait des autres sans fracas ni paroles inutiles et se consacrait simplement à
ce qu'il tenait pour essentiel. Cette étrange association de modestie, de sévér
ité et de bonhomie, sans doute lui venait-elle de l'éducation première que
lui inculquèrent ses parents : son père Charles-René Suratteau (1883-1968)
et sa mère, Alicie Boutault (1884-1969), instituteurs de l'école publique aux
fortes convictions laïques et républicaines, qui furent à Orléans, où Jean-
René vit le jour le 18 mai 1916 en pleine guerre, deux intrépides militants du
mouvement syndical et mutualiste enseignant. Leur fils ne cessera jamais de
demeurer fidèle à ce qu'il pensait avoir reçu d'eux et dont il disait souvent
que cela avait constitué pour lui un incomparable héritage.
Brillant élève du lycée Pothier d'Orléans, Jean-René fut admis au
baccalauréat en 1934 avec la mention « Très bien », ce qui lui ouvrit l'accès
l'année suivante à l'hypokhâgne du lycée Louis-le-Grand à Paris, où, entre
Annales Historiques de la Révolution française - 1999 -N°2 [227 à 235] CLAUDE MAZAURIC 228
autres condisciples, il fit connaissance d'Albert Soboul son aîné de deux ans
qui était alors en « cube ». Au dire de leurs compagnons de l'époque, l'un
comme l'autre furent des élèves bûcheurs et passionnés et en même temps
très politisés, fréquentant le même groupe des adhérents de la Fédération
des étudiants révolutionnaires, proche du Parti communiste français, en
participant avec beaucoup de détermination aux manifestations antifascistes
qui préparaient le grand tournant du Front populaire. À partir de la rentrée
de 1935 cependant, afin de se consacrer à ce qu'il pensait être sa vocation
exclusive d'historien, l'étudiant Suratteau poursuivit des études d'histoire et
de géographie à la Sorbonne, études qu'il acheva en 1939 avec la soutenance
d'un mémoire de DES préparé sous la direction de Marc Bloch, « La fortune
rurale du chapitre de Sainte-Croix d'Orléans pendant la guerre de Cent Ans
et la période de la reconstruction». Le mémoire annexe préparé avec
Georges Lefebvre portait sur «les Journaux thermidoriens» et l'épreuve
complémentaire, exigée en ce temps des futurs enseignants d'histoire et de
géographie, le conduisit à préparer pour Albert Demangeon un dossier sur
« la structure agraire de la commune de Vrigny-aux-Bois (Loiret) ».
Au cours de cette période formatrice de cinq années parisiennes qui
firent de lui un historien averti, Jean-René connut un parcours politique sur
lequel il aimait à revenir dans les entretiens entre amis. Peu attiré par l'orga
nisation centraliste du Parti communiste et plus que réservé à l'égard de
l'évolution de l'Union soviétique, il fréquenta un temps divers groupes d'ins
piration trotskyste liés à la Quatrième internationale, mais s'éloigna d'eux
en raison, dira-t-il, de leurs inépuisables polémiques internes et de leur
sectarisme affiché. Après 1936, il adhéra à la SFIO du côté de Marceau
Pivert qu'il fréquenta assidûment et s'associa au courant de la «Gauche
révolutionnaire » dont il appréciait la parole de radicalité et en même temps
le souci prioritaire de préserver l'unité de la SFIO sur une ligne centriste.
Pourtant il fut quand même exclu de la SFIO en même temps que Marceau
Pivert et adhéra au « Parti socialiste ouvrier et paysan » fondé par le même en 1938. Mais bientôt hostile au « pacifisme » qui entraînait la gauche
socialiste, parce qu'une telle politique désarmait aussi bien le mouvement
ouvrier que la République française face aux provocations hitlériennes et à
l'expansionnisme nazi, Suratteau se détourna des organisations socialistes
au moment de l'Anschluss et de Munich. Antimunichois convaincu, ce qui
était assez rare dans ce milieu et en ce temps, il fut d'autant plus dépité par
la signature du pacte de non-agression germano-soviétique du 23 août 1939.
La guerre le trouva dans cet état d'incertitudes cumulées.
1939-1940 : mobilisation/démobilisation, nouvel emploi de surveillant
et reprise des études, soldée en 1942 par l'admission au Certificat d'aptitude
à l'enseignement dans les collèges (CAEC), suivie d'une nomination provi
soire comme professeur délégué au lycée Pasteur à Neuilly. C'est dans cette
position que, dès 1943, il fut mis en relation avec la Résistance intérieure JEAN-RENÉ SURATTEAU, UNE ESQUISSE BIOGRAPHIQUE 229
par le biais du réseau « Ceux de la Résistance (CDLR) ». Fondé à la fin de
1942 en zone occupée par des patriotes issus le plus souvent de milieux pol
itiquement assez conservateurs et recrutant ses adeptes, à l'origine, dans les
couches aisées de la société - professions libérales, hauts cadres de la fonc
tion publique, directeurs d'entreprises - CDLR rassembla autour de
Jacques Lecompte-Boinet des hommes d'envergure comme Michel Debré,
Bourdeau de Fontenay (qui sera le premier directeur de l'ENA), Gilbert
Grandval, Léo Hamon, J. Triboulet, De Vogue qui devint bientôt membre
du COMAC, le commandant Cocteau (Gallois) qui fut chef d'État-major du
Colonel Roi-Tanguy à la Libération de Paris, etc. Ce groupe cependant s'ou
vrit dès son origine à la participation de militants de réputation antimuni-
choise, issus de la gauche syndicaliste et socialiste, n'hésitant pas à leur
confier de périlleuses missions. Ce fut le cas pour Suratteau, entré dans la
clandestinité dès l'automne de 1943, que CDLR, pour le compte du Conseil
national de la Résistance, désigna pour se rendre à Laval et dans l'ouest de
la France (Bretagne-Normandie) aux fins de préparer l'action propre de la
résistance intérieure quand viendrait le temps si passionnément attendu du
débarquement allié. Au printemps de 1944, il fut élu membre du Comité
exécutif national de CDLR et la Libération trouva Jean-René Suratteau au
Secrétariat général du département de Seine-et-Marne dans le même
moment où Soboul exerçait des fonctions équivalentes dans l'Hérault sous
la direction du Commissaire de la République Jacques Bounin : plus tard,
l'évocation de cette similitude de destins contribua à les rapprocher ! De
cette période de lutte clandestine, nourrie d'angoisses quotidiennes et dont
il évoquait par la suite les affres mais aussi les enthousiasmes, Jean-René
conserva un immense amour de la vie - « La vie, c'est vivre, tout simple
ment », me répondit-il un jour de 1982 où j'étais pris par le blues - et une
grande aspiration à la fraternité vraie, celle qui naît de la participation à un
combat commun. Quoiqu'il fût sans illusions sur les motivations de ses
contemporains dans les pet

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents